Le pedigree de Loucif Hamani ? Droitier et gaucher, il a gagné des titres et des médailles, mais pas en chocolat. Champion d'Algérie (1969), médaille d'argent aux Jeux méditerranéens d'Izmir (Turquie), médaille d'or aux Jeux méditerranéens d'Alger (1975) et aux Jeux africains (1978), champion d'Afrique des poids super-welters devant le Nigérian «Sea» Robinson, le combat perdu contre l'Américain Marvin Hagler, ou encore la fameuse victoire en dix rounds contre l'Américain Emile Griffith (1976). Quand on rencontre Loucif Hamani, on découvre une force de la nature et… grandeur nature. Une force tranquille imposant le respect. Quand on lui serre la main, c'est une massive «pince». C'est son «poing» fort ! Le nez épaté, la coquetterie du pugilat, Loucif Hamani, 65 ans et toutes ses… dents, jure avec la gérontologie. Alerte, il a de beaux restes, et de surcroît aucun cheveu blanc. Quand on lui parle de boxe, ses yeux brillent. Il garde toujours ce regard espiègle de ce jeune loup, et surtout ce sourire en coin… du ring. Ses références sont Chérif Hamia, son mentor, le style de Mohamed Ali et la force de force de frappe de Rocky Marciano. Aussi, au fil de la discussion, une relation amicale s'établit. Du coup, vous êtes adopté. Loucif Hamani, le kid du village d'Igoufaf, dans la commune d'Aït Yahia, en Grande Kabylie, s'ouvre. «Ma regrettée mère (1916-2012) a eu sept mort-nés. Moi et mes deux sœurs, Kaïssa et Tounsia, avons survécu. Elle a failli devenir folle quand j'ai eu la rougeole. Mon père n'avait pas les moyens pour aller chez le médecin. Il était manœuvre. Il partait à pied des mois à M'sila pour vendre du savon. C'était la guerre. Elle était une moudjahida (résistante contre le colonialisme français). Elle avait été condamnée à mort. Elle avait purgé deux ans de prison. Alors que j'étais très jeune…», saluera-t-il la mémoire de ses parents. Sa regrettée mère était son porte-bonheur. Elle accompagnait son fils de héros dans tous ses combats. Elle était fière de lui. Et surtout de hisser l'emblème national dans le concert des nations. Parti en France en 1954, puis en 1959, Loucif Hamani sera inscrit à 8 ans au Boxing Club de Choisy-Le-Roi (Val-de-Marne, Paris) sous les auspices de son coach Julien Teissonnières, son deuxième père. Il aime à l'appeler «Le prof» par-ci, par-là. A 16 ans, premier combat amateur officiel, premier K.O, au premier round. «On m'avait prédit que j'allais devenir un futur champion. Mais je n'y croyais pas. Je voulais draguer les filles (rire). Mais Tessonnières venait et me prenait de force à l'entraînement. Quand je sortais tard, je dormais chez lui, à 78 km de Choisy-Le-Roi, à Orly. Mon père ne voulait pas que je boxe. Il voulait que j'aie un métier. Et je faisais l'école buissonnière. Moi et les études, cela fait deux…». Représentant l'Amicale des Algériens en France, il sera champion d'Algérie en 1969. KO au premier round. Et il réitèrera cela six fois. Au fil des ans, Loucif Hamani s'amendera en changeant de catégorie de poids. Mouche, cop, plume, léger, super léger, welter, super welter, et puis moyen. A propos du match des JO de Munich en 1972, il n'a jamais oublié la victoire qu'on lui avait volée alors. «J'avais gagné la médaille d'or contre Alan Minter, mais on m'a relégué à la médaille d'argent. C'était le Septembre noir. Tous les Arabes ont été battus. Je voulais renter à Alger…». Alain Delon : «depuis que tu es parti, il n'y a plus de champion» Le moment phare de sa carrière fut son grand combat au palais des sports à Paris contre le boxeur américain Emile Griffith (décédé le 23 juillet 2013), plusieurs fois champion du monde. «Si je boxe encore contre Loucif Hamani, je boxe gratuitement.» Il était fier de Hamani. Pour l'anecdote, le champion du monde des poids moyens, l'Argentin Carlos Monzon (décédé le 8 janvier 1995), avait demandé un sparring-partner. «Ramenez-moi Loucif !». Mais Carlos Monzon fera vite de déchanter : «Ramenez-moi un boxeur, pas un diable !». Une belle caution et autre respect. En six rounds, Carlos Monzon n'a pu toucher une fois Loucif, il avait 22 ans. Du coup, le Tout Paris est en totale admiration pour ce jeune boxeur algérien. Les Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Annie Girardot, Marlène Jobert, Denise Fabre, Enrico Macias, Johnny Halliday, ou encore Sylvie Vartan. Il a même été acteur dans le film Juliette et Juliette (1974). «Amateur, j'étais mieux payé qu'un professionnel. J'étais comme une star de football actuelle. Le grand acteur Alain Delon me disait toujours : ‘‘Je suis prêt à t'aider''». C'est lui qui a payé le voyage aux USA pour le combat contre Marvin Hagler. Il voulait organiser un Championnat du monde à Alger. Mais quelqu'un de haut placé à l'époque avait refusé. Alain Delon voulait que la recette soit versée aux nécessiteux. «Je l'ai revu récemment, il m'a dit : ‘‘Depuis que tu es parti, il n'y a plus de champion''.» A propos du président Houari Boumediène, Loucif est laudatif : «Boumediène m'a toujours récompensé. Il m'aimait comme son fils. J'entrais dans son bureau comme dans un café. C'est lui qui m'a recruté comme fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Il était content de moi quand je hissais le drapeau algérien. Après sa mort, on m'a mis aux oubliettes. Il y a des gens que je dérange. Il y a deux ans, on a eu un rendez-vous avec Mohamed Tahmi, ministre des Sports, pour un hommage à ma mère et mon jubilé à la salle Harcha, à Alger. Même la date avait été fixée. Le ministre avait donné son accord. Mais depuis, aucune suite. Silence radio…» La relève de Loucif Hamani est assurée par ses fils, Rachid, amateur en équipe de France de boxe, et Samir, professionnel, médaille d'or aux Jeux méditerranéens de 2009 à Pescara ( Italie) qui, sans encouragements — il paie lui-même ses billets d'avion —, veut encore représenter l'Algérie aux JO de 2016 à Rio (Brésil). A bon ententeur ! Dont acte ! Loucif Hamani est une gloire nationale et internationale. Il le vaut bien.