L'une des idées de base sur laquelle repose le management moderne concerne l'identification des facteurs clés de succès. Tout manager doit pouvoir reconnaître les activités qui ont le plus d'impact sur les performances de son institution. Ceci doit se faire dans le but de consacrer plus de temps, de moyens et de ressources aux fonctions clés de son activité. Une université ne réussit que si elle consacre la prééminence de la qualité de la formation sur les considérations administratives. Il faut donc donner plus de moyens et d'autorité à la pédagogie et très peu à l'administration. Les pays qui font le contraire auront des institutions supérieures de formation de bas niveau. Dans un hôpital, pour que la qualité des soins s'améliore, il y a lieu de former le corps médical dans tous les domaines relevant de ses compétences, notamment en gestion pour les managers, et leur octroyer plein pouvoir pour la prise de décision. Si les procédures administratives deviennent prioritaires, le niveau de performance ne sera que très bas. Si on raisonnait ainsi, le facteur clé essentiel de réussite des pays et des entreprises réside dans le développement, la mobilisation et l'utilisation de l'intelligence de ses membres. Une entreprise ou pays qui travaille avec les cerveaux d'une simple élite ne fera pas le poids devant une institution ou une nation qui s'organise pour tirer profit de l'intelligence de tous. De nombreuses études ont montré que les PDG ne sont pas plus intelligents que les travailleurs. Les politiciens ont également le même niveau d'intelligence que les simples citoyens. Ils peuvent avoir plus de connaissances, d'informations et d'expériences, mais pas plus d'intelligence. Ceci a de nombreuses implications. Un simple citoyen a souvent de meilleures idées sur comment gérer son environnement immédiat : améliorer l'efficacité de la machine sur laquelle il travaille par exemple, booster les performances de la maintenance, etc. Il est rare de nos jours qu'une entreprise de classe mondiale utilise uniquement les bras de ses ressources humaines. Pour s'ériger en firme compétitive globale, mieux vaut développer et utiliser tous les talents à sa disposition. La décentralisation, outil de mobilisation La culture héritée de la planification centralisée laisse forcément des séquelles psychologiques sur les manières d'organiser l'économie. Beaucoup de pays ont eu du mal à se défaire de l'extrême centralisation après leur passage à l'économie de marché. Les ex-pays de l'Est ont tout d'abord essayé de réguler et en même temps gérer leur économie avec un haut degré de centralisation. La Pologne a eu d'énormes difficultés à gérer sa transition au début, car elle était victime d'une culture d'une très forte centralisation. Par exemple, la réforme du système bancaire devait se faire par les départements ministériels chargés de l'opération. Mais à l'issue des nombreux diagnostics effectués par les experts étrangers, une autre solution fut rapidement proposée : recycler les ressources humaines au niveau des qualifications internationales, puis les laisser structurer et manager les banques et les institutions financières en fonction de leur contexte économique et politique. Les ressources humaines ont tout de suite pris des initiatives qui ne tardèrent pas à donner des résultats : une modernisation rapide des institutions financières. Ceci a donné des idées aux responsables de l'architecture économique polonaise. Ces derniers avaient aussi opté pour une qualification importante des ressources humaines locales, en plus de leur donner la possibilité de résoudre la plupart de leurs problèmes. Dès lors qu'un pays forme avec un niveau satisfaisant ses responsables locaux, ils seront à même de booster l'économie locale : l'agriculture, l'industrie, le tourisme, l'habitat, les programmes sociaux et autres seraient mieux pris en charge par des personnes compétentes pour initier le développement local. En théorie, tout le monde serait d'accord avec cette proposition. Vous trouverez rarement un haut décideur qui défendrait une forte centralisation. Mais c'est au niveau de la réalité que tout se joue. Dans la plupart des cas, on se positionne pour aller vers un système de plus de décentralisation dans le futur. Mais quand ? Personne ne le sait. On sait en gestion des opérations que lorsqu'on ne planifie pas méticuleusement une opération (fixer des délais, mobiliser des ressources) on aura tendance à la repousser jusqu'à l'abandonner. Décentraliser : Une manière de profiter de l'intelligence de tous Les spécialistes en management insistent sur les vertus de la décentralisation. La centralisation ne se justifie que lorsque les compétences en bas sont trop rares. Ce qui serait une grave lacune. Un pays qui refuserait la décentralisation après plus de cinquante ans d'indépendance révèle des faiblesses et des dysfonctionnement importants. On peut les avoir ! Ce n'est pas grave lorsqu'on prend de sérieuses options pour les éradiquer. Ceux qui ont eu connaissance du mode de fonctionnement des institutions locales dans de nombreux pays décentralisés auraient remarqué l'importance de l'implication citoyenne : élargissement des conseils municipaux aux représentants de la société civile, boîtes à idées, communications permanentes (assemblées) avec l'ensemble des citoyens. Tout ceci a un objectif : profiter de l'intelligence et des opinions de tous. La décentralisation est un outil souvent très efficace lorsqu'il est bien encadré. Il permet de mobiliser, donc de responsabiliser les citoyens sur leur situation et devenir. Aujourd'hui, un Etat super centralisé a beaucoup de chance de connaître de graves défaillances aussi bien dans ses politiques macroéconomiques que ses décisions sectorielles. Il faut s'appuyer avant tout sur une planification de la décentralisation. Nous devons savoir comment va évoluer le processus. Par exemple, à quel horizon aurons-nous des APC et des wilayas qui concevront et exécuteront leur propres plan de développement ? Quand aurons-nous terminé de mettre en œuvre les conditions de réussite : formations, banques locales, lignes budgétaires spécifiques, etc ? Encore une fois, nous n'avons pas des décisions ou des intentions de rejet du processus de décentralisation. Nous avons seulement un déficit de planification des opérations qui vont mener à sa mise en valeur et à l'exécution des décisions de mise en œuvre. En fait, un Etat qui planifie tout aura d'énormes problèmes d'exécution, mais s'il planifiait la décentralisation il serait en voie de trouver des solutions à la plupart de ses problèmes. A. L. PH.D en sciences de gestion