-Les cours du pétrole ont chuté de plus de 20% en deux mois. Quels en sont les principaux facteurs ? Pensez-vous que cet épisode baissier va s'inscrire dans la durée ? Le brent, base de 50% des contrats, était coté vendredi dernier 85,86 dollars, tandis que le WTI US, semblable au Sahara blend algérien, baissait à 80,54 dollars. Le WTI a ainsi perdu 18 dollars, soit 18% en un an. Le modèle explicatif des prix montre qu'il dépend des variables structurelles (équilibre offre-demande), conjoncturelles (stocks, événements géopolitiques, marchés financiers, etc.) et de l'OPEP. La chute des prix s'explique par le surplus mondial de l'offre de 2,2 millions barils par jour (mm bbl/j), alors que la consommation n'a augmenté que de 1,2 mm bbl/j, due aux pays non-OCDE (46,2 mm bbl/j de consommation). Du côté de l'offre, 93,1 mm bbl/j, le pétrole brut représente 76 mm bbl/j et les hydrocarbures liquides 17,1 mm bbl/j. Côté OPEP, la baisse des prix pétroliers observés au mois d'octobre s'explique par une augmentation, initialement imprévue, des productions de pétrole brut en Libye et en Irak. Ces augmentations ont été supérieures à la baisse de production de l'Arabie Saoudite, d'où la nouvelle guerre au sein de l'OPEP. L'Arabie Saoudite semble changer de tactique et pratiquer une politique fondée sur le maintien des parts de marché plutôt que sur les prix pour maximiser ses recettes budgétaires et, parallèlement, mettre l'Iran dans une position critique. L'analyse des fondamentaux montre qu'il y a une forte probabilité pour que le prix moyen du pétrole en 2015 soit de l'ordre de 90 dollars le baril, permettant à l'Arabie Saoudite de gérer un seuil global d'équilibre budgétaire qui serait compris entre 83 et 93 dollars par baril. Du fait de la volatilité des prix due aux variables conjoncturelles, ce prix moyen pourrait évoluer dans une bande comprise entre 80 et 100 dollars le baril. Le marché va peut-être se stabiliser jusqu'en avril prochain, en attendant que la situation soit plus claire (croissance chinoise, situation économique européenne, évolution saisonnière du marché US, etc.). -Malgré la baisse conjuguée des exportations d'hydrocarbures et des prix du pétrole, le projet de loi de finances 2015 prévoit un déficit budgétaire de 22%. Comment analysez-vous la poursuite de cette politique budgétaire expansionniste ? La politique budgétaire observée depuis 2006, en travestissant le Fonds de régulation des recettes (FRR) imposé par le FMI en 2000, ne semble pas relever de la rationalité économique. La poursuite de cette politique budgétaire est déjà dans une impasse et nous mène tout droit vers la cessation de paiement. Le véritable problème de politique économique est que les solutions alternatives sont encore possibles, mais que leur coût croîtra exponentiellement. -A combien estimez-vous le niveau critique des prix du pétrole en deçà duquel l'équilibre macroéconomique du pays sera officiellement rompu ? Le prix du pétrole qui assure l'équilibre macroéconomique du pays est passé de 45 dollars le baril en 2006 à 80 dollars en 2008, puis a dépassé 110 dollars en 2012. Depuis 2008, même s'il a été en augmentation constante depuis 2009, il est resté constamment inférieur au prix d'équilibre budgétaire (cf. données FMI).Cette politique budgétaire expansionniste mène à la cessation de paiement quel que soit le prix du pétrole, 70 dollars ou 80 ou 100 ou 110 ou 125. Selon nos simulations, les conséquences de chacun de ces prix se distinguent essentiellement par la date d'occurrence de la cessation de paiement. Par exemple, la date de cessation de paiement (FRR = 0, réserves de change = 0) pour un prix de 80 dollars le baril se produirait une année avant la date de cessation de paiement basée sur un prix de 100 dollars le baril. -A quoi est dû, selon vous, le constat d'échec des avis d'appels d'offres lancés ces derniers mois dans le domaine de l'exploration d'hydrocarbures ? L'échec permanent de ces appels d'offres s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs indépendants : la politique et les lois pétrolières, les périmètres proposés, la bureaucratie et la difficulté à comprendre les politiques d'exploration des sociétés internationales. Côté politique et loi pétrolières, nul analyste n'ignore que la politique énergétique algérienne (gaz de schiste, éolien, solaire, fiscalité pétrolière liée aux rentabilités Ri) est totalement du copier-coller sur le modèle tunisien. Mais la Tunisie, importatrice, est totalement différente de l'Algérie, pays exportateur avec des réserves considérables de gaz naturel (60 ans d'autonomie). Ces analyses ont sûrement dû été concoctées vers 2009 à l'ambassade d'Algérie à Tunis, d'où le peu de moyens intellectuels. Les périmètres proposés, de par leur nombre affolant (31) et leur faible attractivité géologique – sauf le Nord, complexe mais attrayant – expliquent le total désintérêt des pétroliers internationaux. Enfin, les politiques d'exploration universelles ne reconnaissent qu'un seul objectif, celui mesuré par l'Expected Monetary Value (EMV), ou «valeur actualisée nette probabilisée». Ceci semble avoir été oublié au ministère de l'Energie et explique aussi l'idée économiquement absurde d'imposer à Sonatrach de forer en off-shore pour 100 à 200 millions dollars, contre 10 fois moins pour explorer le Nord, plus attractif que la mer, au large de Béjaïa ou Oran (cf. les résultats du forage Habiba en 1974). Il est connu que le secteur pétrolier algérien dispose de travailleurs et ingénieurs très compétents, mais guidés par un centre de décision souffrant du principe de Peter.