Les quelque 800 travailleurs jetés à la rue, suite à la décision du 26 novembre 2009 portant dissolution de cette EPE, spécialisée dans l'approvisionnement et la distribution des produits textiles, portent l'affaire devant la justice. Une double action a été menée devant les juridictions compétentes. La première a été faite sur le fond. Autrement dit, la plainte concerne les irrégularités constatées dans la procédure suivie par la direction de l'entreprise Enaditex pour prononcer sa dissolution. Le procès devrait se tenir la fin du mois en cours. Mais par mesure d'urgence, une action en référé a été menée par l'avocat des travailleurs, Me Ali Meziane. Cette action, dont le verdict sera connu aujourd'hui, vise à bloquer la décision de dissolution jusqu'à la fin du procès. « Nous avons demandé au juge de bloquer la publication de la décision de dissolution sur le bulletin officiel des annonces légales du CNRC afin de conserver l'entreprise jusqu'au jugement de l'affaire », explique l'avocat des travailleurs de l'entreprise. Car, si cette décision venait à être publiée, elle serait irréversible. Cette action donc est une suite logique de la plainte qui a été motivée par l'irrespect des mesures réglementaires et légales suivies pour arriver à la dissolution d'une entreprise. Des règles qui sont édictées dans le code du commerce et celui du travail. L'avocat Ali Meziane, relève ainsi l'irrégularité de l'assemblée générale extraordinaire qui, non seulement, n'a pas été convoquée dans les délais réglementaires, mais elle s'est tenue sans le président-directeur général de l'entreprise. Par leur plainte, les travailleurs espèrent « obtenir l'annulation des délibérations de l'Agex et l'application du protocole d'accord signé en 2008 entre la direction de l'entreprise et le syndicat représentant des travailleurs ». Pour Me Meziane, il y a eu « infraction pénale ». Selon le code du commerce, notamment son article 715 bis 20 (1), toute décision de dissolution d'une entreprise doit être prise dans une assemblée générale extraordinaire. Une assemblée qui doit être convoquée 4 mois après l'approbation des comptes de l'entreprise. Or, dans le cas de l'Enaditex, l'Agex s'est tenue au-delà des délais et sans la présence de tous les concernés. Autrement dit, la décision de dissolution a été prise par le conseil d'administration. Il y a également le « cas » du commissaire aux comptes qui a été maintenu à son poste malgré l'expiration de son mandat, contrairement à l'article 715 bis 7 du code du commerce. Me Meziane évoque plusieurs autres griefs retenus contre la direction de l'entreprise qui font que la décision de dissolution est « illégale » et doit être annulée. « Nous sommes sereins. Nous disposons de suffisamment de documents fiables attestant toutes ces irrégularités qui motivent la plainte », exprime l'avocat pour lequel rien n'est encore gagné, mais la confiance en la justice est telle que l'espoir est permis. « Mais comme premier pas, il faut qu'on obtienne le blocage de la décision de dissolution », souligne-t-il. Côté syndicat des travailleurs, c'est aussi la sérénité. « Nous nous battons pour une cause juste qui concerne des centaines de travailleurs voués à la misère après la perte subite de leurs emplois. Nous avons tenté de dialoguer avec la direction, en vain. Nous nous sommes retournés vers la justice en laquelle nous croyons fortement. Nous sommes aujourd'hui confiants que la justice de notre pays va rendre à ces travailleurs ce qui leur revient de droit », nous précise Benyoucef Zenati, membre du syndicat de l'entreprise. Selon lui, les travailleurs de l'Enaditex demeurent mobilisés. Plusieurs sit-in ont été organisés depuis l'annonce de la décision de liquidation de l'entreprise. Les travailleurs ont tenté d'attirer l'attention des hauts responsables du pays sur leur situation. Surtout que toutes leurs tentatives de rencontrer les responsables de l'entreprise, du groupe Texmaco et de la SGP IM, se sont avérées infructueuses. Pourtant, les travailleurs ne demandent pas la lune. Leur seule revendication, c'est le retour au protocole d'accord. Ils citent particulièrement les articles 6 et 8 qui « n'ont pas été appliqués ». L'article 6 donne la priorité de recrutement aux travailleurs de l'entreprise dans le cas où celle-ci trouve repreneur. L'article 8, quant à lui, laisse la possibilité de reprise des biens de l'entreprise par les salariés. Un droit de gérance qui pourrait sauver les centaines de travailleurs d'un chômage presque inévitable. Cela surtout que l'Enaditex dispose d'un riche patrimoine immobilier estimé à des centaines de millions de dinars. Cette EPE, qui constituait pendant les années 1970 et 1980 le fleuron de l'industrie textile nationale, compte aujourd'hui 256 biens immobiliers, dont 160 magasins répartis sur l'ensemble du territoire national. Un patrimoine non négligeable qui s'ajoute à un stock de marchandises d'une valeur de 11 milliards de centimes.