L'évasion fiscale est devenue le sport national par excellence. En interne tout comme vers l'étranger. C'est un secret de polichinelle. Le scandale de la HSBC de Genève est survenu car des listings bancaires ont été remis à la presse. Mais des centaines d'autres milliards de dollars continuent de dormir paisiblement dans d'autres banques suisses et d'autres paradis fiscaux à travers le monde. HSBC Genève n'est que la partie visible de l'iceberg. Depuis 2000, alors que les cours du pétrole amorçaient une tendance résolument ascendante, des milliards de dollars ont quitté l'Algérie à destination de places financières peu regardantes sur l'éthique bancaire et l'origine des fonds. L'argent transféré par les Algériens vers l'étranger serait irrécupérable. Mais dans cette affaire de flux illicites de devises vers l'étranger, l'Etat est l'unique responsable ; il est même complice dans la mesure où il a toujours eu ce mutisme profond face à trois fléaux qui sont à l'origine directe du transfert illicite de fonds vers l'étranger : le marché noir des devises, la surfacturation et la corruption à travers les pots-de-vin. L'Etat a piétiné ses propres lois sur la constitution de fonds à l'étranger. Le système bancaire algérien s'est transformé en un des canaux par lesquels ont transité les flux de devises vers d'autres places financières. Outre ces fonds en devises qui se sont définitivement évaporés des caisses de l'Etat, l'hémorragie interne des capitaux est aussi préjudiciable que l'évasion vers l'étranger.L'économie informelle représente 50% du produit national brut, soit près de 100 milliards de dollars, à en croire certaines estimations. Les chiffres provenant des officiels algériens estiment l'évasion fiscale à 5000 milliards de dinars, tandis que la Cour des comptes évalue les restes à recouvrer de la fiscalité ordinaire à 9627 milliards de dinars. Plus de 50% de cette fiscalité non recouvrée sont des amendes judiciaires et des créances définitivement compromises, détenues par des entreprises déjà dissoutes. C'est aussi un argent quasi irrémédiablement irrécouvrable. L'Etat s'est affranchi de la collecte des dettes fiscales depuis que la fiscalité pétrolière s'est imposée en source que l'on croyait intarissable. L'Etat y va souvent avec sa main molle face aux mauvais payeurs. Mais il sait parfaitement comment s'y prendre lorsqu'un contribuable est jugé «politiquement encombrant». Dans cette affaire d'évasion fiscale en interne et vers l'étranger, il y a un argent perdu, certes, mais aussi une passivité, voire une complicité de l'Etat. La justice, le fisc, les Douanes, la Banque centrale et autres institutions censées contribuer à panser la plaie ont une responsabilité entièrement engagée.