Une pétition initiée hier par SOS Racisme et signée par de nombreuses personnalités politiques, des intellectuels et des artistes va dans le même sens. En cause : le débat voulu par Nicolas Sarkozy et lancé par le ministre chargé de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson, a atteint un niveau inqualifiable, se cristallisant sur la stigmatisation de l'Islam et de l'immigration. Il tourne au racisme et à la xénophobie. Selon un sondage CSA pour le Parisien, paru hier, 29% veulent un « arrêt » de l'initiative lancée par Eric Besson et 21% une « suspension » temporaire, contre 31% qui souhaitent continuer à débattre. Le 1er novembre dernier, dans le même journal, un autre sondage CSA expliquait que 60% des interrogés jugeaient que ce débat était « une bonne chose ». Mais depuis, les discussions, à l'appui du référendum suisse sur les minarets, de déclarations controversées de responsables politiques, telles que celles de la ministre chargée de la Famille, Nadine Morano (invitant les jeunes musulmans à remettre leur casquette à l'endroit et à cesser de parler verlan), ou de milliers de contributions déposées sur le site gouvernemental consacré au débat, celui-ci a pris un tout autre tournant. Ce glissement provoque un malaise et un embarras jusque dans les rangs de la majorité UMP et de l'Exécutif, et de vives réactions au sein de la gauche qui a dénoncé un débat visant, selon elle, à « diviser les Français ». « Le risque de traiter les musulmans comme une catégorie, une ethnie à part, est un vrai risque dans ce débat », expliquait récemment le commissaire à la diversité, Yazid Sabeg à RTL. « Ça me fait frissonner en tant que musulman » « Ce que j'entends dans la bouche de certains élus de la République, ce que je lis, ce que je vois sur Internet, me fait frissonner, me fait peur, comme musulman », a-t-il confié. « Je vois du racisme, une stigmatisation. » Pour sa part, l'association SOS Racisme a lancé hier une pétition et un site, arretezcedebat.com. Pour l'association, « depuis plusieurs semaines, les débats sur l'identité nationale sont apparus comme des espaces de libération d'une parole raciste, prompte à remettre en cause, de façon insidieuse ou explicite, la légitimité de la présence sur le sol national de catégories entières de la population ». « Dans notre pays comme dans toutes les grandes démocraties, le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit (...) Les propos racistes tenus dans des réunions organisées par les préfectures sont d'autant plus graves que l'Etat vient apposer sa légitimité à l'expression de pensées qui n'ont pas lieu d'être dans le débat public », souligne encore le texte de la pétition. « Nous vous demandons, M. le président de la République, de mettre un terme à ces réunions, sans quoi la République française que vous représentez aura fait le choix de laisser se tenir en son sein et avec son assentiment un débat de nature à briser durablement les fondements de notre vivre ensemble », conclut le texte. La pétition de SOS Racisme a recueilli 140 premières signatures de personnalités, dont les ténors du PS comme Martine Aubry, Laurent Fabius, François Hollande ou Lionel Jospin, mais aussi des célébrités comme Isabelle Adjani, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Jane Birkin, Daniel Cohn-Bendit, Bernard-Henri Levy ou Geneviève de Fontenay. A Droite, après Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin ou encore François Baroin, c'est Alain Juppé qui a affirmé dimanche qu'il ne voyait pas l'utilité de cette initiative. « La question ‘‘qu'est-ce qu'être français ?'' ne se pose pas vraiment. Nous connaissons la réponse », estime-t-il. Pour sa part, Dominique de Villepin avait affirmé récemment que « ce débat n'a pas de sens (...) Dans une période de crise, on a autre chose à faire qu'à se diviser sur un sujet aussi important que celui-ci ». Initialement prévu pour durer jusqu'au 31 janvier, le débat sur l'identité nationale pourrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2010, « bien au-delà des élections régionales », a affirmé le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, dans un entretien au Parisien, hier. Officiellement, le gouvernement ne recule pas. Mais un terme ne devrait-il pas être mis à ce débat biaisé ? Nicolas Sarkozy le maintiendra-t-il, lui qui le voyait mercredi dernier comme un « débat noble » ? La raison voudrait qu'il le soit, tant il a pris une voie dangereuse et condamnable.