Le lien entre la grève de la SNVI de septembre 1988 et les événements d'octobre de la même année est un mythe ! En fait, il y a deux facettes d'octobre 88 : l'un ouvrier et l'autre populaire qui a tourné ensuite à la manipulation. Si le mouvement ouvrier l'avait remporté, je pense que la situation aurait été meilleure pour la société. L'Algérie de la fin des années 1980 et le début des années 1990 avait deux projets. Le premier était porté par les mouvements féministes, étudiants et ouvriers : des masses organisées par des syndicats, des associations des partis (clandestins à l'époque du parti unique). Les revendications étaient négociables et axées sur la réalité de la société. L'autre projet, qui a fini par dominer, est ce mouvement populaire qui se radicalise avec sa récupération par les islamistes. Ces derniers lui ont donné un caractère non négociable et un cachet culturaliste : un mouvement qui exclut l'autre, qui ne veut pas négocier, qui veut éliminer l'autre, le haggar, le taghout. Il porte plus des slogans mobilisateurs que des revendications concrètes. L'échec du premier projet est l'incapacité des pouvoirs publics et des élites intellectuels d'encadrer ces mouvements. Aujourd'hui, on revient à des grèves aux revendications claires et négociables après avoir perdu du temps durant dix ans avec des revendications radicales et idéologiques qui ne pouvaient être réglées que par la violence. C'est un retour vers la normale, après des années de névrose ! On revient, à travers ces dernières grèves, vers une société tournée vers les problèmes concrets, la valeur du travail, le modernisme.