Kalila se veut une revue pour deux rives, centrée sur les expressions de la culture algérienne. Editée par le Centre culturel algérien de Paris, cette publication alterne dans ses pages articles de fond et le riche programme que propose le centre tout au long de l'année. Pour ce numéro du dernier trimestre de l'année 2009, c'est le théâtre algérien qui est mis à l'honneur car, comme le dit si bien l'éditorialiste de Kalila, le metteur en scène René Chéneaux : « Le théâtre serait-il l'endroit où se dessine cet ''autre cap'', cher à Jacques Derrida vers un monde plus intelligent, fraternel et tolérant ? En effet, il est le lieu d'expression des identités, où les personnes qui n'obtiendraient pas forcément les bons visas surgissent devant nous et s'expriment dans notre langue. » Ensuite, c'est le dramaturge Ziani Chérif Ayad qui lui emboîte le pas pour faire l'historique du théâtre algérien et nous apprendre que malgré une production qui reste en-deçà des potentialités et des possibilités, le quatrième art a toujours été là, et ce, depuis la haute Antiquité. Il suffit tout juste de regarder tous les vestiges romains et les restes de théâtres antiques disséminés sur le sol national pour constater cette longue filiation qui ne saurait se rompre. Les talents existent donc, mais ce sont les espaces d'expression qui manquent. C'est dans cette perspective que le Centre culturel algérien de Paris a fait la part belle au quatrième art pour laisser des jeunes et des hommes de théâtre reconnus envahir sa scène pour le bonheur des spectateurs friands de représentations théâtrales. C'est ainsi que Sid Ahmed Agoumi qu'on ne présente plus, est invité à jouer ses « Voyages au bout de la mémoire », où il mêle à travers son spectacle les textes de grands écrivains algériens, toutes générations confondues, passant allègrement de Mouloud Feraoun à Mammeri, de Kateb Yacine et Malek Haddad à Sénac et Albert Camus pour finir avec Boudjedra et Yasmina Khadra. Dans cette généalogie littéraire exigeante, on décèle un long continuum qui se poursuit sans relâche, irriguant les consciences et fécondant l'imaginaire fertile d'un peuple toujours surprenant. D'autres aspects de la vie culturelle sont aussi mis au cœur de l'actualité de la revue Kalila, comme la parution du dernier ouvrage d'Olivier Lecour de Grandmaison qui continue, d'œuvre en œuvre, à traquer la politique coloniale de la France pour mettre à nu cette grande supercherie violente. La parution de son dernier livre, La République impériale, politique et racisme d'Etat, est l'occasion de comprendre les politiques de discriminations en général et surtout celles qui ont touché le système hospitalier, établissant une ségrégation sanitaire complétant les autres. Enfin, pour cerner les problématiques liées à l'immigration, la revue propose de revisiter l'œuvre du sociologue algérien Abdelmalek Sayad. Cet intellectuel qu'on a tendance à oublier est l'auteur de travaux d'une remarquable actualité au moment où la France s'enlise dans un débat aux relents nauséabonds sur l'identité nationale. Il est à signaler que la revue Kalila est en accès libre sur le site du Centre culturel algérien à Paris (www.cca-paris.com).