Cracovie et Varsovie (Pologne) De notre envoyé spécial Le plombier polonais affiche aujourd'hui fière allure et, mieux encore, il ne veut point quitter son pays, tranquillement installé dans une dynamique économique très prometteuse, par opposition à la France et à beaucoup de pays européens qui mangent leur pain noir depuis la crise de 2009. Et comme une réponse taquine, l'office du tourisme de Pologne a ressorti l'image requinquée du fameux plombier pour en faire un moteur de vente du produit local. On voit aujourd'hui Piotr Adamski, très élégant dans son uniforme de plombier, inviter les Français et Françaises à aller le rencontrer, mais en Pologne… Ce message plein d'ironie résume assez bien l'état d'esprit dans ce pays, boosté par une dynamique économique qui fait pâlir d'envie en Europe. Durant notre récent séjour dans ce pays, nous avons pu apprécier, au Salon professionnel international de la machine-outil et de l'outillage organisé à Cracovie, le boom économique au pays de Lech Walesa. Faut-il noter que la Pologne a été le seul Etat membre de l'UE à afficher une croissance positive de son PIB en 2009 (+1,7%). Si la croissance a dévissé sensiblement en 2012 (1,9%) elle a tout de même enchaîné deux pics non négligeables en 2010 et 2011 avec respectivement des taux de 3,8 et 4,5% du PIB. La loi de finances 2014 prévoit une reprise à hauteur de 2,5%, soit la meilleure performance dans toute la région de l'OCDE. La boîte à outils d'un succès On le voit bien, le plombier polonais a fait du chemin… Mieux encore, les autorités de ce pays qui, il y a vingt ans, était quasiment en faillite comme tous les pays du bloc socialiste, ont lancé un ambitieux programme d'investissement doté de près de 200 milliards d'euros entre 2013 et 2020. «La Pologne est devenue une machine qui fonctionne à plein régime», soutient Azzedine Bouacid, un cadre algérien installé à Varsovie depuis 37 ans. Le secret de cette success story ? «Ce boom est lié en grande partie à la nature du citoyen polonais, qui travaille comme un forcené et ne râle jamais», explique-t-il. Aussi, les responsables ont habilement su poser leur curseur sur le voisin allemand qu'ils ont pris comme modèle de réussite. Et ça n'a pas raté puisque la Pologne est devenue, ces dernières années, l'usine de l'économie allemande. Et comme l'enseigne l'adage «dis-moi qui tu fréquente je te dirait qui tu es», la Pologne n'est certes pas encore l'Allemagne mais elle y ressemble fort… Le fait est que c'est le seul pays qui s'affiche en tenue de soirée dans l'enceinte de l'Union européenne, à Bruxelles, où la récession était le «produit» le plus partagé en 2009. Les algériens conquis Dans les différents stands du Salon professionnel de l'outillage industriel de Cracovie, nous avons pu constater les nombreux produits allemands mais aussi italiens, américains et autres fabriqués en Pologne. Des produits de très bonne qualité, exportés dans pratiquement tous les pays de l'Est, en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient. A Krakow Expo, le visiteur peut apprécier de visu la qualité technique, esthétique et technologique des produits «made in Poland», qui sont en outre très concurrentiels. Qu'il s'agisse des machines de découpe de haute précision, des instruments de modélisation, des moules industriels ou encore des monte-charges robotisés, l'exposition est un régal pour les yeux. Les chefs d'entreprise algériens invités à cette manifestation en ont eu plein les yeux. Zaim Moncef (patron d'un groupe industriel dans le domaine agroalimentaire et de la transformation métallurgique), Hassan Bouaziz (industriel dans le domaine des conserveries), Abdelhafid Hawas (versé dans la production chimique et l'emballage métallique) et Mohamed Fodhil (industrie du recyclage) n'ont pas boudé leur plaisir. Ils ont apprécié ces produits et pris note pour d'éventuels partenariats. «Les Polonais ont réussi à faire des miracles. Il y a juste quelques années, c'était un pays en deçà du niveau de l'Algérie ; voyez où ils en sont aujourd'hui», glisse Zaim Moncef, en bon connaisseur de la Pologne qu'il a visitée plusieurs fois. La zone économique de Katowice, que nous avons visitée, est l'exemple grandeur nature du décollage économique de la Pologne. Créée en 1996, Katowice affiche un tableau de bord impressionnant avec son capital investissement de 5,2 milliards d'euros, ses 53 000 emplois, ses 44 universités, ses 130 000 étudiants et ses 100 centres de recherche et développement. Katowice, l'incubateur de la performance Le géant américain de l'automobile GM Opel, qui y a posé ses machines, a attiré de nombreuses enseignes internationales à l'image d'Isuzu, Fiat GM Powertrain, Electrolux, Guardian, TRW, NGK Ceramics, Tenneco Automotive, ArcelorMittal, Steria et Capgemini. Katowice est devenue le poumon de l'économie polonaise, entourée de 12 autres zones économiques où «un projet d'investissement peut se conclure en trois semaines», selon le jeune Wiltold Uhma chargé du marketing de la zone. Les chiffres sont éloquents : en 2013, ce pays a exporté pour 191,3 milliards d'euros de marchandises vers plus de 200 marchés ! C'est-à-dire autant que la cagnotte des réserve de change thésaurisée par l'Algérie durant plus d'une décennie grâce au baril cher… La Pologne a exactement le même nombre d'habitants que l'Algérie, c'est-à-dire un peu plus de 38 millions. La comparaison s'arrête là. Selon le classement Doing Business 2013 de la Banque mondiale, la Pologne est le pays qui a le mieux amélioré son climat des affaires sur les 186 pays analysés. Ex-parent pauvre de l'Europe, plombée par une économie dirigiste asphyxiante, la Pologne s'est imposée en vingt ans comme le bon élève du vieux continent et tutoie les maîtres allemands. Sans gaz, sans pétrole mais surtout sans bruit. Un bon exemple à suivre pour l'Algérie, dont le marché intérieur a la même taille et des potentialités autrement plus grandes. Il y a vingt ans, les Algériens partaient en Pologne pour dépenser sans compter dans ce pays délabré et pas cher. Aujourd'hui, ce sont hommes d'affaires qui vont à Varsovie et Cracovie pour tenter de s'offrir les produits polonais. Tout un symbole…