Les scientifiques estiment à plus de 50 % la probabilité qu'un séisme d'environ 7,5 sur l'échelle de Richter se produise, d'ici à 2030, à Istanbul... Le danger provient de la faille nord-anatolienne, qui traverse la mer de Marmara à quelques kilomètres de la ville. « Cette faille est constituée de différents segments qui ont tous connu des séismes majeurs au cours du XXe siècle », explique Louis Géli, sismologue au sein de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). La dernière catastrophe en date, en 1999, dont l'épicentre était situé à Izmit, à 80 kilomètres à l'est de la mégapole, a fait 20 000 morts. « La seule partie non rompue, c'est la portion située au sud d'Istanbul. Il y a lieu de penser que ce segment devrait casser prochainement. La dernière fois c'était en 1766 », reprend le sismologue. C'est dans cette région sous haute surveillance que des stations d'observation sous-marines pourraient être mises en service d'ici à 2011. La découverte récente d'émissions de bulles de gaz, à plusieurs endroits de la faille, ouvre de nouvelles perspectives scientifiques. Le programme mis en place par l'Université technique d'Istanbul (ITÜ), en partenariat avec de nombreuses institutions turques et européennes, relance l'espoir de parvenir à annoncer l'imminence d'un tremblement de terre à Istanbul. Le projet consiste à immerger trois observatoires à des points stratégiques de la faille, à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Il s'agit de robots munis de capteurs, reliés à la surface, qui fourniraient de multiples données en temps réel : mesure de l'activité sismique, de la pression interstitielle ou des émissions de méthane... Namik Cagatay, chef du département de géologie à l'ITÜ, estime qu'il est « trop tôt pour affirmer que ce système peut devenir un dispositif d'alerte ». « Mais nous allons progresser dans la compréhension de la période antérieure au séisme, ajoute-t-il. Nous pensons que certains signes précurseurs peuvent être utilisés dans le but de prévenir les séismes. Pour cela, nous avons besoin de recueillir des données sur le long terme, au moins pendant trois à cinq ans. » L'étude des déplacements de fluides autour de la faille pourrait, selon le professeur Cagatay, révolutionner la sismologie. Le but est d'analyser la quantité, la composition et la forme des échappements de gaz pour déterminer dans quelle mesure ils peuvent être liés à l'activité de la faille. Plusieurs campagnes maritimes menées depuis 2007 ont déjà fourni des indications. En novembre, l'Atalante, un navire de l'Ifremer, a cartographié en trois dimensions la faille et y a déposé un bullomètre, sorte de sonar rotatif capable de détecter et de quantifier les émissions de gaz. Quelques mois plus tôt, une mission italienne avait déployé des instruments permettant de mesurer les variations de pression dans les boues sous-marines. La même expédition avait observé à la loupe la zone du golfe d'Izmit, à l'endroit précis où la rupture de la faille sismique s'est arrêtée en 1999. La prochaine mission débutera en mars 2010. Ce projet apporte des résultats exceptionnels grâce à une conjonction et un réseau européen. Le coût du programme est estimé à environ 10 millions d'euros sur cinq ans. Pour assurer son financement, l'Etat turc devrait être mis à contribution, de même que des investisseurs privés intéressés par le projet. La présence d'hydrocarbures dans la zone de la faille pourrait convaincre des groupes pétroliers.