Le secrétaire général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF) revient dans cet entretien sur les dernières mesures prises par les pouvoirs publics en vue de revoir la gestion interne des banques. Des nouvelles mesures viennent d'être prises pour revoir les méthodes de gestion au sein des banques à l'instar notamment de la reconfiguration de leur conseil d'administration. Peut-on en savoir plus sur la nature de ces mesures ? Effectivement, tous les conseils d'administration des banques à grands réseaux viennent d'être non seulement restructurés, renouvelés, mais en plus ils ont fait l'objet d'une série de conventions signées entre l'actionnaire qu'est l'Etat et le conseil d'administration de chacune de ces banques. Il y a aussi une convention signée individuellement par chaque administrateur et l'Etat qu'il a désigné pour représenter ses intérêts. Mis à part le conseil d'administration, la banque a d'autres rouages comme le comité d'audit qui fait non seulement l'audit des comptes mais également celui des procédures et qui relève les insuffisances existantes chaque fois que le système organisationnel ne permet pas ou rend difficile la prise de responsabilités à l'intérieur des banques. Ce comité d'audit qui est déjà en place peut être suivi par d'autres comités qui entourent le conseil d'administration et qui lui restituent une lecture de la réalité de l'entreprise autrement qu'elle est restituée par les organes opérationnels de la banque. Ces nouvelles mesures donneraient-elles, selon vous, plus d'autonomie aux banques, ou, bien contraire, réduiront-elles davantage leurs manœuvres ? Le secteur bancaire est passé par une phase où la banque était très approximative de l'Etat. Cette phase, je le crois, est derrière nous. Nous passons maintenant à une phase où la banque connaît une transformation de ses organes de gestion aussi bien statutaires, techniques qu'internes. Toutefois, nous pensons qu'après la période d'assainissement, les grandes banques nécessitent une gouvernance encore plus rationnelle, plus optimale. Les dirigeants de banque sont rarement sanctionnés par le conseil d'administration mais, beaucoup plus, par des décisions qui émanent directement de la tutelle... Dans toutes les entreprises de statut SPA, le conseil d'administration dépend de la volonté de l'actionnaire. Ce dernier a le droit de regard à la fois sur la stratégie poursuivie par la banque et sur les postes clés. Et l'actionnaire dans le cas des banques publiques c'est l'Etat. L'ABEF est-elle associée dans l'élaboration des nouvelles mesures de gestion intrabancaire ? L'ABEF est un organe de concertation technique qui travaille essentiellement sur la concertation entre les établissements bancaires de la place sur différents sujets notamment les projets de modernisation. Cela dit, nous avons participé à toutes les réflexions qui concernent aussi bien les actes de restructuration bancaire que les apports en matière d'organes de gouvernance. Malgré les nouvelles mesures, des critiques à l'égard du secteur bancaire sont toujours émises par les opérateurs économiques... Certaines critiques sont certainement fondées notamment sur le fait qu'il y a nécessité d'apporter des améliorations à l'intérieur des institutions bancaires. Le grand problème de modernisation des systèmes bancaires vient en tête de ces améliorations à apporter. L'insuffisance constatée aussi résulte de l'offre des services bancaires qui est encore sous-dimensionnée par rapport à la demande. Ne pensez-vous pas que la notion du risque est parfois exagérée au niveau des banques ? La prise de risque est actuellement rythmée par la qualité de la clientèle et de la sphère réelle. Nos entreprises n'ont pas le niveau de rentabilité souhaité sur leurs marchés respectifs. Ce qui fait que les affaires qui arrivent aux banques n'atteignent pas, parfois, le niveau de rentabilité requis. Cela ne veut pas dire que les banques sont réticentes. Il faut que vous sachiez qu'annuellement, les portefeuilles des banques évoluent de 12% à 15% de crédits nouveaux. Il faudra continuer dans ce sens et amplifier les financements. Mais pour cela, il faut trois conditions : la première c'est de doter les banques d'intérieur d'une série d'instruments qui leur permettent d'évaluer le risque rapidement et de le maîtriser. Chaque fois que les banques prennent des risques, elles regardent les impayés qu'elles ont et le niveau de leurs provisions. Et de ce point de vue là, on n'est pas dans la situation souhaitable. Deuxième condition, c'est de travailler sur une offre plus large. Cela veut dire que la gamme de produits qu'offrent les banques actuelles doit être multipliée par trois ou quatre. Troisièmement, il faut travailler sur la sphère réelle. Il faut que les entreprises existantes et à venir soient des entreprises viables. Ce n'est pas du tout le cas actuellement. Nous sommes encore dans une phase de fragilité dans laquelle les financements se font avec de la vigilance. Actuellement, les banques privées prennent les risques qu'ils souhaitent mais pour les banques publiques, il y a eu ce qu'on appel un « gentleman agreement » conformément auquel les assainissements ne se régénèrent plus. Les risques que les banques prennent depuis 2003, 2004, 2005 et à l'avenir sont des risques que ces mêmes banques prennent sur leurs propres dos, sur leurs responsabilités. Les dernières mesures de baisse de taux d'intérêt et de recapitalisation entrent-elles dans ce cadre d'incitation à plus de crédit à l'économie ? Bien évidement, c'est une conjonction de facteurs. Le challenge est d'arriver à ce que la relation entreprise-banque soit bonne. Les dernières mesures de recapitalisation permettront d'augmenter les fonds propres des banques à grand réseau et leur donner ainsi une grande capacité de financement sans risque démesuré pour elles. Car il y a toujours une relation à maintenir entre le portefeuille et les fonds propres. Deuxièmement, il y a effectivement de plus en plus de banques qui diminuent leur coûts parce que, d'abord, nous avons une aisance de ressources financière mais aussi parce que les banques anticipent sur les efforts d'épargne des ménages. Quand les banques diminuent leurs coûts, elles espèrent que la marge de leurs entreprises va augmenter et leur viabilité confortée. En plus des nouvelles mesures de baisse de taux d'intérêt et de recapitalisation, les pouvoirs publics ont procédé aussi à la mise en place d'une caisse de garantie pour les PME. C'est un instrument vital pour la prise des risques. C'est un partage de risque entre l'Etat et les banques. Il y a un ensemble de choses qui sont en train de se faire mais cela ne veut pas dire que nous avons terminé. Les banques doivent travailler encore sur la modernisation mais aussi elles travailleront avec l'actionnaire principal qu'est l'Etat sur la gouvernance. Cette dernière ne signifie pas seulement le conseil d'administration mais c'est surtout la rémunération, l'intéressement, la gestion sélective des compétences, la mise en place des grilles d'évaluation des agences et la politique d'expansion commerciale.