Des personnalités de gauche comme de droite ont haussé le ton pour y mettre fin. Pierre Moscovici est certainement l'homme politique qui a eu la dent la plus dure envers les concepteurs de cette initiative. Le débat sur l'identité nationale «abîme la République et dégrade la France», a estimé l'ancien ministre socialiste. «C'est une arme de guerre contre les immigrés. Eric Besson s'est égaré...il mérite toutes les critiques qui lui sont faites mais...moi je les adresse à son maître, Nicolas Sarkozy, Eric Besson étant l'exécutant...l'homme des basses besognes», a ajouté l'élu du Doubs. Nicolas Sarkozy et son bras armé, Eric Besson, n'ont pas pensé à mettre en oeuvre des mécanismes visant à protéger les quelque 4 millions de musulmans que compte le territoire français. Faut-il encore s'entendre sur cette statistique qui demeure des plus fantomatiques et qui sert surtout à entretenir des fantasmes islamophobes et le rejet de l'autre. Le débat sur l'identité française, automatiquement biaisé, a dérapé. Volontairement. Sciemment. Il a stigmatisé la population la plus vulnérable, la moins protégée: les étrangers de confession musulmane. A ce sujet, la dernière sortie médiatique de la secrétaire d'Etat à la Famille est édifiante. Lors d'une réunion publique, à Charmes, dans les Vosges, elle a répondu en ces termes à un jeune chômeur qui s'interrogeait si l'Islam était compatible avec l'identité française: «On ne fait pas le procès d'un jeune musulman. Sa situation, moi je la respecte. Ce que je veux, c'est qu'il se sente français lorsqu'il est français. Ce que je veux, c'est qu'il aime la France, c'est qu'il trouve un travail et qu'il ne parle pas le verlan. C'est qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers.» Au même titre que Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur qui s'est gaussé de l'origine arabe d'un jeune militant de l'UMP, le 5 septembre à Seignosse dans les Landes, Nadine Morano a fait dans le même registre et ajoute un plus d'huile sur le feu. En plein débat sur les minarets en France, provoqué à ce propos par le vote suisse, le Front national qui n'en demandait pas tant, est sorti du bois. Donnant libre cours à son idéologie raciste et xénophobe. Huit tombes de soldats marocains morts pour la France durant la Seconde Guerre mondiale ont été profanées au mois d'octobre dernier au cimetière de Montjoie-Saint-Martin dans le sud de la Manche. Dans la nuit de samedi à dimanche 13 décembre, alors que le débat sur l'identité nationale battait son plein, c'est au tour de la mosquée de Castres, qui se trouve dans le Tarn, au sud de la France, de subir le même sort. Ses murs ont été badigeonnés de croix gammées et de slogans hostiles aux immigrés. «La France aux Français», pouvait-on lire. Ce paisible lieu de culte où se réunissent quelque trois cents fidèles a été souillé. Il faut dire que le gouvernement français n'a pas manqué d'alimenter son opinion publique avec des thèmes visant en particulier les étrangers, notamment maghrébins et africains, de surcroît de confession musulmane, présents sur son sol. Tests ADN, port du voile et de la burqa...Tout cela au nom d'une politique de l'immigration basée essentiellement sur les expulsions. Sarkozy en a exigé pas moins de 25 000 en 2008. Les signes distinctifs sont vécus comme des symboles de refus d'intégration. Pourtant, des statistiques très crédibles montrent que 25% des femmes qui portent la burqa sont en fait des Françaises converties à l'Islam. Les discussions autour de ces sujets divisent la France. «Tout ce qui peut dresser les communautés les unes contre les autres est détestable», a déclaré Alain Juppé dans un entretien accordé au Parisien. L'ancien Premier ministre n'a pas manqué de sévèrement condamner l'expulsion des neufs Afghans, qui a été programmée le mercredi 16 décembre. «Dans la situation de l'Afghanistan, la tradition d'asile de la France souffre de ce genre d'opération», a relevé l'ex-dauphin tout désigné de Jacques Chirac. Les voix qui se sont élevées pour mettre fin à des dérapages, qui n'ont eu pour conséquences que d'exacerber des réflexes xénophobes et racistes qui ciblent en priorité la communauté musulmane, ne se comptent plus. L'Union des étudiants juifs de France, l'Uejf, s'est «alarmée» des propos tenus par la secrétaire d'Etat à la Famille et a demandé au gouvernement de «mettre un terme au débat sur l'identité nationale». Dans une pétition signée par des intellectuels, des artistes, des hommes politiques (Laurent Fabius, Benjamin Stora, Josiane Balasko, Daniel Cohn-Bendit, Isabelle Adjani...), SOS racisme ont appelé Nicolas Sarkozy à mettre un terme à la polémique soulevée par ce sujet si délicat et qui montre combien la France est malade de ses étrangers. «Arrêtez ce débat, Monsieur le Président!», demandent les signataires du texte à Nicolas Sarkozy.