A la tête de la commission nationale des implants cochléaires, le professeur Djamel Djenaoui, chef de service ORL de l'hôpital Mustapha Bacha, pionnier de l'implant en Algérie, parle, à travers l'entretien exclusif accordé à El Watan, de la surdité et de la difficile prise en charge d'une maladie méconnue et sous-médiatisée… Peut-on avoir un aperçu sur l'implant cochléaire en vogue depuis un certain temps ? C'est un dispositif chirurgical extrêmement délicat. Et ce, en introduisant une électrode au niveau de l'oreille interne. Ce procédé est utilisé en cas de surdité profonde bilatérale, congénitale ou acquise. L'implant qui traite pratiquement toutes les formes de surdité nécessite une équipe homogène, la motivation des parents, un environnement capable de dépister à temps la surdité ainsi qu'un long et soutenu travail de rééducation. Pouvez-vous nous éclairer sur le nombre des personnes atteintes par cette maladie méconnue du grand public ? Plus de 70 000 personnes sont atteintes de surdité profonde. Il s'y ajoute chaque année entre 500 et 600 nouveaux cas. N'étant pas bien pris en charge par le système éducatif, l'handicapé auditif bénéficie depuis 2003 de l'attention des pouvoirs publics qui s'impliquent dans l'implant, et pour lequel un important programme est lancé, depuis. Ce procédé est en mesure d'apporter un réel espoir pour les handicapés pouvant ,dès lors, retrouver une vie normale. Implanté avant de boucler les deux ans, un sourd-muet de naissance peut, à 6 ans, avoir un langage normal et une scolarité des plus ordinaires. Est-il possible d'avoir une idée sur les activités des différents intervenants ? Mon équipe a, depuis 2003 (date de lancement du programme national), réalisé 40 implants. Pour la période 2007-2008, nous prévoyons 100 autres. Ce chiffre est très en deçà des besoins des 550 patients du service devant, hélas, prendre leur mal en patience. La commission nationale à la recherche de nouveaux centres en mesure d'effectuer ce genre d'actes chirurgicaux fait le maximum pour atteindre, à moyen terme, 500 implants à la charge d'une quinzaine de centres. Qu'en est-il des nouveaux centres devant être inscrits par le ministère de la Santé ? Même s'ils n'ont pas atteint la vitesse de croisière, les centres de Kouba, Beni Messous et celui d'Annaba vont, à moyen terme, réaliser une bonne partie des 400 implants prévus par la tutelle. D'autres wilayas comme Sétif, la deuxième du pays en nombre d'habitants et de personnes atteintes par un tel problème, seront prochainement dotées d'une structure similaire devant réaliser au moins 30 implants par an. Les personnels devant prendre en charge ces délicates opérations sont actuellement en formation. Le privé sera-il, un jour, impliqué dans ce genre de procédés ? Ce programme de santé publique est pris en charge par le secteur public, sachant qu'un implant est lourd et coûteux à la fois. On doit savoir qu'un implant coûte 20 000 euros (2 millions de dinars). Néanmoins, le privé peut intervenir dans différentes phases de l'opération, en apportant son savoir-faire, son expérience et surtout sa compétence. Rien n'empêche le privé d'avoir une convention lui permettant d'intervenir dans certains domaines aussi bien chirurgicaux qu'orthophoniques. Je dois aussi souligner qu'on a tendance à dire que l'implant coûte cher. Soulager un handicap aussi lourd et pénible qu'une surdité profonde n'a pas de prix. Voir un enfant sourd de naissance, implanté suffisamment tôt, prononcer ses premiers mots, vaut tout l'or du monde.