C'est avec un retard de près d'une année que le Syndicat national des magistrats (SNM) a procédé hier au renouvellement, ou plutôt à la reconduction de ses structures pour un deuxième mandat qui coïncide avec le 20e anniversaire de l'organisation syndicale, créée en mars 1990. Les 76 délégués et leurs suppléants (élus au niveau des 36 cours, de la Cour suprême et du Conseil d'Etat) ont pris part à l'assemblée générale ordinaire, tenue à l'hôtel Erriadh, en présence de deux rapporteurs de l'Union internationale des magistrats (UIM), Christophe Regnar, président des syndicats des magistrats français, Ali Hani, président de l'association des magistrats tunisiens, Mme Hani, présidente du Conseil d'Etat, Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative des droits de l'homme et de nombreux avocats. C'est la lecture des rapports financier et moral par Djamel Aidouni qui ouvre les travaux de cette assemblée. Il revient sur les épreuves qu'a traversées le syndicat, depuis sa création en 1990 à la faveur de la Constitution de 1989, en insistant sur la période du terrorisme où celle-ci était totalement paralysée au point que sa demande d'adhésion au sein de l'UIM a été ignorée jusqu'en 2004, date à laquelle elle a été relancée. « Il nous a fallu un travail de lobbying et le soutien de nos amis français, tunisiens et marocains pour qu'on puisse faire admettre l'organisation en tant que membre extraordinaire avec 25 voix contre 22, lors d'une élection, en attendant notre adhésion en tant que membre ordinaire lors de la réunion de Dakar, en novembre 2010, mais une fois remplies les formalités d'usage, dont des questionnaires (de 49 questions) et encore un travail de lobbying de pays amis. L'opposition à notre adhésion est venue surtout des pays anglophones membres de l'Union, qui voient d'un mauvais œil l'élargissement de l'espace francophone », déclare M. Aidouni. Abordant les rapports moral et financier, ce dernier explique que l'organisation vit des subventions étatiques d'un montant de 11,2 millions de dinars entre 2004 et 2009, ainsi que des cotisations des adhérents qui ont atteint 2,05 millions de dinars durant toujours la même période, où la somme de 6,488 millions de dinars a été dépensée. Très court, le débat est resté terre à terre, si ce n'est quelques interventions forcées de certains magistrats, remis à l'ordre parfois brutalement. Comme cela a été le cas de cette juge, à laquelle le micro a été coupé lorsqu'elle a soulevé un problème jugé « de taille » par ses confrères du siège. Il s'agit de l'instruction du ministre de la Justice, obligeant les magistrats à rédiger sur ordinateur leurs arrêts. « Nous ne pouvons pas assumer une telle charge, alors qu'il y a des greffiers pour cela. Nous avons une quarantaine de dossiers qu'il faut examiner en audience. Nous n'avons ni les capacités ni le temps pour rédiger sur micro nos décisions », dit-elle avant d'être subitement mise au mode muet. Mais elle est fortement ovationnée par ses collègues. L'un d'eux lui emboîte le pas et tente de parler, mais M. Aidouni lui fait savoir que « l'assemblée n'est pas une tribune pour faire état des problèmes internes ». L'intervenant dénonce le fait que les membres de l'assemblée générale ont été convoqués sans pour autant être mis au courant de l'ordre du jour des travaux. Finalement, le débat n'est pas allé plus loin et les commissions ont vite été composées pour préparer les recommandations et entamer l'opération électorale du bureau. Les rumeurs sur une éventuelle candidature, autre que celle de M. Aidouni, s'est vite dissipée lorsque la majorité des membres du conseil a exigé la reconduction à main levée de M. Aidouni pour une durée de 4 ans et non de 3 ans, puisque deux amendements du statut de l'organisation ont été retenus. L'un pour revoir la durée et l'autre pour permettre aux magistrats retraités d'être membres d'honneur du syndicat. En fin de journée, sur une liste de 27 candidats pour les dix sièges du bureau, le conseil a élu 6 nouveaux membres et reconduit 4 anciens, dont le secrétaire général, Kamel Himeur, qui gardera certainement son poste. Se succédant à lui-même, M. Aidouni fait savoir que les acquis, notamment sociaux (salaires et autres avantages) même importants restent à rééquilibrer vu la tâche difficile des magistrats. Il annonce que la révision du statut du magistrat et celui du Conseil supérieur de la magistrature pourraient être au programme de son deuxième mandat.