Les ministres du cercle présidentiel ont tiré à boulets rouges sur les journaux hostiles à la politique de Abdelaziz Bouteflika. La décision de transmettre des mises en demeure à certains titres de la presse indépendante a été prise en haut lieu, mercredi soir, a appris Liberté de sources bien informées. C'est le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui est le chef d'orchestre de cette opération, ordonnée par le cercle présidentiel Immédiatement après le Conseil de gouvernement, Ouyahia convoque une réunion restreinte au Palais du gouvernement. Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères, Tayeb Louh, ministre du Travail, Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances, et Khalida Toumi, ministre de la Communication et de la Culture, ont pris part à cette rencontre qui s'apparente à un véritable conseil de guerre. Et pour cause, un seul point a été inscrit à l'ordre du jour de cette réunion : trouver un moyen pour suspendre les journaux hostiles à la politique du président Abdelaziz Bouteflika. Peu après, les directeurs généraux de la SIA (Société d'impression d'Alger), de la SIE (Société d'impression de l'Est), de la SIO (Société d'impression de l'Ouest) et de la Simpral se joignent au Chef du gouvernement et à ses ministres. Il y avait également l'adjoint du président du Groupe Presse et Communication (GPC) Abdelkader Khomri qui se trouve actuellement en vacances à Paris. Dès l'ouverture de la séance, Ahmed Ouyahia explique à ses interlocuteurs que le gouvernement a décidé d'agir pour bloquer certains journaux dont les écrits ne sont pas appréciés au palais présidentiel. S'ensuivent des diatribes au vitriol de Belkhadem et de Tayeb Louh qui abondent dans le même sens que Ouyahia et demandent que soient prises rapidement des mesures contre ces journaux. Khalida Toumi approuve le constat et les propositions de ses collègues au gouvernement. Seul problème : comment y parvenir sans susciter une levée de boucliers au sein de l'opinion publique. Ahmed Ouyahia, en fin manœuvrier, ne tarde pas à trouver la parade : pour faire pression sur ces titres privés, il faut les acculer avec le sempiternel et fallacieux argument commercial. Le Chef du gouvernement s'adresse aux responsables des imprimeries et leur demande d'éplucher dans les plus brefs délais les situations financières de ces journaux, particulièrement leurs dettes envers les imprimeries. Ahmed Ouyahia explique aux imprimeurs qu'ils doivent fonder leur argumentaire sur les difficultés qu'ils éprouvent à s'approvisionner en papier. Une situation qui serait la conséquence du déficit en liquidités, engendré par l'accumulation des dettes impayées de leurs clients. Ces derniers doivent être destinataires dans les plus brefs délais de mises en demeure leur intimant l'ordre de payer, faute de quoi, ils ne seront plus tirés sur les rotatives de l'Etat. Les responsables des imprimeries émettent des réserves sur la stratégie préconisée par Ouyahia et ses ministres arguant le fait qu'ils ne peuvent adresser de telles mises en garde à des journaux dont les échéances de paiement ne sont pas arrivées à terme. Ahmed Ouyahia, qui avait visiblement reçu des consignes claires sur la gestion de ce dossier, s'emporte et fait savoir qu'il est hors de question de se laisser entraver par de telles considérations. Mêmes les créances détenues par des journaux sur l'Anep, qui pourraient être avancées comme argument pour ces titres pour justifier d'éventuels retards de paiement, ne sont pas un handicap aux yeux de Ouyahia qui aurait balayé d'un revers de la main cette réserve des imprimeurs. La messe était dite : les journaux opposés à la démarche de Bouteflika et qui ont évoqué, ces derniers jours, ses frasques et celles de son entourage, doivent payer rubis sur l'ongle leurs prestations, quitte à piétiner les lois. Le lendemain, à la première heure, des mises en demeure sont adressées à de nombreux journaux. R. B.