Cette modeste contribution constitue en fait un support pour un débat clarificateur sur la base de faits et données pris dans leurs dynamiques sociales dans un contexte socio-politique déterminé. La mise en exergue des méthodes utilisées, des mécanismes mis en œuvre et des responsabilités dans la crise du M'zab devra aider à la mise en place d'une politique basée sur une démarche d'intégration citoyenne, où les valeurs de reconnaissance mutuelle entre toutes les communautés dans le respect des différences, et le rejet de l'exclusion et la stigmatisation, sous l'œil vigilant d'un Etat républicain fort et juste, devront constituer le socle du savoir vivre entre tous les citoyens. Notre intention est d'exprimer à partir de notre position de simple citoyen appartenant à la communauté mozabite, un point de vue de citoyen algérien recherchant à travers la clarification, la définition et la franche délimitation des responsabilités, non pas la stigmatisation et les dénonciation stériles, mais le heurt des consciences à tous les échelons de la base populaire, de la société civile et du mouvement associatif, des organisations politiques et humanitaires, des pôles culturels et médiatiques, et l'interpellation solennelle des centres décisionnels du pouvoir pour susciter et assurer à la civilisation du M'zab et sa communauté la simple reconnaissance, le respect républicain, le rejet des dénis, et l'égal accès aux libertés et droits démocratiques et sécuritaires. En d'autres termes, notre objectif n'est pas de stigmatiser, quelque soit la formulation utilisée, le pouvoir algérien en tant que totalité homogène, sachant que de multiples courants et cercles, et de larges milieux au centre ou à la périphérie immédiate de ce pouvoir sont porteurs de profonds sentiments de rejet, sinon de gêne devant le douloureux scénario du M'zab qui se déroule sous leurs yeux fuyants, dégageant une certaine impuissance. Mais le fait est là : ce scénario a engendré la mort et le chaos. La mise en branle des outils et instruments d'analyse des faits et actes, des plans et opérations de ce scénario nous conduisent immanquablement à parler d'une seule responsabilité : la Responsabilité du Pouvoir en tant que tel. Toutes les autre ‘'parties'' en action ne sont en fait que des instruments de la mise en scène de ce scénario. Dans ce contexte dramatique et violent, où, tel que nous le ressentons, le mépris, l'impunité et le laisser-faire coupable à l'égard de toute une communauté s'érigent en système de gestion de la crise, sa mise à nu procède de la recherche de réaction féconde et salvatrice porteuse de solutions justes, rejetant les tentations simplistes de répression policière et d'étouffement de toutes les voix critiques. Notre méthodologie d'approche pour l'élaboration de ce document s'appuie sur la présentation des faits caractéristiques des évènements du M'zab, la genèse de la crise, les contours de ses évolutions, sa gestion et ses conséquences. Ainsi, le plan de cette contribution se présente comme suit :
I)-Evénements du M'zab et leurs significations : *- Drames du M'zab *- Exploitation politique des évènements *- Apports du M'zab à la nation *- Atteintes aux mozabites
II)-De quoi la haine des mozabites est-elle le nom ? *- Aspects économiques *- Manipulation des suppôts *- Echanges inter communautaires
III)-Repères historiques : *- Evènements de 1985 *- Le M'zab après 1988 * – Problèmes socio-économiques du M'zab
IV)-Pourquoi cet acharnement contre les Mozabites ? *- ‘'Printemps du Sud'' et ses retombées *- Complot anti mozabite *- De la gestion sécuritaire *- Le pouvoir et le jeu communautaire
Conclusion.
