Maintes fois opérés par les pouvoirs publics, les apurements des portefeuilles commerciaux des banques du secteur étatique s'apparentent davantage à des traitements palliatifs qu' à de véritables actions d'assainissement des modes de gestion bancaire. L'assainissement des banques publiques, convient-il de rappeler, a coûté quelque 800 milliards de dinars au total, selon l'évaluation des services du ministère chargé de la Réforme financière. Aussi, de l'aveu même du ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, le vrai problème dans ce domaine n'est pas tant d'opérer l'assainissement des banques mais de parvenir à arrêter l'accumulation de nouveaux stocks de créances douteuses. Rude tâche pour les instances en charge de la supervision du secteur de la finance, a fortiori quand on sait à quel point les interférences politico-bureaucratiques influent sur les décisions d'octroi de crédits bancaires. A s'en tenir aux données officielles, le cumul des créances douteuses au niveau des banques publiques s'élève à environ 330 milliards de dinars, soit quelque chose comme 5 milliards de dollars US. Cette lourde ardoise qui, soit dit en passant, n'intègre pas le passif des dettes irrécouvrables détenues sur le secteur privé, permet à elle seule de rendre compte de l'incohérence des logiques de recapitalisation des banques. Les enjeux de la bonne gouvernance supposent, en effet, que les dirigeants des banques soient davantage responsabilisés et, par conséquent, beaucoup plus autonomes quant à leurs actes de gestion. Comme pour appeler à une nécessaire mise en conformité des banques quant au respect des règles prudentielles en matière d'allocation des ressources, le ministre des Finances a soutenu récemment que l'Etat n'est guère disposé à apurer le passif des créances en souffrance que les établissements bancaires détiennent sur les entreprises publiques. Reste à savoir en ce sens, comment les instances compétentes comptent procéder pour parer aux acueils de la régénération de ces mauvaises créances dont l'accumulation procède essentiellement d'une gestion bureaucratique des banques par « l'Etat-propriétaire. » Fortement sollicitées pour le financement de l'économie, les caisses des banques étatiques, prévient-on, risquent de voir augmenter de 50 à 60 milliards de dinars leur stock de créances douteuses, si le statut quo des entités économiques publiques venait à se maintenir. En effet, le chef du gouvernement a fait état dernièrement d'un découvert bancaire de 300 milliards de dinars accumulé par le secteur économique public, qui compte, selon lui, plus de 350 entreprises déstructurées et 200 autres qui n'ont « aucun avenir ». Autant d'EPE qui continuent en somme à compter avec le concours financier des banques, générant ainsi de nouveaux flux de créances douteuses en étant durablement déficitaires et, donc, insolvables. Déjà très problématique, cette fâcheuse « posture comptable », s'ajoute à une situation d'autant plus fragilisée au regard de l'insuffisance d'instruments d'analyse du risque bancaire, notamment pour les créances du secteur privé. Issues en général de crédits de complaisance accordés sans engagements, les mauvaises créances des opérateurs privés, explique-t-on, sont pour ainsi dire définitivement irrécouvrables. La régénération récurrente du fléau des mauvaises dettes menace ainsi durablement la crédibilité du système financier domestique, et handicape la réforme du secteur d'une manière certaine.