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« Il faudra repenser les trajectoires de développement » Senouci Mohamed. Climatologue à l'Institut hydrométéorologique de recherche d'Oran, membre du GIEC
La conférence de Copenhague a pris fin hier. Apparemment, c'était la confusion et le désordre. Que s'est-il passé en fait ? La grande confusion reflétait en fait une convergence de toutes les contradictions et l'incapacité à les résoudre simultanément en un même lieu (Nord contre Sud, société civile contre gouvernements, retour des USA contre implication des pays émergents, etc.). Aucun compromis net n'a pu être obtenu sur les questions-clés de l'agenda : réduction des gaz à effet de serre à moyen (2020) et long termes (2050), niveau et mécanismes d'aides financières et technologiques aux pays vulnérables, avenir du Protocole de Kyoto après 2012. Il n'y aura donc pas d'accord contraignant et les rares mesures annoncées s'avèrent très insuffisantes et surtout relèvent à la fois du volontarisme et de la seule intention. Finalement, que subsiste-t-il de l'esprit même de la Convention sur le climat ? Si on recule sur le plan des principes même de la convention, c'est toute la cohésion internationale qui se trouve menacée sur cette question. Quels étaient, pour les principaux groupes acteurs ou actifs — USA-Chine, Chine-Inde- Brésil-G77, pays insulaires, pays en développement (PED), Afrique — les enjeux de cette rencontre ? Depuis le début des Conférences des parties contractantes (CoP) en 1995, des groupes de négociation se sont cristallisés autour d'intérêts communs. Ces alliances se sont naturellement modifiées au gré des évolutions politiques internes et internationales. A Copenhague, les enjeux ont été au centre de négociations intenses entre des groupes tels que l'Europe, l'Afrique, les pays insulaires Alliance of small islands states (AOSIS), le bloc des grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud), le G77 ou l'OPEP. Parmi les faits nouveaux, on a assisté pour la première fois à une position africaine cohérente. Le retour des USA dans le cadre de la négociation multilatérale n'a pas créé un levier suffisant pour accélérer un accord tangible. Mais il semble avoir encouragé une tentative de polariser l'attention sur une confrontation entre les USA (chef de file du Nord ?) et la Chine (chef de file du Sud). Il n'y a pas eu d'accord tel que souhaité par les experts du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), groupe de grands scientifiques sous l'égide de l'ONU, pas de taux de gaz à effet de serre (GES) suffisants pour garantir les -2° de 2050. Quelle va être la suite ? A ce stade, il est fondamental de rappeler que tout le processus de négociation est « encadré » par la science, à travers le dernier rapport d'évaluation du GIEC (2007). Les scientifiques ont averti que 2°C d'augmentation de la température du globe à la fin du XXIe siècle, constituait un seuil « dangereux à partir duquel la situation devenait incontrôlable ». En d'autres termes, il s'agit surtout de s'éloigner autant que possible de ce seuil ! Or l'ensemble des réductions annoncées par différentes parties (sur une base volontaire et donc non contrôlable) limiterait les émissions globales à environ 12% (base 1990) alors qu'il est attendu une baisse de 40% à l'horizon 2020. Plus grave encore, telle qu'elle se présente, la situation issue de Copenhague risque d'entraîner une hausse de température qui excède 3° à la fin du siècle. S'agissant de « la suite », il est certain que le GIEC, et plus globalement la communauté scientifique, maintiendra ses efforts visant à réduire les incertitudes et produira des rapports plus fréquents. La société civile semble également décidée à faire entendre sa voix. A travers le monde, plusieurs villes commencent à s'organiser afin d'influer sur le cours des négociations sur le climat. Cette tendance va certainement s'amplifier à l'avenir. Quelles peuvent être les retombées de l'impasse de Copenhague pour nos régions (Maghreb, Sahara, Sahel) ? Par leur position naturelle et la trajectoire de leur développement, nos régions sont déjà vulnérables aux impacts du changement climatique global. La Méditerranée, le Maghreb, le Sahel ou l'Afrique sont de véritables « hot spots » dans ce domaine. Nos dirigeants et la société civile devraient tirer pleinement la leçon de Copenhague. Parmi les actions absolument prioritaires, il sera nécessaire de mieux évaluer la nature et l'amplitude des risques liés au changement climatique. Cela requiert un effort majeur sur le plan scientifique pour parvenir à réduire la vulnérabilité de nos régions et populations. Il faudra également repenser à la fois les trajectoires du développement, mais également réanalyser les relations internationales, notamment en termes de solidarité et d'intégration régionale.