La perspective d'un règlement politique, à court terme, de la crise du Donbass qui oppose depuis plusieurs mois le pouvoir central de Kiev à des insurgés pro-russes s'éloigne de plus en plus. Tous les efforts entrepris jusque-là pour convaincre les différents protagonistes du conflit à s'asseoir autour d'une table et à négocier les conditions d'un arrêt durable des hostilités se sont soldés par des échecs. Toutes les parties semblent avoir durci leur position. Conséquence, la situation empire chaque jour un peu plus sur le terrain. Le langage des armes s'est imposé de nouveau, faisant planer sur la région le scénario du pire. Ces dernières quarante-huit heures, les combats ont même doublé d'intensité aux abords des localités contrôlées par les insurgés pro-russes qui réclament le rattachement de leurs régions à la Fédération de Russie. Les combats se concentrent actuellement à Donetsk et Lougansk. Donetsk se trouve en quasi-état de siège. La stratégie de Kiev consiste, selon le ministère ukrainien de la Défense, à couper les insurgés de la frontière avec la Russie, pays qu'il accuse de soutenir militairement l'insurrection. Les forces ukrainiennes se sont montrées hier déterminées à «neutraliser» les séparatistes dans leurs fiefs. Ces derniers sont perçus comme des «terroristes» par les nouvelles autorités ukrainiennes. En face, les insurgés montrent une opposition farouche. Ils ont même contraint plusieurs centaines de soldats ukrainiens à se replier vers la Russie. Moscou a parlé, de son côté, d'une reddition qui aurait concerné plus de 400 soldats ukrainiens. Le gouvernement russe s'est, d'ailleurs, fait fort de présenter à la presse les soldats ukrainiens accueillis sur son territoire. Catastrophe humanitaire Le tableau est également sombre sur le plan humanitaire. La guerre a poussé à l'exode des dizaines de milliers de civils. Les victimes des combats se comptent quotidiennement par dizaines. A Lougansk, la mairie, qui a mis en garde dimanche contre une possible catastrophe humanitaire, s'est dite incapable de fournir un nouveau bilan car ni électricité ni communications téléphoniques ne fonctionnent. Depuis le lancement de l'offensive ukrainienne, plus de 1100 personnes sont mortes, selon l'ONU. La crise dans l'Est de l'Ukraine s'est accentuée notamment après le crash, le 17 juillet dernier, du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Les pays occidentaux ont accusé les insurgés pro-russes de l'avoir abattu par un missile fourni par la Russie. Moscou et les insurgés pro-russes ont fermement rejeté l'accusation. Quoiqu'il en soit, ce drame qui a fait 298 morts dont 193 Néerlandais, a entraîné, sans attendre, une nouvelle flambée de tensions internationales et l'introduction d'une nouvelle batterie de sanctions occidentales contre la Russie qui ont eu comme conséquence de clouer au sol, hier, des Boeing flambant neufs d'une compagnie aérienne publique russe. Les sanctions en question sont entrées en vigueur vendredi dernier. En visant le porte-monnaie des Russes, les Occidentaux vont-ils pouvoir infléchir la position de Vladimir Poutine sur le dossier ukrainien ? Beaucoup de spécialistes en doutent. Les sanctions économiques décidées par l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, selon Ian Lesser du German Marshall Fund, un groupe de réflexion spécialisé dans les relations internationales à Bruxelles, vont peut-être coûter cher à la Russie, mais le doute subsiste quant à leur capacité à contraindre Vladimir Poutine à mettre un terme à sa politique en Ukraine après l'annexion de la Crimée. Le conflit risquerait donc encore de durer. Les calculs de Moscou et de l'UE L'objectif des sanctions économiques imposées à la Russie a été clairement affiché par les Européens : contraindre le président Vladimir Poutine à renoncer à l'annexion «illégale» de la Crimée et à cesser de soutenir militairement les mouvements séparatistes pro-russes dans l'Est de l'Ukraine. Par ailleurs, l'Otan, qui a procédé à des manoeuvres dans les pays voisins de la Russie, ces derniers mois, a haussé le ton pendant le week-end contre l'«agression russe» en Ukraine, annonçant la préparation de «nouveaux plans de défense». Ce dernier élément pourrait être de nature à remettre en cause sur le long terme les relations entre la Russie et l'Otan. Ce qui n'augure aussi rien de bon pour la région. «L'Union européenne est prête à revenir sur ses décisions si la Russie s'engage à contribuer activement et sans arrière-pensées à trouver une solution pour résoudre la crise en Ukraine», a toutefois assuré la semaine dernière le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. D'autres observateurs avertissent encore que si le pouvoir et la population sont convaincus que l'Ukraine est un pays vital pour leur survie alors, il sera très difficile pour Bruxelles et Washington de faire évoluer le dossier ukrainien dans le sens qu'ils souhaitent. Une telle hypothèse ferait courir, selon un avis majoritaire, le risque d'aller au-devant d'une confrontation avec une escalade économique et militaire. Tout le monde aurait certainement à y perdre, à commencer par l'Ukraine et la Russie. Il n'est pas sûr également que l'Europe de l'Ouest en sorte indemne. Le président russe en a parfaitement conscience. C'est pourquoi, il ne recule pas.