Plus de 70 000 personnes sont atteintes de surdité profonde. Il s'y ajoute chaque année entre 500 et 600 nouveaux cas. N'étant pas bien pris en charge par le système éducatif, le handicapé auditif de Sétif, la deuxième wilaya du pays en nombre d'habitants, ne bénéficie toujours pas de l'important plan lancé en 2003 par les pouvoirs publics, qui s'impliquent dans l'implant. Ce procédé est en mesure d'apporter un réel espoir aux handicapés, qui pourront dès lors retrouver une vie normale. Implanté avant l'âge de deux ans, un sourd-muet de naissance peut, à 6 ans, avoir un langage normal et une scolarité des plus ordinaires. Cependant, l'implant est, pour l'heure, assuré uniquement à Alger et Annaba, où de très grands progrès ont été réalisés. A la recherche de nouveaux centres en mesure d'effectuer ce genre d'actes chirurgicaux, la commission nationale, qui fait le maximum pour atteindre 500 implants, n'a rien fait pour les hautes plaines où le handicap auditif avance à grandes enjambées. Les intentions de doter Sétif d'une structure devant réaliser au moins 30 implants par an ne sont qu'un vœu pieux, d'autant plus qu'un implant est aussi lourd que coûteux. On doit savoir que celui-ci coûte 20 000 euros (2 millions de dinars). Interrogé sur un problème qui empoisonne la vie à de nombreuses familles ne bénéficiant d'aucun soutien, le Dr Lehtihet, directeur de la santé et de la population, qui ne veut pas s'aventurer, dira : « L'implant cochléaire est une opération délicate nécessitant une certaine technicité et un équipement adéquat. Avant de se lancer dans l'implant que nous devons réaliser selon les normes, le CHU doit se doter d'un service ORL performant. Comme Annaba a pris en la matière une certaine avance, nous allons profiter de cette expérience pour concrétiser un tel projet. » En attendant, les demandeurs d'un implant inscrits sur la liste d'attente d'Alger doivent prendre leur mal en patience. A ce propos, le père d'un enfant déficient auditif témoigne ainsi : « La déficience auditive de mon garçon qui n'a pas été dépistée à temps nous rend la vie impossible. » Notre interlocuteur s'explique mal l'approche de l'Etat qui refuse l'implication du privé, en mesure d'atténuer les souffrances d'une bonne partie des 15 000 cas de surdité implantable recensés à Sétif. Sous le sceau de l'anonymat, un spécialiste enfonce le clou, disant : « La surdité est un véritable problème de santé publique. Il faut savoir qu'au Maroc, c'est le privé qui s'en occupe. Je ne suis pas un adepte à 100% du privé, mais ce secteur possède les compétences et un plateau technique adapté, il peut aisément intervenir dans certains domaines aussi bien chirurgicaux qu'orthophoniques. » Bref, le soulagement d'un handicap aussi lourd et pénible qu'une surdité ne peut être renvoyé aux calendes grecques, car voir un enfant sourd de naissance, implanté suffisamment tôt, prononcer ses premiers mots, vaut non seulement tout l'or du monde, mais exempte la société de bon nombre de problèmes.