Longtemps dénoncé pour son système de travail jugé «esclavagiste», le Qatar interpellé depuis quelques semaines par l'ONU, a été invité hier à introduire de nouvelles mesures dans le monde du travail pour améliorer le quotidien des travailleurs sur les chantiers mais aussi les employés de maison. Un responsable de l'ONU a appelé, hier, le Qatar à améliorer les conditions des travailleurs immigrés, tout en admettant que ce pays qui se prépare à accueillir la Coupe du Monde de football en 2022 prenait certaines mesures en ce sens. «Beaucoup d'immigrants font face à des violations des droits de l'Homme sur leur lieu de travail : certains ne reçoivent pas leur salaire ou sont payés moins que le salaire convenu», a déclaré le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des migrants, François Crépeau, lors d'une conférence de presse au terme d'une mission d'enquête de huit jours. «Je suis également préoccupé par le niveau des accidents sur les sites de construction et par les conditions de travail périlleuses menant à des accidents ou à la mort», a-t-il ajouté, sans pouvoir confirmer les chiffres de la presse sur la mort d'ouvriers népalais. M. Crépeau a indiqué avoir rencontré au Qatar, au centre d'une polémique sur les conditions de travail des ouvriers étrangers, des représentants du gouvernement, des diplomates et des travailleurs sur leurs lieux d'hébergement, dans un centre de déportation et en prison. Il a recommandé aux autorités «de fixer un salaire minimum pour tous les travailleurs, y compris les employés de maison». Il les a aussi invitées à veiller à «l'application des législations existantes», en interdisant «la confiscation des passeports» des expatriés, une pratique courante, et «d'adopter une législation» protégeant les droits des domestiques. Il leur a demandé «d'abolir à terme le système de kafala» ou parrainage, source selon lui «d'abus contre les migrants». Ce système, commun à la plupart des riches monarchies du Golfe, permet aux employeurs d'empêcher leurs salariés de changer d'emploi ou de quitter le pays en leur refusant un permis de sortie. Selon lui, le Qatar «a le plus haut taux de migrants par rapport aux citoyens dans le monde, environ 88% de la population étant formée de travailleurs étrangers». Tout en soulignant que les autorités prenaient des mesures pour améliorer les conditions des travailleurs immigrés, en mettant par exemple sur une liste noire les compagnies responsables d'abus, il a estimé qu'il y avait «encore un long chemin à faire». «La pression de la Coupe du Monde qui vient dans neuf ans va probablement développer des solutions qui peuvent s'étendre au reste de la société qatarie», a-t-il dit. Il a souligné dans ce cadre l'engagement du Comité suprême du Qatar 2022 à ce que les droits des travailleurs soient respectés sur les chantiers de la Coupe du Monde. Les conditions de travail au Qatar, notamment sur ces chantiers, ont été dénoncées par des organisations internationales des droits de l'Homme et des syndicats. Le quotidien britannique The Guardian a publié fin septembre une enquête répertoriant 44 morts entre juin et août sur un chantier au Qatar, ce que les autorités ont démenti. Amnesty International, qui doit publier le 17 novembre un rapport détaillé sur la situation des immigrés au Qatar, a appelé les autorités de Doha à agir pour améliorer le statut de la main-d'œuvre dans ce richissime Etat gazier. R. I.