Pour le troisième jour consécutif, Liberté sera aujourd'hui absent des kiosques. Les imprimeries étatiques du Centre (SIA), de l'Est (SIE) et de l'Ouest (SIO) refusent toujours de procéder au tirage de notre journal alors que la totalité des factures réclamées par ces trois sociétés sont réglées depuis lundi après-midi. Le tableau de recouvrement des créances publié hier par les imprimeries dans les journaux El-Moudjahid et Horizons le confirme : Liberté ne doit plus le moindre centime à aucune imprimerie. L'argument commercial ainsi levé, nous considérions que les directeurs des sociétés d'impression pouvaient cesser d'obéir aux injonctions du pouvoir, dans une sorte de sursaut d'orgueil. C'était manifestement trop leur demander. Ils auront donc trouvé un nouveau prétexte pour empêcher Liberté de paraître, un prétexte qui relève de la folie furieuse de Bouteflika et du jusqu'au-boutisme de Ouyahia : Liberté est sommé d'acquitter les factures d'impression d'un autre journal, aujourd'hui disparu des étals, Essahafa en l'occurrence. Les sociétés d'impression croient pouvoir justifier cette nouvelle sommation en affirmant, dans un communiqué publié lundi par l'APS et hier par El Moudjahid et Horizon, que Liberté et le défunt quotidien arabophone Essahafa sont “deux publications d'un même groupe”. Dès lundi soir, nous avions répondu à ces allégations par des courriers transmis par fax aux directions des quatre imprimeries (SIA, Simpral, SIE et SIO). Nous leur expliquions que la SAEC, la SARL qui édite Liberté, et la SARL Essahafa n'avaient aucun lien juridique et que notre journal ne relève d'aucun groupe. Au même moment, une mise au point était transmise à l'APS qui, comme nous nous y attendions, n'a pas cru devoir la publier. Hier encore, et malgré ces précisions, les sociétés d'impression continuaient à exiger le paiement des factures dues par Essahafa, au lieu de s'adresser, comme le commande l'usage en la matière, au liquidateur de cette entreprise, dont la mission consiste précisément à honorer les dettes de cette dernière et à recouvrer ses créances. Pour autant, nous ne sommes guère étonnés car, nous savions, dès jeudi, à la réception des “premiers ultimatums”, que l'argument commercial était mis en avant sur injonction du pouvoir politique. Nous avions décidé de régler des factures, dont certaines étaient indues et arbitraires pour disqualifier cet argument. C'est désormais chose faite. Les Bouteflika, Ouyahia, Zerhouni et autre Toumi sont nus. Plus que jamais. Et c'est dans leur nudité intégrale qu'ils s'exposent désormais aux regards de l'Algérie et du monde. Les réactions de désapprobation, chaque jour plus nombreuses, que l'on enregistre dans le pays et à l'étranger en sont un signe. Hier, le Quai d'Orsay a tenu à rappeler que “la France est profondément attachée à la liberté de la presse partout dans le monde” et a formé le vœu qu'une solution soit trouvée “dans le respect de cette liberté” au différend qui oppose les quotidiens algériens à leurs imprimeurs. Tant pis pour ceux qui trouveront là matière à crier à l'ingérence étrangère, qui feront mine d'oublier que l'Algérie a signé un accord d'association avec l'Union européenne et que cet accord porte aussi sur le respect des libertés et la défense des droits de l'Homme. Tant pis plutôt pour l'image de l'Algérie et pour l'Année de l'Algérie en France en laquelle Bouteflika fondait de grands espoirs dans sa quête de soutiens étrangers devant lui permettre de rester Président au-delà du printemps 2004. Même au prix d'une vraie ingérence, même au mépris de la volonté constitutionnellement souveraine des Algériens. S. C.