Aujourd'hui, un développement hyper centralisé n'existe dans aucun pays industrialisé ou émergent. L'Etat central qui désire à lui seul, en attribuant un rôle marginal aux autorités locales et régionales, régler les problèmes d'emploi, de santé, d'éducation, de logement, etc. se trompe lourdement de méthode. Vu la complexité socio-technique du monde moderne, une telle alternative n'est plus disponible. Les nations efficaces trouvent le juste équilibre entre les pouvoirs centraux, régionaux et locaux. Les pays qui réussissent le mieux sont les plus décentralisés. Il y a des explications très claires à cela. Nous allons en évoquer les plus pertinentes. Mais une décentralisation ne s'improvise pas ; elle se prépare minutieusement. Dès lors qu'elle est mal conçue, elle cause plus de torts qu'elle ne résout de problèmes. Les réussites des pays et des entreprises ont un point commun : les facteurs-clés du succès. On ne peut pas les évoquer tous. On peut par contre expliquer les plus féconds. Tout plan d'action doit se faire en fonction d'un environnement ouvert. Le monde moderne est si globalisé, si changeant, si complexe que seuls les pays qui arrivent à mobiliser toutes les énergies, les ressources et la motivation de la vaste majorité de leurs citoyens ont quelques chances de réussir. Les pays ou les entreprises qui impliquent uniquement une poignée de citoyens dans la bataille de la mondialisation ont peu de chances de survivre. L'Etat qui prétend régler la plupart des problèmes à son niveau constatera que malgré les énormes ressources qu'il puisse mobiliser, les résultats seront décevants. Dans ce contexte, la théorie et la pratique se rejoignent : libérer les initiatives à tous les niveaux et de tous les citoyens est l'acte le plus responsable des politiques économiques. Quelques leçons d'expérience Le développement local et régional tient une place importante dans les discussions et les formulations de politiques économiques modernes. Aussi bien les théories économiques que les sciences politiques lui accordent une place prépondérante dans les études. Dans ce domaine, il y a comme un consensus. Les Parlements de nombreux pays poussent vers l'adoption de nouveaux textes qui permettent plus de décentralisation. Cependant, les analystes ne manquent pas de situer les conditions de réussite. Il ne suffit pas de vouloir opérer un développement local pour le réussir. Un certain nombre de contraintes subsistent. La première concerne les qualifications humaines. Un développement décentralisé nécessite de former des cadres permanents à la gestion et au développement économique local et régional. Les institutions locales et régionales doivent être dotées de cellules de veille, d'analyses et de planification du développement local. C'est un prérequis majeur. L'absence de qualifications humaines fera dérailler n'importe quel processus. La seconde condition concerne les ressources. L'Etat central doit céder une partie des ressources à sa disposition aux autorités locales et régionales pour le développement économique. On peut imaginer que les plans de relance économique consacrent 50% des ressources à l'Etat central et 25% pour chacune des institutions locales et régionales. Les autorités seraient renforcées dans leur rôle par le prélèvement des taxes locales. La troisième condition concerne les institutions nécessaires au développement local : par exemple, les banques régionales, les incubateurs, les pépinières, les sociétés expertes en accompagnement du développement local, etc. Nous devons considérer qu'une économie ne peut pas se développer sans les industries du savoir : intelligence économique, simulateur, planification stratégique, sociétés spécialisées en gestion des hôpitaux, en débureaucratisation et autres. Il en est de même du développement local et régional, nous avons besoin de sociétés d'expertise qui aident les autorités locales à monter des plans enracinés dans les potentiels locaux et régionaux. Où en sommes-nous dans le processus de décentralisation ? On imagine rarement le rôle des institutions locales et régionales dans la création de la croissance économique. Nous sommes obnubilés par les grosses firmes internationales. Cependant, ces dernières ont souvent été des micro ou des petites entreprises créées dans un contexte de développement local. La réussite de la Chine est un phénomène économique analysé par de nombreux chercheurs. Il en ressort que cette dernière a commencé son développement par remplir les quatre conditions citées : développement humain, institutions locales et régionales, industrie du savoir, puis décentralisation intense. Le processus a bien réussi. 60% des exportations du pays proviennent d'entreprises locales (publiques, privées et mixtes). Bien sûr que la commune chinoise est parfois la moitié de notre pays. La Pologne a également choisi un développement très décentralisé, à l'instar de l'Allemagne et des pays scandinaves. Toutes ces expériences nous interpellent pour aller vers plus de décentralisation effective. Dans notre pays, les missions dévolues aux autorités locales et régionales sont mineures au regard des potentialités énormes qu'elles recèlent. Parmi les conditions citées ci-dessus, aucune n'existe. Par ailleurs, les citoyens responsabilisent les élus locaux sur des problèmes pour lesquels ils n'ont aucune emprise : l'emploi et le logement. Les politiques et les pratiques sont décidées au niveau central, mais ce sont les élus locaux qui font face à la furie des citoyens. Ils ont peu d'autorité, mais au regard des citoyens beaucoup de responsabilité. Les initiatives pour participer à régler les problèmes qui concernent les citoyens sont rares. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont toujours promis de booster un développement local. Mais force est de constater qu'à chaque fois qu'un nouveau texte est proposé, il serait loin de satisfaire un minimum d'exigences d'un développement local de qualité. Les efforts de formation sont également dérisoires comparé au «plan Marshall» qui devrait s'effectuer dans ce domaine. Le développement local est une affaire complexe, car l'impulsion doit venir d'en haut et les initiatives et l'exécution par des millions de personnes à tous les niveaux hiérarchiques du pays.