Il est à la fois archéologue, préhistorien, paléontologue, paléoanthropologue, paléopathologiste et historien des sciences. Cet universitaire est tout autant à l'aise sur un terrain de fouilles ou dans son laboratoire à Villejuif (Paris), face aux innombrables vestiges osseux humains et animaux qu'il étudie depuis 35 ans. Sa production scientifique est aussi impressionnante, que ce soit sur l'Europe (France) ou sur les pays du Maghreb (Algérie). L'on compte près de 250 publications (articles, livres, catalogues d'exposition, actes de colloques) dont certaines ont été primées par l'académie française de chirurgie dentaire, car touchant aux domaines de la pathologie bucco-dentaire. Ses travaux parrainés et soutenus par des professeurs de renommée mondiale, à l'instar d'Yves Coppens et Colette Roubet montrent bien l'importance de ce type de recherche dans l'Algérie d'aujourd'hui. Des recherches axées sur un déploiement et une redynamisation de la recherche et la motivation pédagogique des nouvelles technologies médicales et scientifiques. Parmi les productions récentes de cet auteur, on retrouve Les hommes d'Afalou Bou Rhummel, publié par les éditions du Centre National de Recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d'Alger, dont il est professeur et directeur de recherche associé depuis 2006. «Les Homo sapiens d'Algérie et par extension du Maghreb, appelés aujourd'hui les hommes anatomiquement modernes, sont ces populations d'hommes modernes qui ont évolué sur place à partir d'ancêtres locaux plus anciens, retrouvés à Tighennif près de la wilaya de Mascara. Dans ce cadre bien précis, ils sont réétudiés à partir d'une nouvelle lecture anatomique du crâne, de la face, des dents et de la colonne vertébrale, puis leur association avec le reste du squelette porteur, à savoir les membres inférieurs», explique le professeur Hadjouis. Selon lui, cette façon d'étudier le squelette par la biomécanique et la biodynamique et par le biais de l'imagerie médicale est encore inédite dans le milieu des anatomistes. «Testés puis analysés sur plus de deux mille squelettes provenant d'une dizaine de nécropoles médiévales du Val de Marne, en Ile de France, les paramètres d'analyse sont reproduits sur les populations fossiles d'Algérie. D'abord sur les crânes des Mechta-Afalou, conservés à l'Institut de Paléontologie Humaine du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, puis sur ceux du Musée du Bardo et du CNRPAH d'Alger. Les relations cranio-faciales avec l'occlusion (la façon dont se positionnent les mâchoires et leurs dents, bouche fermée), la base du crâne et le rachis apparaissent avec une telle évidence que les phénomènes de cause à effet s'établissent d'eux-mêmes, surtout quand les individus ont gardé sur leurs ossements les traces d'une inflammation ou d'une malformation articulaire particulière.» C'est cette dynamique architecturale de la posture du corps humain qui est enseignée aujourd'hui en Algérie par Djillali Hadjouis, après l'avoir mise en place et validée dans les universités et les établissements de recherche en France et en Italie. 7 nouvelles découvertes ! Le deuxième ouvrage publié également par les éditions du CNRPAH vient à peine de paraître. Il s'agit d'un Atlas des mammifères quaternaires et actuels d'Algérie. Des mammifères qui ont existé, puis disparu, depuis deux millions d'années. De par sa forme, l'ouvrage est de toute beauté, montrant figures animales sur pied reconstituées, agrémentées d'un texte de classification zoologique de l'espèce disparue. En tout, 110 espèces de mammifères sont représentées, qui sont finalement les espèces étudiées par le paléontologue au cours de sa carrière. Sur le plan scientifique, le contenu est une prouesse analytique, puisque parmi les animaux fossiles, figurent sept (07) nouvelles espèces créées par l'auteur. «Il s'agit d'un cheval d'Algérie (Equus algericus), un âne (Equus melkiensis) attribué à un certain Melki, facteur de son état, et du lieu où il a été abattu par l'OAS, une sous-espèce de buffle d'Algérie (Syncerus antiquus complexus), retrouvée comme les précédentes sur les hauteurs d'Alger à Hydra, dans un gisement archéologique de plein air dont les assemblages osseux de mammifères chassés représentent une exceptionnelle diversité des espèces et des écosystèmes. Un cas unique en Algérie septentrionale. Ce site qui a rassemblé mammifères des domaines paléarctique et éthiopien a mis également en évidence d'autres espèces nouvelles décrites récemment, comme ce cob dénommé Kobus mediterraneus et ces deux nouvelles gazelles algéroises dénommées Gazella dziria et Gazella mezghenna», explique le professeur Hadjouis. Selon lui, dans le Bassin sétifien, précisément dans le plus ancien site archéologique fouillé en Afrique du Nord, c'est-à-dire Aïn Hanech, les vestiges d'un nouveau buffle fossile (Pelorovis howelli), daté d'environ 2 millions d'années ont été découverte. Le nom fut attribué à un paléontologue humaniste américain, Francis Clarck Howell, qui a longtemps soutenu les efforts consentis sur ce site. A coup sûr, cet atlas servira aux jeunes générations de chercheurs algériens comme aux amateurs éclairés de la zoologie et de la biodiversité. Un devoir de mémoire Le troisième ouvrage est un travail d'historien des Sciences. Depuis quelques années, Djillali Hadjouis s'intéressait de plus en plus aux savants qui ont installé les bases des Sciences naturelles en Algérie et analysait de façon critique le devenir patrimonial de ces legs, bien après l'indépendance du pays. Dans cet ouvrage, il s'agit de la biographie de Camille Arambourg (1855-1969), publiée aux éditions L'Harmattan. «Camille Arambourg a été un naturaliste français, agronome, puis géologue, enfin paléontologue. Profitant de l'imposante collection de fossiles de Vertébrés et d'Anatomie Comparée que le paléontologue Auguste Pomel avant lui, avait rassemblé au XIXe siècle dans les laboratoires de l'Ecole des Sciences d'Alger, ainsi que des conseils des professeurs Doumergue et Ficheur, il développa ses connaissances en paléontologie et en Zoologie. Pendant plus de 15 ans, la double activité d'Arambourg va lui permettre de rassembler une impressionnante collection d'invertébrés et de vertébrés, surtout des poissons fossiles dans la vallée du Chélif et du Sahel d'Oran. A partir de 1936, plusieurs campagnes de fouilles et de prospections archéologiques et paléontologiques se mettront en place dans plusieurs pays d'Afrique, mais surtout en Algérie, où les découvertes sont les plus nombreuses. Plus de 230 taxons (familles, genres, espèces) de mammifères et de poissons ont été découvertes par lui» Djillali Hadjouis, qui n'entend pas s'arrêter à ce stade. D'autres ouvrages sont en chantier, sur l'évolution de l'Homme en Algérie et au Maghreb, sur les maladies épidémiques que l'Algérie a traversé depuis l'Antiquité et sur les naturalistes du XIXe siècle.