Il avait tout d'un président au parcours atypique. Boukharouba Mohamed Ben Brahim, dont le nom demeure étranger pour les jeunes générations, qui ne connaissent pas trop de détails sur son histoire, si ce n'est que des bribes, est peut être l'unique chef d'Etat au monde qui, durant treize ans de règne, a gouverné un pays avec un nom de guerre, celui de Houari Boumediène. Ce jeune colonel, chétif et inconnu avant le coup d'Etat du 19 juin 1965, qualifié de «redressement révolutionnaire», que les Algérois avaient pris pour une scène du film La Bataille d'Alger », de Gillo Pontecorvo, aurait eu 86 ans le 23 août dernier (il est né en 1932), soit cinq ans de plus que Bouteflika. Malgré tout ce qui a été dit et écrit sur sa personne, son parcours, et surtout son ascension controversée dans la hiérarchie militaire au sein de l'ALN, son opposition au GPRA et son arrivée au pouvoir en juin 1965, mais aussi les critiques de ses opposants quant à ses choix politiques et économiques, son implication ou non dans l'exécution de Mohamed Chabani, l'assassinat de Mohamed Khider à Madrid en Espagne en 1967, et de Krim Belkacem à Frankfurt en Allemagne en 1970, Boumediène demeure l'homme qui a le plus marqué des générations d'Algériens dans les années 1960 et 1970. Alors que la Poste vient de lui consacrer un troisième portrait dessiné par Ali Mechta, émis le 27 décembre dernier à l'occasion du 40e anniversaire de sa disparition, Boumediène demeure à ce jour le président le plus présent dans le catalogue philatélique algérien. Président du Conseil de la Révolution, puis chef du gouvernement entre le 19 juin 1965 et le 16 décembre 1976, date à laquelle il fut élu président de la République, jusqu'à sa mort, le 27 décembre 1978, il détient même le record des timbres qui continuent de rappeler encore treize ans de règne riches en événements, illustrés sur une vingtaine d'émissions comptant une quarantaine de timbres. Boumediène marquera le début de son époque par le rapatriement des restes de l'Emir Abdelkader, un sujet qui sera au centre d'une longue série de timbres entamée le 1/11/1966. On retiendra notamment des sujets, tels les mines, l'industrie et l'énergie (1968), le 1er Festival panafricain (1969) et «les plans quadriennaux» (1970 et 1974). Tous ses projets, ses campagnes de mobilisation des masses, les événements politiques, culturels et sportifs abrités par l'Algérie sous son règne ne sont pas passés sans être portés sur des timbres postaux. On citera surtout le service national, la révolution agraire, le volontariat, la conférence des pays non alignés (1973), les Jeux méditerranéens, la solidarité avec les peuples colonisés (1975), le barrage vert, la Charte nationale, la Constitution (1976), les villages socialistes (1977), la naissance de l'APN (1977) et la route de l'Unité africaine (1978). Boumediène sera le premier président algérien dont le nom figure sur un timbre à l'occasion de son élection le 16 décembre 1976. Il est aussi le premier chef d'Etat algérien dont le portrait sera porté sur une figurine postale une semaine après sa mort, avant qu'une seconde ne soit émise à son effigie le 2/2/1979. Seul le défunt président, Mohamed Boudiaf, assassiné le 29 juin 1992, talonne Boumediène, après avoir eu droit à deux timbres émis le 1er novembre de la même année. Depuis, il est complètement oublié. Comme le furent également d'autres présidents de l'Algérie indépendante, à l'exemple de Ben Bella, qui fut presque banni du catalogue philatélique, hormis deux timbres qui rappellent encore sa courte investiture. Il s'agit de ceux émis pour marquer le Fonds national de solidarité (26/5/1963) et la Constitution algérienne, dite «la Constitution de Ben Bella» (13/10/1963). Le plus chanceux sera quand même Chadli Bendjedid, dont le nom sera inscrit sur un timbre sorti lors de son élection comme président le 10/2/1979, suivi par une poignée d'émissions ayant pour sujets les congrès du FLN, la charte de 1986, le sommet de l'Union du Maghreb arabe et la Constitution de 1989. Chadli partira lui aussi dans l'anonymat, en dépit de funérailles d'un chef d'Etat, comme c'est le cas aussi pour Ali Kafi. Face à ces personnalités décédées qui sont passées par le Palais d'El Mouradia, la philatélie algérienne demeure encore sourde, muette et aveugle, à moins d'une décision salutaire de «Son excellence» Abdelaziz Bouteflika.