Le dossier consacré à la situation financière des imprimeries publiques, publié mercredi dernier par El Watan, a visiblement soulevé une tempête en haut lieu. Les responsables des établissements cités – la SIA, la SIE et la SIO en l'occurrence – se sont en tout cas empressés de démentir les informations publiées par notre journal. La réaction était prévisible. Trop d'intérêts sont en jeu pour qu'on laisse peser le moindre petit soupçon sur la réussite éclair de certains titres privés qui, il y a encore six mois à peine, arrivaient difficilement à boucler leurs fins de mois. Comme toutes les réactions intempestives faites à chaud, les « mises au point » formulées par les imprimeurs et que notre confrère Echourouk s'est d'ailleurs fait un plaisir de publier in extenso dans son édition de jeudi dernier, présentent le défaut d'être maladroites et d'avoir la mémoire courte. Et contrairement aux arguments avancés, ils n'ont pas du tout l'habitude de communiquer avec la presse. Il est plus facile d'obtenir une information du ministère de la Défense que d'une entreprise comme la SIA. Une entreprise qui, d'ailleurs, ne remet pas en cause le constat d'El Watan dans ce qu'elle qualifie de droit de réponse. Ceux qui, aujourd'hui, accusent El Watan et ses journalistes de fabuler semblent oublier, en effet, que l'essentiel des chiffres avancés dans notre édition du 23 décembre 2009 sont, en gros, ceux-là mêmes que le ministre de la Communication a rendus publics au mois de juillet 2008 lorsqu'il était question, justement, d'éponger les dettes des imprimeries et curieusement aussi, celles de certains titres privés. Au nom de quelle logique allait-on remettre les compteurs à zéro ? Allez savoir ! Cela ne s'est finalement pas fait. Nier la crédibilité de ces chiffres reviendrait donc tout bonnement à qualifier le gouvernement de menteur. Alors, avis aux amateurs ! A l'époque, le montant global de la seule dette des sociétés publiques d'impression avoisinait 1,5 milliard de dinars. En revanche, le volume de la dette des journaux privés n'était pas loin des 3 milliards de dinars. 2,5 milliards de dinars pour rester dans l'exactitude (250 milliards de centimes). El Watan détient des informations qui prouvent que le poids de la dette de certains journaux s'est considérablement alourdi depuis juillet 2008. Des imprimeurs ont même dû poursuivre des journaux devant les tribunaux pour espérer récupérer un jour leur argent. Aujourd'hui, il y a un tel capharnaüm dans le dossier de la dette des journaux et dans la gestion des imprimeries publiques que même la Cour des comptes, avec son armée d'experts et de comptables, ne s'y retrouverait pas. Il n'est pas question, ici, d'entrer dans le détail d'accords contractuels qui ne regardent, au demeurant, que les parties qu'ils engagent. Toutefois, il n'est pas normal que des journaux soient harcelés dès qu'ils omettent d'honorer une petite facture de rien du tout alors que d'autres se permettent le luxe de cumuler des dizaines de milliards de dinars de dettes sans pour autant être inquiétés. Et dire que des titres ont été fermés manu militari pour peu de chose. Difficile de dire les choses autrement : l'Etat a une gestion des imprimeries publiques fondée sur le deux poids deux mesures. Le pouvoir politique fait vivre qui il veut et ferme les vannes à qui il veut. Que l'on s'entende bien : personne ne pourra empêcher El Watan d'ouvrir un débat sur la gestion des imprimeries publiques. Personne ne peut également empêcher notre journal de voir l'usage fait par les pouvoirs publics de l'argent des Algériens. L'opinion publique doit savoir que des sommes faramineuses sont utilisées chaque année à financer, par le biais de divers procédés, une masse de journaux sans lecteurs. La raison ? Créer un champ médiatique artificiel pour noyer les titres qui dérangent. Dans la foulée, un nombre incalculable de personnes qui n'ont rien à voir avec la presse (il s'agit en réalité d'imposteurs) se remplissent tous les jours les poches en toute impunité. Les publications « élues » sont, bien entendu, aussi arrosées gracieusement par l'ANEP, l'agence chargée de gérer la publicité publique. Pour le malheur des entreprises publiques économiques, la publicité ne va pas toujours dans les supports les plus porteurs. Mais quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics n'ont aucune inquiétude à se faire. A ce jour, il n'y a aucun moyen de savoir qui fait quoi et qui pèse combien dans le paysage médiatique algérien. C'est un véritable maquis où chacun trouve son compte. A commencer par l'Etat, qui a tout intérêt à ce que l'opacité perdure. C'est la raison pour laquelle tous ceux qui tentent de voir clair dans ce dossier sont accusés de tous les maux !