Les secteurs de la finance, de l'économie, du commerce et des affaires sont sous le feu des projecteurs. Il ne se passe pas un jour sans que la presse nationale ne fasse état de scandales économiques et financiers liés, notamment aux modes et aux conditions de passation des contrats relatifs à la réalisation des grands projets d'infrastructures ou d'études et d'ingénierie. La corruption, les passe-droits, le favoritisme et les complaisances toucheraient jusques et y compris la haute administration et certains centres décisionnels. Ces faits sont quotidiennement rapportés par la presse et amplifiés par la rumeur en l'absence d'une politique de communication transparente des pouvoirs publics. Ces interrogations sont d'autant plus légitimes qu'il existe un cadre juridique défini par le code des marchés publics. Dans ces différentes dispositions, ce code prévoit des mécanismes de contrôle interne et externe qui sont censés protéger et préserver les intérêts des opérateurs économiques, des administrations publiques et ceux de la collectivité nationale. Au-delà de ce cadre juridique, d'autres institutions nationales de contrôle telles que l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes, le fisc, les douanes, la brigade des délits économiques, existent. Avec tout cet arsenal juridique et réglementaire, toutes ces institutions de contrôle, les grands projets d'infrastructures de base, dont le coût se chiffre à des milliards de dollars, n'auraient pas échappé aux prédateurs. Le recours abusif aux bureaux d'études étrangers, sous prétexte de l'inexistence ou de l'insuffisance de compétences nationales dans le domaine de l'ingénierie et de la gestion des grands projets a atteint des seuils alarmants avec une enveloppe de 11 milliards de dollars. Ces importations de services, de l'aveu même des autorités, se font souvent à travers des sociétés fictives ou écran, positionnées à l'étranger favorisant la corruption et les pratiques frauduleuses dans la passation des contrats de gros marchés. Pourtant, le code des marchés publics prévoit dans ces dispositions de contrôle externe l'implication de nos missions diplomatiques à l'étranger dans la vérification de la fiabilité et de la bonne moralité des soumissionnaires, candidats à l'obtention de marchés. Pour rappel, les pays libéraux, qui font des “droits de l'Homme” une des valeurs fondatrices de leur démocratie, n'hésitent pas à recourir à leurs institutions de sécurité nationale et de renseignements pour protéger et préserver leurs intérêts économiques et financiers contre toute pratique frauduleuse qui attenterait aux deniers publics et au patrimoine de leur collectivité nationale. Après l'affaire Khalifa, l'opinion publique assiste, incrédule et impuissante, au pillage des deniers publics. Les professions de foi sur la bonne gouvernance ont fini par lasser les plus optimistes des Algériens devant le silence assourdissant des gouvernants aux questions que se posent les citoyens. Le manque de transparence, l'opacité ambiante accentuent le sentiment de suspicion de ces derniers envers les responsables politiques et les gestionnaires des grands projets d'envergure nationale. À tout ce climat, vient s'ajouter le classement de notre pays, par certaines institutions internationales, parmi ceux qui sont le plus touchés par la corruption dans le monde. Il ne s'agit pas de faire des amalgames Les managers compétents et intègres sont majoritaires en Algérie, la corruption elle-même en tant que phénomène de perversion et de déviation du mode de gestion et de gouvernance en général n'est pas l'apanage des seuls pays en développement. Les USA, le Japon, l'Europe et d'autres pays encore n'ont pas échappé à ce fléau qui tend à devenir universel, à la seule différence que dans ces contrées, la loi est appliquée dans toute sa rigueur, alors qu'en Algérie, l'impunité paraît presque garantie. Devant l'ampleur du phénomène de la corruption et dans le sillage des mesures de la loi de finances complémentaire 2009, ainsi que celle de 2010, dont les principales mesures tendent à rationnaliser les dépenses publiques et à relancer les capacités productives nationales, publiques et privées, les pouvoirs publics donnent l'impression de vouloir bouger et de sévir. Cette volonté répond aux exigences pressantes de l'opinion publique, qui réclame de plus en plus de transparence dans la gestion des affaires qui engagent le devenir de la société. C'est, probablement, dans ce cadre que s'inscrit l'instruction présidentielle numéro 3 du 13-1-2009 relatives aux modalités de lutte contre la corruption par la stricte maîtrise des conditions de recours aux bureaux d'études étrangers ainsi que la nécessité de rationnaliser les dépenses de l'Etat. Dans ce contexte, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a signé deux circulaires (numéros 673 et 680) datées du 31-12-2009 destinées au SGP – Sociétés de gestion de participation de l'Etat – et aux entreprises publiques économiques, précisant les mesures et les conditions à prendre en considération, lors de la passation de contrats relatifs aux marchés publics. Par ailleurs, il a ordonné aux responsables des SGP et des EPE d'accorder la priorité aux compétences d'études nationales. Le recours à l'expertise étrangère se fera seulement en cas de nécessité. Dans l'esprit de la même démarche, de nouveaux instruments de lutte contre la corruption, de rationalisation des dépenses publiques et de suivi des études et des réalisations des grands projets ont vu le jour. Il s'agit de la Cned (Caisse nationale d'équipements pour le développement) et du guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales. La prise de conscience des dangers que représente la corruption semble progressivement s'installer au sein de la société et de certaines sphères dirigeantes, encore qu'il faille juger à l'épreuve du terrain de l'application effective de ces nouvelles mesures. Une telle préoccupation est motivée par l'expérience passée où les directives, les circulaires, les instructions sont le plus souvent restées lettre morte. Au-delà de la gestion des grands projets d'infrastructures économiques et sociales, la corruption est un phénomène de société qui s'étend à toutes les sphères d'activité. Il faut aussi le combattre sur le plan politique par le renforcement de la démocratie et de la liberté d'expression.