L'Enaditex n'est plus ! Cette EPE spécialisée dans l'approvisionnement et la distribution des produits textiles vient de rejoindre la liste des entreprises publiques dissoutes, qui ne cesse de s'allonger. C'est la veille de l'Aïd El Kébir, jeudi dernier, que la triste nouvelle est tombée tel un couperet, gâchant la fête aux centaines de travailleurs à travers le pays qui ne savent plus à quel saint se vouer. Bien que sous perfusion depuis plusieurs années, en raison notamment de la rude concurrence des produits importés, l'Enaditex, qui faisait la fierté nationale dans les années 1970 et 1980 avec ses costumes et ses tenues de sport de bonne qualité, était sur le point de bénéficier d'un plan de sauvetage. Une reconfiguration qui allait permettre de préserver l'emploi des quelque 400 travailleurs qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite. Mais voilà que le rêve, né d'un accord collectif signé le 30 mars 2008, s'effiloche ! Refusant le fait accompli, les travailleurs sortent dans la rue pour protester haut et fort contre cette mesure. « Deux sit-in ont été tenus à Alger ces deux derniers jours », souligne Benyoucef Zenati, membre du syndicat d'entreprise. « Et ce n'est qu'un début », prévient-il, assurant que les travailleurs sont déterminés à défendre leurs droits conformément à la réglementation. Benyoucef Zenati a annoncé dans ce sillage la tenue d'un grand rassemblement dimanche prochain devant le siège de l'entreprise à Alger. Un rassemblement qui devrait regrouper l'ensemble des travailleurs de l'entreprise, y compris des retraités. « Par cette action, nous visons à attirer l'attention des plus hauts responsables sur la situation de l'entreprise », affirme ce syndicaliste, précisant qu'il y a eu pression pour que cette « affaire » passe sous silence. Une dissolution non réglementaire Selon lui, la dissolution ne s'est pas faite conformément aux dispositions contenues dans le code de commerce, notamment son article 715 bis 20 (1) qui exige que toute décision de dissolution d'une entreprise doit être prise dans une assemblée générale extraordinaire. Ce qui n'est pas le cas pour l'Enaditex, dont la décision a été prise par le conseil d'administration. « Nous allons faire une opposition et porter l'affaire devant les juridictions compétentes », fulmine Benyoucef Zenati. Notre interlocuteur relève également que le procès-verbal sanctionnant l'assemblée générale ordinaire du 31 décembre 2008 n'a pas été respecté. « A notre grand étonnement, un second PV de l'AGO, qui contient plusieurs solutions qui n'ont pas été portées à notre connaissance, a fait l'objet d'une publication remettant en cause totalement le premier PV », précise-t-il. Le syndicat d'entreprise a réclamé auprès du président du conseil d'administration ainsi qu'auprès du président du groupe texmaco. Une réclamation qui est restée lettre morte. Cela n'est pas tout. Pour M. Zenati, l'entreprise a été dissoute « contrairement à la réglementation en vigueur ». Il exige comme tous les travailleurs le retour au protocole d'accord signé en mars 2008. « Notre principale revendication est l'application de l'accord collectif de mars 2008. Car, si cet accord a été respecté, on en serait pas là », martèle Mohamed Denideni, secrétaire général du syndicat d'entreprise et président du comité de participation. M. Denideni cite principalement l'article 6 de l'accord qui stipule : « Conformément à la réglementation en vigueur et dans le cadre de la reconfiguration de l'activité de la production et de la commerciale via le patrimoine du secteur industrie manufacturière, le recrutement est accordé aux travailleurs indemnisés de l'entreprise. La FNTTC est chargée du suivi rigoureux de l'application de cette disposition. » M. Zenati a même la certitude que cette reconfiguration était bien réelle, avant de s'interroger sur ce qui a bien motivé cette « hâtive et brusque » décision de dissolution. Selon lui, la SGP avait annoncé en 2008 qu'un marché de transfert de magasins pour le Groupe C et H Fashion était conclu. Il restait d'établir la liste des magasins à lui transférer. Pourquoi cette opération n'a pas été menée jusqu'au bout ? Pour M. Zenati, il y a bien anguille sous roche. Une opération qui aurait permis à des centaines de travailleurs de garder leur emploi ! M. Denideni évoque également l'article 8 de l'accord « qui n'a pas été appliqué ». Cet article parle de l'éventualité de reprise de certains biens par les salariés de l'entreprise qui devait être étudiée conformément aux textes réglementaires. Possibilité de reconfiguration Il regrette ainsi que « seul l'article 1 de cet accord a été appliqué ». Un article qui définit les conditions relatives à l'indemnisation de l'ensemble des travailleurs. Les 400 employés qui sont encore à l'Enaditex, après le départ à la retraite de plus de 400 d'autres suite à la signature de l'accord en 2008, se retrouvent aujourd'hui sur le carreau. A l'abandon. « Notre objectif maintenant, c'est de sauver ces travailleurs qui ne peuvent pas encore prendre leur retraite », clame Naïm Lehanine, membre du syndicat d'entreprise, demandant dans ce contexte l'application de l'article 8 de l'accord. Pour ce faire, le syndicat d'entreprise interpelle le ministre Abdelhamid Temmar, le Premier ministre Ahmed Ouyahia et même le président de la République. « Nous avons eu déjà à interpeller tous les hauts responsables du pays et même les partis politiques et les députés. Mais rien n'a été fait pour l'entreprise et ses centaines de travailleurs », dénonce M. Denideni. Il estime que le patrimoine de l'entreprise est « assez important » pour que les travailleurs ne partent pas les mains vides. L'Enaditex possède 256 infrastructures dont 160 magasins répartis sur l'ensemble du territoire national. Permettre aux travailleurs licenciés de reprendre la gestion de ces magasins peut constituer une solution aux yeux du syndicat d'entreprise.