Ce n'est pas la première tentative des pouvoirs publics pour juguler cette tumeur sociale. Les directeurs généraux des entreprises, les directeurs centraux des ministères ainsi que des agents publics à différentes échelles de responsabilité, seront désormais astreints à déclarer leur patrimoine selon un canevas précis et rigoureux. Demain, le conseil du gouvernement adoptera un projet de décret présidentiel qui déterminera les modalités de déclaration de patrimoine pour les agents publics, non contenues dans l'article 6 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption (voir encadré pour cet article Ndlr). De la sorte, les responsables des entreprises et des institutions publiques n'échapperont pas au contrôle et leurs fortunes seront passées au crible. Ainsi, les mécanismes de lutte contre la corruption descendent un cran plus bas alors qu'auparavant, ils focalisaient uniquement sur les responsables détenteurs de pouvoir comme les ministres et les walis Le Conseil de gouvernement examinera et adoptera également un projet de décret présidentiel qui définira la composante, l'organisation et le fonctionnement de l'instance nationale pour la prévention et à la lutte contre la corruption. Dans son discours devant les magistrats à l'ouverture de l'année judiciaire, le président Bouteflika a déploré que les dispositions portant création de cette Instance n'ont toujours pas été appliquées. Pis encore, l'Instance n'a même pas vu le jour. De la tribune des magistrats, M.Bouteflika a appelé le gouvernement à hâter la finalisation du texte organisationnel relatif à cette instance «pour procéder ensuite à son installation en la dotant des moyens lui permettant d'entamer ses activités dans les meilleurs délais». Courroucé, le chef de l'Etat a violemment réagi à ces lenteurs. «J'ai, à différentes occasions, appelé le gouvernement et les secteurs concernés à prendre leurs responsabilités concernant la lutte contre la corruption et le crime sous toutes ses formes» a-t-il dit, déplorant que les dispositions portant création de l'Instance nationale de prévention et de lutte contre la corruption, instance devant garantir l'application effective de la loi promulguée en février 2006, n'ont toujours pas été appliquées et l'Instance n'a donc pas vu le jour. Des agents de l'Etat à divers niveaux de responsabilité, amassent des fortunes colossales sans la moindre inquiétude par le fait qu'ils ne sont pas concernés par la déclaration de patrimoine. Le phénomène de la corruption a atteint des proportions telles qu'il fallait l'arracher à la racine. Ce n'est pas la première tentative des pouvoirs publics visant à juguler un phénomène qui a l'ampleur d'une tumeur sociale. Selon les rapports des ONG, la corruption gangrène la plupart des segments de la société algérienne. «La corruption est devenue un sport national» clame un humoriste algérien pour caricaturer la situation alarmante. Le débat sur la corruption et la déclaration de patrimoine a commencé en janvier dernier pour atteindre son apogée au mois d'août. Une violente polémique a éclaté au début de l'année 2006 quand les groupes parlementaires du FLN et du MSP ont rejeté l'article 7 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. en fait, cet «article de la discorde» prévoyait la révocation des fonctions ou la déchéance de mandat électoral pour tout haut fonctionnaire ou élu qui n'aurait pas déposé sa déclaration de patrimoine dans les délais prévus. Cette loi a été finalement adoptée, le 3 janvier dernier, sans l'article 7. Réagissant à cet «impair commis par les députés du FLN et du MSP» l'Association algérienne de lutte contre la corruption (Aacc), section de Transparency International en Algérie, a appelé le Conseil de la nation à rejeter cette loi. L'Aacc a considéré que cette loi a été «vidée de sa substance» à travers la suppression de son article 7. Chassez la polémique en hiver, elle revient en été. En effet, la même polémique revient en été. Elle s'est emballée depuis le mois d'août quand les déclarations de l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia et de l'actuel ministre de la Communication Hachemi Djiar, sont publiées par le Journal Officiel. En se pliant à cette obligation alors qu'il a été remercié, Ahmed Ouyahia a brisé un tabou même si le contenu de sa déclaration a été violemment décrié. Le premier à décocher les flèches de Parte contre l'ex-chef de gouvernement, a été le ministre d'Etat et président du MSP, Boudjerra Soltani: «Le peuple algérien se réjouit de savoir que les ministres sont pauvres», a-t-il commenté avec véhémence et un sens de l'ironie. La déclaration de patrimoine remonte à la période de la présidence du général Liamine Zeroual. Il a promulgué l'ordonnance 97-04 relative à la déclaration de patrimoine. A la même époque, Ahmed Ouyahia était à la tête de l'Exécutif. L'ordonnance Zerouale a été abrogée suite au vote par les deux chambres du Parlement de la fameuse loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, tronquée de son article 7. Voulant donner l'exemple durant les moments très difficiles que traversait l'Algérie en 1997, le président Liamine Zeroual, a fait sa déclaration de patrimoine. Son chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, lui emboîte le pas. Bien plus tard, c'est l'ex-candidat à la présidentielle de 2004, Ali Benflis ensuite, l'ex chef de gouvernement Ahmed Benbitour qui font de même. En 2004, c'est le président Bouteflika qui fait sa déclaration de patrimoine avant de se porter candidat pour la seconde fois à la présidence.