Le développement hyper-centralisé et hyper-bureaucratisé tel que nous le connaissons aujourd'hui dans notre pays est tout simplement incompatible avec le développement ou l'émergence. Une analyse méticuleuse des pratiques des pays émergents et développés nous permet de nous situer par rapport aux schémas qui fonctionnent convenablement. Même les pays qui disposent des meilleures compétences au sein de leurs gouvernements (Allemagne, Japon, USA, Corée du Sud, etc.) savent qu'ils seraient incapables à eux seuls de résoudre tous les problèmes de la nation. Ils opèrent un judicieux partage entre les pouvoirs nationaux, régionaux et locaux. Seule une définition claire des missions et des responsabilités partagées entre ces trois niveaux permettrait de mener à bien les missions d'un développement durable. Il est curieux de noter que ce sont les Etats dotés de beaucoup moins de compétences et d'outils qui désirent régler tous les problèmes au niveau central. C'est une équation impossible. Même si le pouvoir central demeure quelque peu ouvert à la question de décentralisation, on rétorque toujours qu'il n'y a pas les compétences voulues à ce niveau-là pour produire un développement local qui s'insère efficacement dans le contexte de la globalisation. Soit dit en passant, cette assertion est en parfaite contradiction avec la prétention d'avoir produit des ressources humaines de qualité par l'appareil de formation. Si on a bien formé, pourquoi alors ne fait-on pas confiance à nos citoyens pour prendre en charge leurs propres problèmes aux niveaux local et régional ? Mais il demeure raisonnable de supposer que le système de formation nous fournit un produit qui demeure perfectible, loin des standards internationaux. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'un plan Marshall en matière de recyclage des opérationnels et des sans-emploi. Sans cela, parler de développement demeurerait un vœu pieux. Ce serait donc la première phase du processus de décentralisation. Les interrelations à Reconsidérer Dès lors qu'on accepte d'aller vers un processus de décentralisation graduelle, il serait impératif de repenser l'architecture des interrelations entre les trois niveaux : national, régional et local. Ce sont les interactions de ces institutions à ces différents niveaux qui produiront une dynamique suffisamment forte pour propulser l'économie nationale vers le summum de ses performances. Cette architecture reste à concevoir et à mettre en œuvre. C'est un travail d'une extraordinaire complexité. Les problèmes à régler sont d'ordres stratégique, humain, organisationnel et sociopolitique. Nous avons besoin de mobiliser toute l'expertise dont nous disposons, en plus d'y associer le maximum d'acteurs : les syndicats, le patronat, les ONG, les centres de recherches, les diverses administrations et les citoyens. Cependant, nous aurions besoin d'une institution d'expertise et de coordination pour finaliser ce travail. Tous les problèmes que nous évoquons mènent toujours à la conclusion que nous avons besoin d'une «institution cerveau» qu'on appellerait institut algérien de développement. Le projet de constituer un pareil think tank existe, mais il est à chaque fois remis aux calendes grecques. Nous avons ici le défi de transformation de l'Etat le plus formidable jamais tenté. Certes, il est complexe et risqué. Mais l'émergence, puis le développement ne sont pas de simples recettes à mettre en œuvre, sinon la plupart des nations se seraient développées. Mais il faut se dire : quelle est l'alternative ? La seule autre option dont nous disposons c'est d'essayer de se développer avec un système hyper centralisé. Elle n'est pas viable. Nous aurons une probabilité proche de zéro de réussir. Alors autant tenter le processus de décentralisation puisque les chances de réussir sont importantes. Elles seront d'autant plus prometteuses lorsque nous mettrons de notre côté toutes les chances et les conditions de réussite. Il faut également réfléchir sur les mécanismes de répartition des ressources. Ceci ne serait pas une décision aisée. Nous avons besoin de faire des analyses comparatives, échanger, analyser les options et choisir celle qui donne dans les pays émergents le maximum de résultats. Nous pouvons imaginer l'alternative suivante : l'Etat central finance les dépenses de fonctionnement (surtout les salaires des fonctionnaires mais aussi les dépenses courantes) et les infrastructures. Pour ce qui est des plans de développement (relance), nous pouvons imaginer que l'Etat central disposerait de 40% des ressources, les wilayas de 30% et les communes de 30%. Ainsi, les citoyens vont responsabiliser également les structures régionales et locales pour leur propre sort. Ce qu'il faut Promouvoir aux niveaux régional et local Le système de décentralisation nécessite une préparation minutieuse. Il ne s'agit pas de le concevoir ni de l'exécuter dans le contexte actuel. Nous n'avons pas encore mis les conditions nécessaires de sa réussite. Dans les circonstances actuelles, ni un système centralisé ni décentralisé ne fonctionnerait efficacement. Parallèlement à la mise en place du système de décentralisation, devraient se mettre en branle toutes les conditions de réussite du processus de décentralisation. Nous allons en développer les trois principales, sans pour cela être exhaustif. De nombreuses autres facettes du management de ce gigantesque projet demeurent. La première réunirait un large consensus. Elle a trait au développement humain. Nous avons besoin de recycler tous les opérationnels interpellés par l'opération. Ce sont des dizaines de milliers de personnes à mettre à niveau dans des dizaines de spécialités. Ce serait donc un plan Marshall de valorisation du potentiel humain disponible. La seconde condition serait de créer à l'intérieur de toutes les instances concernées (wilayas, APC, etc.) des cellules de développement régionales et locales. Ce seraient des entités capables de concevoir et d'exécuter des plans de développement régionaux et locaux. Chaque structure doit abriter au moins un incubateur et/ou une pépinière pour booster la création et le développement d'entreprises. De l'efficacité des cellules de conception et d'exécution des plans de développement décentralisés dépendrait la réussite du projet. Les processus de recrutement et de développement devraient intégrer cette priorité. Nous avons là le facteur-clé de succès vital à la réussite du programme. Il faut donc s'atteler à lui consacrer le maximum de temps et de ressources pour tirer vers le haut son efficacité opérationnelle. Le dernier facteur évoqué sera sans nul doute une cellule de modernisation managériale de nos entités administratives. Il ne s'agit ni plus ni moins que de passer du vieux paradigme Wébérien d'une administration bureaucratique à une administration nouvelle gérée selon les modalités du «New Administrative Management». Déjà, le système Wébérien lui-même n'a jamais bien fonctionné chez nous. Gérer les administrations selon les nouvelles modalités qui se développent dans le monde est encore un autre défi à l'intérieur du déjà difficile challenge de décentraliser le développement économique du pays.