Selon AI, le Qatar n'aurait pas tenu ses promesses faites début 2014 d'améliorer les conditions de rémunération des travailleurs étrangers, et de mettre un terme à la «kafala», le système de parrainage mis en place dans le pays entre les salariés migrants et leurs employeurs, qui se retrouvent détenteurs de leurs papiers d'identité. Mais le ministère du Travail et des Affaires sociales qatari se dit en «désaccord avec un certains nombre d'allégations faites par Amnesty». Doha affirme avoir fourni une réponse aux nombreux cas de migrants qui attendent parfois des mois avant d'être rémunérés pour leur travail, en instaurant un système de paie électronique des salaires. «Nous ne disons pas dans ce rapport que le Qatar n'a rien fait, répond Jean-François Dubost, responsable du programme des personnes déracinées à Amnesty International France, mais même l'exemple du versement électronique des salaires est contestable, puisqu'il n'a toujours pas été mis en place et que les employeurs ont un délai de 6 mois pour s'y conformer.» Selon Doha, un effort a également été fait pour améliorer les conditions de logement de 250 000 travailleurs. Mis en cause par Amnesty International pour ne pas avoir désigné 300 inspecteurs du travail avant la fin de l'année 2014, comme il s'y était engagé, l'Etat gazier rétorque avoir 294 inspecteurs sur le terrain actuellement, et avoir l'intention de porter ce chiffre à plus de 400 avant la fin de cette année. Mais pour Mustafa Qadri, chercheur à AI, il y a «de sérieux doutes sur l'engagement du Qatar à lutter contre les abus sur les migrants». Il soupçonne même le pays de vouloir «faire une simple opération de relations publiques», alors qu'il est sous le feu des projecteurs avec l'organisation du Mondial de football à Doha en 2022. Le rapport de l'ONG précise d'ailleurs que 441 travailleurs népalais et indiens seraient morts en 2014 à cause de leur travail, selon des chiffres communiqués par les gouvernements de ces deux pays, qui sont les principaux pourvoyeurs de migrants vers le Qatar. Egalement interpellée par Amnesty International, la Fédération internationale de football (Fifa) a promis de «continuer à exhorter les autorités qataries à accomplir les réformes et abolir le système de la kafala», tout en se félicitant que la Coupe du monde «serve de catalyseur à un changement significatif» dans le pays. La Fifa a également souligné qu'«aucun des événements mentionnés dans le rapport ne s'est déroulé sur les sites des stades» en construction pour le Mondial. Mais pour Jean-François Dubost, «la Fifa ne devrait pas se contenter de regarder ce qui se passe sur ces sites, mais forcer le Qatar à aller beaucoup plus loin.»