Après les femmes, l'art est ce qui représente le plus grand danger pour tout projet fondamentaliste religieux. Et pour cause, l'art lie les peuples à leur héritage et singularise les parcours sociaux des individus pour les prédisposer à se soulever contre toute forme de tyrannie ou de projet d'uniformisation. La semaine dernière, la fontaine romaine de Cherchell, symbole d'une ville millénaire d'art et de culture, a été attaquée à coups de burin, pour la deuxième fois en deux ans, par le même individu qu'on présente comme un «déséquilibré mental». Les dégâts sont jugés difficilement réparables par les spécialistes. Après son acte terroriste contre un monument dont la valeur est inestimable, ce «fou de Dieu» a expliqué aux enquêteurs que des voix lui ont dit que les habitants de Cherchell adoraient ces statues romaines et qu'il devait détruire ces pierres que les impies prient. Sur un registre proche, un imam-clown, qui a pignon sur rue dans certains milieux rétrogrades algérois, a appelé à l'interdiction du film El Wahrani de Lyès Salem. Selon lui, ce long-métrage présente une image biaisée des moudjahidine qui ne portaient pas des bouteilles de whisky mais des fusils. Le film ne fait pourtant pas allusion à cela, même si d'aucuns savent aujourd'hui que nos valeureux combattants ne ressemblaient pas tous à ce que l'histoire officielle veut bien nous faire croire, car parmi eux il y avait aussi des proxénètes. Mais cela n'enlève en rien à leur bravoure et mérite d'avoir libéré le pays du racisme français. L'appel de cet imam-clown a été, bien évidemment, soutenu par l'Organisation des enfants des chouhada dont les intérêts se trouvent menacés dès que l'histoire officielle est remise en cause. Ils peuvent, que cela soit dit en passant, s'appuyer sur la loi de Khalida Toumi n°11-03 relative à la cinématographie, et qui prévoit l'interdiction de toute œuvre cinématographique qui va à l'encontre de l'histoire officielle. Pour l'instant, l'actuelle ministre de la Culture résiste, mais pour combien de temps encore ? A travers ces deux exemples, il apparaît clair que la peste est encore parmi nous. Les forces de l'obscurantisme religieux, en confiance car tolérées par le régime, s'attaquent de plus en plus aux œuvres d'art et aux symboles de notre culture. Si cette tendance continue, ils reprendront leur activité préférée : l'extermination des artistes et des intellectuels.