La deuxième phase de vaccination nationale contre la grippe A(H1N1), qui concerne les femmes enceintes, a débuté hier. En dépit du tapage médiatique que l'on sait, force est de constater que « sur le terrain » cette campagne est en passe de se transformer, à l'instar de ce qui s'est vu Outre-mer, en débâcle. Ou plutôt en non-événement. Dans les structures sanitaires prévues à cet effet, rares sont les femmes enceintes à se présenter dans le but d'être vaccinées. Dans la polyclinique docteur Aoura de Hydra, à la mi-journée, les couloirs et la salle d'attente sont vides, à l'exception du personnel médical. Rien n'indique que la campagne a bel et bien débuté. La vaccination a bien commencé. Ou du moins, en théorie, puisque, jusqu'à l'heure, aucune femme n'en a fait la demande », explique un médecin. La sage-femme en charge du déroulement de l'opération impute ce peu d'engouement, et c'est le moins que l'on puisse dire, aux appréhensions suscitées chez les citoyens par les « polémiques et les révélations » qui éclatent régulièrement. « Depuis l'annonce de la date du début de la campagne, lorsque je reçois des femmes en consultation, je les informe qu'elles auront la possibilité de se faire vacciner prioritairement. La réponse catégorique est toujours la même : hors de question », raconte la sage-femme. Et même lorsque cette dernière parle du vaccin obligatoire, du DTP, les patientes, méfiantes, rétorquent : « Vaccin ? Quel vaccin ? » « Nous avons fait notre devoir, mettre à la disposition des citoyens les installations adéquates à cet acte. Communiquer, informer. Mais nous ne pouvons décemment pas forcer la main à quiconque », se défend-elle. Cette peur et ce refus étaient observables hier dans pratiquement l'ensemble des centres de soins « vaccination » de la capitale. La polyclinique des Sources, à Bir Mourad Raïs, ne déroge pas à la règle. A l'accueil, le docteur Fethi Benachenhou, médecin de santé publique et responsable du service, esquisse un sourire lorsqu'on lui demande si les vaccinations ont débuté. « Oui, évidemment. Tout a été prévu. Les salles de vaccination et d'observation, ainsi qu'une autre pour les complications éventuelles. Mais tout cela n'a pas encore servi, et j'ai bien l'impression qu'elles ne serviront pas à grand-chose ! », lance-t-il, en montrant les flacons intacts, d'Arepanrix. Selon le docteur Benachenhou, le gouvernement « paie » pour son manque de communication et sa politique « occulte, opaque », et tout particulièrement en ce qui concerne les conditions de passation du contrat avec le laboratoire canadien de GSK. « Dans la rue, les rumeurs se substituent de fait à la voix officielle, lorsque celle-ci se tait. Après tout ce qui a été dit, ici ou ailleurs, quant à l'Arepanrix avec adjuvant, il n'est franchement pas étonnant qu'on ne se bouscule pas au portillon pour se faire vacciner », analyse-t-il. D'autant plus lorsqu'il s'agit de femmes enceintes et d'enfants. « Les contrats de ce type sont toujours sous-tendus par des pensées politiques. Cependant, je ne comprends pas pourquoi, malgré ou en sus de cet accord, l'Etat n'a pas songé à commander, en quantité moindre et pour cette frange de la société, des vaccins sans adjuvant, qui présentent moins de risques et auraient été mieux acceptés par l'opinion publique », s'indigne-t-il. Un médecin ne peut pas obliger ses patients à se faire vacciner, ce qui doit impérativement être laissé à l'appréciation individuelle de tout un chacun. « Tout geste médical est personnel. Il est facile de faire de telles recommandations lorsque l'on n'a aucun contact avec les gens d'en bas. » « Mais en mon âme et conscience, je ne peux pas influencer quant à une telle décision. Imaginez que je le fasse, et que des effets fâcheux se produisent. Je serais le seul à devoir rendre des comptes à la malade ou à sa famille ! », insiste le médecin. D'autant plus qu'il serait difficile de convaincre autrui de ce que l'on refuse pour soi-même, n'est-ce pas ? A cette question, les visages du personnel médical se crispent. « C'est privé, je ne peux pas vous dire si je me suis faite vaccinée », répond la sage-femme de la polyclinique docteur Aoura de Hydra. Toutefois, lorsque l'on aborde la partie infime du personnel médical qui a accepté l'inoculation, elle ajoute : « Effectivement, nous sommes nombreux à avoir refusé. Mais les médecins ont accès à un plus grand nombre d'informations. De même, le cas mortel de Sétif en a découragé plus d'un », avance-t-elle. Elle est confortée dans ce sens par nombre de médecins et infirmiers rencontrés, à leur tête le docteur Benachenhou. « Les rapports étrangers et canadiens en premier lieu ne sont pas faits pour rassurer. Mais en dépit de nos réserves personnelles, nous sommes dans l'obligation, en cas de demande, d'effectuer cette vaccination », conclut-il. Enfin, pas tout à fait. Comme ce fut le cas pour l'unique femme à s'être présentée à la polyclinique de la Concorde, à Bir Mourad Raïs, qui s'est vu « refoulée ». « Les vaccins sont présentés sous doses collectives. Il est nécessaire qu'il y ait au moins cinq prétendants pour entamer un flacon », explique une infirmière. « Nous lui avons donc demandé d'essayer de convaincre d'autres femmes enceintes de l'accompagner pour qu'elle puisse être vaccinée », ajoute-t-elle.