Le phénomène de la corruption, qui a pris ces dernières années des proportions alarmantes, commence à faire sortir les hautes autorités du pays de leur inertie. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, dans un courrier classé « confidentiel » diffusé sous forme de circulaire (n°680/PM du 21 décembre 2009), vient d'instruire les présidents de directoires des SGP, les PDG des entreprises publiques économiques (EPE) ainsi que les directeurs généraux des instituts sous tutelle de « centraliser les études de faisabilité réalisées, réduire le recours aux bureaux d'études étrangers, exiger une déclaration de probité de tout contractant national ou étranger ainsi que leurs sous-traitants et recourir aux entreprises nationales pour les biens et services produits localement ». Les besoins pour les grands projets d'infrastructures C'est la révolution tant attendue ! Une récente directive présidentielle (n°3), relative à la dynamisation de la lutte contre la corruption, relève que « certaines indications font état de l'existence à l'étranger d'un véritable marché d'études virtuelles et fictives que des opérateurs étrangers font payer en devises à des opérateurs nationaux non informés ou complices ». Gravissime ! Indiscutablement, c'est l'un des maillons de la chaîne de corruption qui implique des cabinets d'études fictifs établis à l'étranger, engagés dans de grands projets en Algérie. C'est pourquoi la circulaire en question, signée par Ahmed Ouyahia, recommande de « réduire le recours aux bureaux d'études étrangers pour la préparation des dossiers de marchés publics, de réforme et de modernisation des services publics et des dossiers d'ouverture du capital des entreprises publiques ». Cependant, la circulaire du Premier ministre permet de recourir aux bureaux d'études étrangers pour les besoins des grands projets d'infrastructures « pour lesquels le savoir-faire national demeure encore insuffisant ». Le document du Premier ministre, dont nous avons pu obtenir une copie, fait référence à une évaluation qui révèle le niveau excessif atteint par les recours aux bureaux d'études étrangers. Cette évaluation en question évoque des surcoûts et d'importants montants en devises transférés à l'étranger, voire des informations engageant l'économie nationale. « Force est de constater que le recours aux prestataires étrangers s'est plutôt accru, ces dernières années, au motif de l'importance et de l'urgence des programmes à réaliser. Or par-delà les transferts en devises ainsi occasionnés (qui sont passées de 4 à 11 milliards de dollars durant les quatre dernières années), cette conduite condamne les entreprises nationales à végéter ou même à péricliter, et enfin à donner lieu, dans certains cas, à des pratiques contraires à la loi et à la morale publique », lit-on dans la circulaire confidentielle du Premier ministre. Les responsables de secteur, d'agence, d'établissement et d'entreprise publics sont tenus, depuis le 1er janvier, de déposer une copie de toute étude réalisée dans le cadre des programmes publics auprès de la Caisse nationale d'équipement et de développement (CNED), relevant du ministère des Finances, lit-on dans la missive de Ouyahia. Désormais, le financement des projets est conditionné par la finalisation des études d'exécution y afférentes et l'Inspection générale des finances (IGF) est appelée à mener des opérations de contrôle en cas de nécessité, précise la note du Premier ministre. La CNED se chargera, à l'avenir, « d'émettre des avis sur la validité des projets de commandes d'études auprès des bureaux étrangers pour prévenir toute déviation ». A moyen terme, la CNED est appelée à assumer la tâche « de réaliser des études relatives aux marchés publics », précise la circulaire de Ahmed Ouyahia. Ce dernier a exigé de tout soumissionnaire, national ou étranger, pour l'obtention de marchés publics de fournir une déclaration de probité, une disposition mise en application le 1er janvier dernier. En outre, le ministre des Finances est chargé d'initier une révision des textes réglementaires codifiant les marchés et les dépenses publiques et de consolider le contrôle administratif sur le plan préventif, et ce, en dotant l'IGF de nouvelles prérogatives.Karim Djoudi aura pour délai la fin du mois de février prochain afin de fournir ses propositions. Se référant à la directive présidentielle n°3, la missive du Premier ministre ordonne aux ordonnateurs de « délimiter les domaines pouvant justifier le recours à des contractants étrangers, de sorte à contenir le recours abusif à l'opérateur étranger » et de promouvoir, par la même, « l'exigence d'une sous-traitance effective avec des entreprises locales ». Pour ainsi dire, après les tentatives destinées à limiter l'afflux des marchandises étrangères, le gouvernement tend à limiter aussi l'importation des services qui favorise le transfert de devises vers l'étranger et les pratiques frauduleuses et de corruption.