– Pouvez-vous nous dire en quelques mots comment est né le système LMD ? Adopté par l'Algérie comme d'ailleurs la plupart des pays africains, le processus de Bologne visait en fait l'harmonisation des systèmes d'enseignements universitaires des pays européens, en adoptant la division en trois niveaux (gradué, post-gradué et doctorat, ou LMD), plus simple, et en y intégrant plus tard l'assurance qualité (déclaration de Londres en 2007). Il s'agissait de faire de l'Europe un espace compétitif à l'échelle mondialisée de l'économie de la connaissance. L'Algérie, à travers l'adoption de ce système, visait aussi l'amélioration de la qualité de l'enseignement afin de répondre aux besoins de son développement économique et social, mais aussi de «s'armer» pour affronter la mondialisation. – Le LMD est, dites-vous, un système mis au point par l'Union européenne pour des objectifs propres à ses membres, à leurs économies et à leurs conditions. En y adhérant, l'Algérie ignorait-elle qu'il lui serait difficile, voire impossible, de se conformer à l'esprit de ce système ? Ce système LMD a été mis en place progressivement en Algérie à partir de la rentrée 2004/2005. Il préconisait une nouvelle architecture des enseignements, organisés en unités d'enseignement regroupées en semestres d'études. L'unité d'enseignement possède la qualité d'être capitalisable et transférable, permettant ainsi l'ouverture de passerelles entre plusieurs cursus de formation et induisant une mobilité des étudiants. Les formations LMD sont organisées par domaines (ensemble de disciplines), filières et spécialités. Les volumes horaires ont été allégés en présentiel, mais augmentés en travaux personnels. L'étudiant participe ainsi directement à sa formation et il devait être accompagné par un tuteur. L'utilisation des technologies modernes de communication devait être intégrée dans l'enseignement. Les enseignants devaient disposer de ces moyens et les apprivoiser. L'ouverture sur l'environnement économique et social est impérative dans ce système afin de faciliter l'insertion professionnelle du diplômé, etc. C'est dire qu'entre la théorie et la pratique, le fossé qui s'est creusé est immense ; l'esprit du système LMD n'est pas respecté. – Justement, dix années après sa mise en œuvre en 2005, où en sommes-nous ? Les résultats ne sont malheureusement pas au rendez-vous. Les causes sont multiples : la précipitation dans la mise en œuvre du LMD sans suffisamment préparer l'accompagnement au changement des principales parties prenantes, les enseignants et les étudiants, d'où leur hostilité quelquefois et leur non-adhésion au processus ; la mise à disposition des moyens pédagogiques modernes nécessaires à l'accomplissement de certains enseignements, et surtout l'absence totale d'une évaluation périodique de ce processus, du moins de manière formelle. Ce constat a conduit le ministère de l'Enseignement supérieur et la Recherche scientifique (MESRS) à engager une réforme profonde du système LMD, avec l'accompagnement de l'Union européenne, depuis 2011, dans un Programme d'appui à la politique sectorielle de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (PAPS-ESRS). Ce programme vise à accompagner la modernisation du système universitaire afin de développer les mécanismes d'insertion des jeunes dans le monde de l'entreprise, le renforcement des capacités des établissements universitaires et l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Cet accompagnement concerne six domaines clés, notamment l'intégration de l'assurance qualité interne et le renforcement des Cellules d'assurance Qualité. La mise en place d'un système d'information intégré. Le renforcement des capacités des enseignants dans l'ingénierie pédagogique et les TIC et des gestionnaires du secteur dans la gestion prévisionnelle des ressources humaines, le management universitaire, et de l'ingénierie de la formation. Le soutien à la formation doctorale par des plans de formation et de la formation LMD où l'enjeu est de favoriser la diversification et la professionnalisation des offres de formations, l'ouverture sur le monde socio-économique, le renforcement des capacités des enseignants dans le tutorat et l'intégration des acteurs économiques dans le processus de professionnalisation. Enfin, la relation université-entreprise qui vise le rapprochement université-entreprise par la consolidation et l'amélioration de l'adéquation formation-emploi, la valorisation de la recherche et l'insertion professionnelle. Ce programme ambitieux est actuellement en cours sur plusieurs sites pilotes, qui auront la charge de sa mise en œuvre non seulement à leur niveau, mais aussi dans les autres établissements à travers une opération de dissémination conduite par des experts référents actuellement en formation.