-Pensez-vous La disparition de la dissection sur sujet anatomique dans les facultés algériennes est préjudiciable à la qualité de formation des médecins en Algérie ? Tout à fait, j'estime que cela est extrêmement préjudiciable à la qualité de la formation du futur médecin. L'anatomie est une discipline fondamentale, qui intervient à la base de l'enseignement de la médecine. Tout le savoir médical passe inéluctablement par la connaissance et l'exploration du corps humain. Priver les étudiants de dissection durant leur cursus les pénalise grandement dans leur apprentissage. Mais je tiens à préciser que ce n'est pas là l'unique souci. La qualité de l'enseignement, dans son ensemble, est en souffrance et il serait grand temps de faire un travail d'évaluation sérieux afin de revoir les méthodes et tenter de rattraper le retard. Tout le monde s'accorde à dire que le secteur de la santé vit une situation catastrophique, mais j'estime qu'il serait plus constructif que tout ce beau monde s'accorde plutôt à se réunir pour traiter concrètement des ces insuffisances et identifier les dysfonctionnements. L'état l'enseignement de la médecine est partie intégrante de ce débat. -D'aucuns relient la recrudescence des erreurs médicales à la méconnaissance de l'anatomie par certains jeunes praticien. Y a il une part de vérité dans ces accusations ? A l'image de l'état du secteur de santé, la qualité de l'enseignement de la médecine est, elle aussi, sinistrée. Mais il serait faux de mettre la responsabilité des erreurs médicales uniquement sur le compte de la disparition de la dissection sur sujet anatomique. Le problème est plus complexe, mais la part de l'incompétence due à une mauvaise formation y est pourtant pour beaucoup. Nous pouvons noter que, hormis la méconnaissance de l'anatomie et la pratique des actes chirurgicaux à la faculté, il y a également le handicap linguistique des nouveaux bacheliers admis en médecine. Le phénomène du recul des niveaux tire ses origines de l'état de l'école en amont. Je veut dire la non-maîtrise des langues étrangères défavorise énormément les étudiants dans leur quête de compréhension des sciences médicales. Si l'on se met à énumérer les lacunes des facultés de médecine à l'origine de ce recul des niveaux, on peut aussi désigner l'effet négatif de la massification ; on compte jusqu'à 5000 nouveaux médecins chaque année. Il est très difficile d'impliquer deux cents étudiants, en amphithéâtre, dans des travaux démonstratifs sur l'anatomie. Et qu'en serait-il d'une séance de dissection ! -Revenons à la question de la dissection. Comment expliquez-vous la disparition de la discipline et la volonté tacite des pouvoirs publics d'ignorer la question? N'y voyez-vous pas l'empreinte du conservatisme religieux ? En vérité, il s'agit d'une vieille histoire qui remonte à 1976. Mais si l'on veut être pratique, il nous suffit de nous contenter de l'avis des autorité religieuses n'ont jamais émis d'objection sur le sujet, bien au contraire ! La fatwa de cheikh Hamani explique et autorise le don d'organes et la dissection à des fins d'enseignement et de recherche. Je désignerais par contre un autre conformisme ou conservatisme médical, si l'on peut dire. Dans la communauté médicale, il existe des personnes qui n'aiment pas le changement et craignent tout mouvement de réorganisation de peur d'en prendre pour leur grade. Par ailleurs, sur le plan juridique, il paraît que des dysfonctionnements techniques persistent et c'est la raison pour laquelle la question reste suspendue. Cela se passe entre les ministères de la Santé, de l'Enseignement et la Recherche scientifique, de la Justice…, de l'Intérieur. Mais puisque la fatwa existe, un simple décret signé par le Premier ministre suffirait pour régler la question. En attendant, je ne vois pas pourquoi le secteur de l'enseignement supérieur, qui parait dépenser des sommes considérables, n'opte pas pour l'équipement des laboratoires d'anatomie en matériel pédagogique moderne. Vous savez, la technologie permet désormais de réaliser des mannequins synthétiques spécialement pour l'enseignement de l'anatomie. Les organes et les tissus à disséquer sont en tout points identiques. Il faut être pratique et constructif, une solution pareille permettrait de minimiser les dégâts, en attendant de régler cette question qui s'éternise.