A l'université de Biskra, une autre thèse de doctorat en sciences d'architecture, cette fois, soutenue récemment, fait également l'objet de suspicion du plagiat de plusieurs chapitres copiés d'un travail présenté en 2001 à l'université Paris VIII par une doctorante algérienne. Le plagiat ou le vol scientifique des travaux de recherche ou de thèses a pris des proportions inquiétantes au niveau des universités. L'omerta d'abord, le laxisme des responsables et l'opportunisme malsain de certains universitaires ensuite, le tout conjugué à une politique globale qui n'encourage pas la rigueur, l'effort et l'honnêteté scientifique et intellectuelle, en ont fait un phénomène quasi banal. En sacralisant le diplôme sans prendre en considération les facteurs déterminants que sont l'aptitude, la compétence et le potentiel en matière de valeur ajoutée, la politique générale du recrutement dans les secteurs socio-économiques publics et privés ont fait de ce bout de papier une fin en soi plutôt qu'un moyen d'évaluation. Ainsi, pour les universitaires tous les coups sont permis, y compris les plus malsains pour décrocher le sésame, même sans avoir acquis les connaissances nécessaires. Pour le Directeur général de la recherche scientifique et le développement technologique (DGRSDT), «les gens utilisent la notion du plagiat à tort et à travers. Il faut d'abord définir ce qui est, dans le sens de la communauté scientifique internationale, considéré comme un vol scientifique». Ainsi, Hafid Aourag délimite le délit à la seule reproduction des résultats de recherches scientifiques ou des thèses. «Généralement, l'introduction, la méthode de calcul, la méthode expérimentale ne changent pas, les reproduire n'est pas du vol. Car on ne peut rien ajouter aux techniques. Il suffit donc de mettre la référence du pionnier. Le plagiat, c'est lorsqu'on s'attribue un travail qui a fait évoluer la science. Le délit est constitué lorsque le plagiaire reproduit les résultats de recherches ou l'originalité d'un travail», explique-t-il. Le DGRSDT informe que la publication des articles dans les revues scientifiques internationales passe par un logiciel de détection du plagiat. «Ces revues tolèrent jusqu'à 20% de copiage», affirme-t-il. S'agissant des dénonciations faites par nombre de chercheurs et de thésards, le responsable de la recherche scientifique juge qu'il y a exagération et explique les procédures à suivre. D'après ce responsable, pour les publications scientifiques la DGSN ne peut être d'un grand secours. «Si on te plagie, écris aux revues (scientifiques) pas à moi. Dès sa parution, la copie est protégée par le copyright. Elle appartient à la revue, même plus à son auteur. C'est de la propriété intellectuelle et c'est à la publication de réagir», lance-t-il en annonçant qu'«il y a beaucoup de chercheurs algériens dont je tairai le nom qui sont interdits chez certains éditeurs de revues. La publication qui détient les droits les a bannis de la communauté et les a signalés dans tous les journaux. Je connais des Algériens qui rasaient les murs.» Toutefois, une commission ministérielle peut prendre la décision de sanctionner l'auteur d'un plagiat quand cela est prouvé en rétrogradant l'auteur. «On l'a fait à Sidi Bel Abbès. Il y avait des gens qui étaient gradés qui ont plagié. On a reçu une copie de la revue scientifique mentionnant le délit, et le conseil scientifique l'a rétrogradé», révèle Hafid Aourag. Pour lutter contre cette pratique qui touche surtout à l'éthique et la déontologie scientifique, particulièrement dans les thèses et les mémoires, la DGRSDT a mis en place au niveau du CERIST un système de dépôt de thèses, «le web review», pour filtrer et protéger les travaux. «Je dois dire que, généralement, le plagiat est surtout constaté dans les sciences sociales et humaines. Là, il n'y a aucun garde-fou. Dans les sciences techniques, c'est plus rare car c'est visible», conclut-il. De son côté, le ministère de l'Enseignement supérieur a adopté en janvier une charte de déontologie incluant des mesures disciplinaires contre les plagiaires, ainsi qu'une banque de données universitaires. Rappelons que le décret exécutif n° 08-130 du 3 mai 2008 portant statut particulier de l'enseignant-chercheur considère le plagiat comme une faute professionnelle de 4e degré, le dernier échelon de gravité. Selon l'ordonnance 06-03 du 15 juillet 2006 portant statut général de la Fonction publique, l'auteur de ce genre de fautes professionnelles risque la rétrogradation ou le licenciement.