Ces raids contre la troisième ville du pays, à 200 km à l'est de Tripoli, sont les premiers depuis la chute d'El Gueddafi, en 2011 et le début des luttes de pouvoir entre milices rivales, qui ont plongé le pays dans le chaos. Ces raids sont menés en riposte à de nouvelles tentatives d'attaques lancées dans la matinée d'hier par des miliciens de Fajr Libya contre le terminal pétrolier d'Al Sedra, qu'ils cherchent à accaparer depuis jeudi, selon le porte-parole du commandement des forces armées libyennes, le colonel Ahmed Mesmari. Al Sedra constitue un des terminaux du «croissant pétrolier» libyen, qui comprend aussi Ras Lanouf et Brega, les trois plus importants du pays. Au moins sept terminaux sur les 19 que compte Al Sedra sont en feu à cause des combats entre miliciens et forces gouvernementales dans cette zone, selon un responsable pétrolier libyen. Livrée aux milices depuis 2011, la Libye est dirigé par deux gouvernements et deux Parlements qui se disputent le pouvoir à distance. La raison des armes En octobre dernier, les forces loyales au général Khalifa Haftar ont lancé une nouvelle offensive sur Benghazi pour tenter de reprendre cette ville de l'est libyen, tombée en juillet aux mains de milices islamistes. Bataille qui intervient près de six mois après le lancement par le général Haftar d'une opération contre les groupes armés qui contrôlent Benghazi, une ville des plus troublées de Libye, livrée aux milices. L'opération lancée en mai par le même général a jusque-là échoué. En effet, ses partisans ont été chassés de Benghazi par les milices islamistes, à l'exemple de Ansar Asharia. Lesquelles ont formé une coalition baptisée Conseil de la choura des révolutionnaires de Benghazi. Les forces de Haftar défendent depuis plusieurs semaines l'aéroport de Benghazi. Le général, qui se présente comme chef de ce qu'il appelle l'«armée nationale libyenne», reste cependant ambigü sur ses ambitions. Il a indiqué qu'il mettrait fin à sa «carrière militaire» après la libération de Benghazi. Ses adversaires le soupçonnent de vouloir prendre le pouvoir. Ses opérations ont été dénoncées dans un premier temps par les autorités de transition. Mais une telle attitude pose des interrogations conséquentes à la suite des événements. En effet, une coalition de groupes armés, pour l'essentiel islamistes, de la ville de Misrata, à l'est de Tripoli, contrôle la capitale depuis août, à l'issue de plusieurs semaines de combats contre des milices pro-gouvernementales à dominance de la ville de Zenten, à l'ouest. Les milices de la coalition Fajr Libya ont formé un gouvernement parallèle à Tripoli. Le gouvernement de Abdallah Al Theni et le Parlement reconnus par la communauté internationale ont été contraints de s'exiler à l'extrême-est du pays, une région contrôlée par les forces de Haftar, pour échapper aux milices. Les instances issues des différentes élections tenues jusque-là n'ont pas réussi à neutraliser les anciens insurgés qui se sont constituées en milices armées. En juillet 2012, les Libyens votaient pour la première fois pour élire une Assemblée nationale, le Congrès général national (CGN). La coalition de partis libéraux obtient la majorité. Laquelle s'avère incapable de rétablir l'ordre et la sécurité dans le pays.Ainsi, le 11 septembre, une attaque contre le consulat américain à Benghazi a causé la mort de l'ambassadeur, Chris Stevens. Le 5 mai 2013 est adopté le projet de loi sur l'exclusion politique des responsables de l'ancien régime. Suivent en juillet de violentes manifestations contre les autorités et les partis politiques, après une série d'assassinats dont celui du militant anti-islamiste, Abdessalem Al Mesmari. De son côté, le Premier ministre, Ali Zeidan, annonce le lancement d'un dialogue national autour de la réconciliation nationale et du désarmement. Il fini par être enlevé en octobre pendant quelques heures par un groupe d'ex-rebelles. A la fin de l'année 2013, le CGN prolonge son mandat jusqu'au 24 décembre 2014, provoquant la colère d'une grande partie de la population et de la classe politique. En janvier 2014 est assassiné le vice-ministre de l'Industrie, à Syrte. En mars, des dizaines de manifestants envahissent les locaux du CGN à Tripoli, saccageant les lieux et agressant des députés ; le Premier ministre est démis de ses fonctions par le Parlement. Son successeur par intérim Abdallah Al Theni, est attaqué avec sa famille par une milice sur la route de l'aéroport. En mai, le gouvernement propose la «mise en congé» du Parlement contesté pour sortir le pays de la crise aggravée par une attaque armée contre cette instance. Le 27 juillet, suite à la dégradation de la sécurité, plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Philippines, Etats-Unis…) évacuent leurs ressortissants. Les autorités locales, de leur côté, évoquent une «catastrophe» à Tripoli, où un incendie ravageant un immense dépôt de stockage d'hydrocarbures n'a pu être maîtrisé en raison de violents combats. D'où l'appel du gouvernement aux habitants à quitter la zone. Le 12 août, des hommes armés et cagoulés assassinent le chef de la police de Tripoli, le colonel Mohamed Al Souissi. Issu des élections du 25 juin, le Parlement vote le lendemain à la majorité en faveur d'une intervention étrangère pour protéger les civils dans le pays. Le même jour, au moins sept soldats sont tués et 53 autres blessés dans des affrontements avec un groupe islamiste dans le sud de Benghazi. Aussi, l'avocate et militante des droits de l'homme, Salwa Bouguiguis, est assassinée chez elle par des inconnus. Les 18 et 23 août, des avions de chasse des Emirats arabes unis bombardent secrètement le sud de Tripoli avec le soutien logistique de l'Egypte. Les raids ont ciblé des positions d'une coalition armée de factions de Misrata et de Tripoli qui ont lancé l'opération «aube de la Libye» (Fajr Libya) pour débarrasser la capitale libyenne des groupes dits «libéraux» et chasser l'influente milice de Zintan de la zone de l'aéroport international.