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Le M'zab vit, depuis Décembre 2013, des évènements dramatiques et une crise sans précédent de ses milles (1000) ans d'histoire. Le pouvoir s'est impliqué, directement à travers les institutions qu'il manipule, dans une logique hargneuse à l'endroit de la communauté mozabite et fortement hasardeuse pour l'unité de l'Algérie qu'il est censé défendre. I)- EVENEMENTS DU M'ZAB ET LEURS SIGNIFICATIONS : – Drames du M'zab : En effet, depuis plus de douze (12) mois, plus d'une année entière de ses jours interminables et ses nuits infernales, Ghardaïa et toute la Vallée du M'zab brûlent, dans une implacable logique d'atteinte aux vies humaines, et de tentatives de mise à terre de tous les vestiges de la vie sociale, cultuelle, culturelle, économique et commerciale. La mort et l'horreur, le sang et la terreur, la folie meurtrière et la furie incendiaire, les atteintes aux symboles et aux croyances et les exactions morales se conjuguent au quotidien. Le M'zab est à feu et à sang. La violence devient la seule forme d'expression sociale pour asseoir leur domination pour certains, et le seul recours pour demeurer en vie pour d'autres. La violence a atteint son paroxysme avec ses contours abjects. C'est dans le froid hivernal de cette terre si généreuse, irriguée par l'humanisme d'une civilisation où les valeurs du travail et du sens du devoir (envers Dieu et ses créatures) lui dictent sa démarche et son orientation, et c'est dans la chaleur caniculaire de cette contrée rocailleuse du ‘'désert de tous les déserts'' où la vie, elle-même, se confond immanquablement et irrésistiblement avec son sens le plus intime : la paix, la sérénité et la stabilité, que s'est alors effrontément et effroyablement incrustée, par la force du diktat, la violence insolente et impudente. Cette violence incarnait et exploitait le comportement hideux de la bêtise humaine. Comme nous l'enseigne l'Histoire, les logiques implacables des despotismes lâches et agonisant s'appuient toujours, outre sur leurs invétérées clientèles, sur les divisions manipulatrices des incompréhensions frustes, des faiblesses mesquines, des prédispositions maladives, et des intérêts étroits de groupes sociaux pour tenter de briser tous les maillons de résistance au diktat en commençant par le plus faible. Et l'histoire se répète. Dans ce XXI (21iéme) siècle, le M'zab et sa communauté mozabite subissent et affrontent un sérieux processus évolutif de dérives violentes et d'élargissement des espaces d'exclusion et du non droit. Des citoyens mozabites algériens ont été atrocement torturés, massacrés, mutilés, et tués de sang froid, par d'autres algériens, pourtant depuis bien longtemps leurs voisins. Des blessés ont été irrémédiablement atteints, des familles entièrement déracinées de leurs quartiers sous la menace et la terreur, et sous le slogan témoin ‘'irhal'' (‘'partez''), inscrit sur les façades des murs des maisons et commerces mozabites. C'est là l'expression d'une politique de séparation ethnique, faisant suite aux campagnes de stigmatisation communautaire, soubassement d'un processus à double voie. Chaque voie étant portée par l'un des deux protagonistes de la conspiration anti nationale car anti mozabite : d'une part le pouvoir en place, et d'autre part ses suppôts de la communauté arabe autochtone. Pour le pouvoir, la voie consisterait à dicter à la communauté mozabite, sous la menace et la terreur savamment dosées, distillées et sous-traitées, les termes de sa soumission, du rejet de toute émancipation républicaine ou aspiration démocratique, du renoncement à sa différenciation, de l'application du processus de sa désintégration, et l'extinction historique de sa civilisation. L'autre voie qui relève des suppôts de la communauté arabe autochtone, porterait sur la poursuite sans relâche de la violence, ‘'légalisée et dûment entretenue'' par ceux censés la combattre, devenus des parrains qualifiés à travers différents groupes de corps de sécurité disqualifiés. Une violence toute violente, considérée comme expression de valorisation sociale, et fait nouveau, de volonté d'affermissement politique de rapports de domination sur la communauté mozabite. N'est-ce pas l'apanage du scellement d'un partenariat clair-obscur des forces du pouvoir avec ses suppôts de la communauté arabe autochtone, en vue d'une historique mise à genoux par tous moyens du M'zab ; ou seulement d'une mission ponctuelle (d'un relais-fusible) tendant à terroriser les mozabites pour les contraindre de revenir au droit chemin de leur ‘'sage et habituelle soumission'' ? Le niveau de concrétisation de cette mission s'est accéléré. On procède à l'encerclement total de tous les espaces d'habitation mozabites. Les k'sars et alentours immédiats sont isolés. Entre ces k'sar, dans toute l'étendue de la vallée, les hordes des assaillants ont toute latitude de se déplacer sans contrainte aucune, et ils se portent assistance. Dans cette légale facilité de déplacement, des attaques surprises sont menées ici et là, incendiant après pillage systématique tout bien à identité mozabite :
– Biens matériels : Des centaines de maisons avec équipements, des centaines de jardins et de plantations et équipements agricoles d'irrigation, des dizaines de véhicules, des centaines de magasins, tous les magasins sis sous la zone d'occupation de ces hordes, des magasins bien achalandés dans la pure tradition du commerce mozabite. En outre, et fait inédit, en une seule demi journée, tous les magasins de gros et détails, les mieux fournis et les plus équipés, avec des stocks colossaux en marchandises : de la grande et petite quincaillerie, de l'électroménager, de la grande parfumerie et articles de beauté, de la lingerie aux vêtement de haute qualité, des articles de décoration intérieure, de la faïencerie aux dalles de sol de luxe et à la plomberie sanitaire de haut standing, de la grande épicerie aux articles d'électricité générale, et sans omettre les pharmacies et autres enseignes, sans exception aucune, sis dans la grande avenue du 1er Novembre, traversant le quartier dit Théniet el makhzen, ont été systématiquement pillés. Tout cela a été entrepris au sein de cette avenue alors qu'elle est attenante à la wilaya et au groupement de la gendarmerie nationale, et au sein de laquelle sont implantés le Centre du Secteur Opérationnel de l'Armée, le lieu le mieux surveillé de toute la vallée du M'zab, ainsi que des agences bancaires, de toutes les agences de téléphonie mobile, certaines Directions de wilaya et autres administrations. Avenue sous haute surveillance. Un pillage effectué dans une cohue indescriptible d'adultes, jeunes et vieux, de femmes voilées, semi voilées ou non, d'enfants surexcités par leurs découvertes, dans un ballet de va et vient marathonien ininterrompu pour assurer à l'aller les bonnes prises et au retour les bonnes cachettes. Puis enfin rassasiés, les pyromanes, dans un élan gigantesque de levée des torches, s'adonnent ardemment à la furie incendiaire de l'un après l'autre de ces magasins tristement éventrés et éviscérés puis enfin carbonisés. Ainsi, comme si de rien n'était, des centaines de milliards de DA évaporés (sans aucune information, à ce jour, sur l'entame d'enquêtes ou de poursuites policières et judiciaires ?) par la grâce des extorqueurs devenus des héros sanctifiés et respectés aux yeux des leurs, et par la grâce des forces de sécurité qui se sont, sur injonction de leurs hiérarchies directes et indirectes (?), évaporées elles aussi. Ne fallait-il pas que leurs suppôts, en mission ponctuelle commandée, soient largement rémunérés?
– Biens agricoles et fauniques : Au périmètre agricole Laâdira, tout en amont de la palmeraie de Ghardaïa, des jardins arrosés par les sueurs d'hommes échinés à longueur d'année à vivifier péniblement, parcelle après parcelle, sous après sous, dans la rudesse des hivers grelottants, des canicules suffocantes et des vents de sable étouffants et aveuglants, sont incendiés par des groupes agissant souvent à visage découvert. Dans une intention stupidement maladive de tuer l'effort et la vie, ces groupes n'épargnaient ni plants, arrachés des racines ; ni légumes, piétinés ; ni arbres fruitiers et palmiers, brûlés ; ni vaches, éventrées ; chèvres et moutons, volés ou brûlés vifs ; et poulaillers, vidés ; ni moyens de pompage et d'arrosage, détruits ou jetés aux fonds des puits…. Cela sous les yeux vigilants de gendarmes tirant leurs bombes lacrymogènes sur les jeunes mozabites accourus défendre les biens des leurs. Ces hordes pavanaient allègrement au milieu des gendarmes, à l'intérieur des plantations mozabites.
– Biens cultuels : – Profanation de plusieurs mosquées et moçallas, (Cheikh Ammi Saïd, cheikh Baba Ouldjemma – Cheikh Baba Salah – Mélika bas..). Cet acharnement d'incendier et de profaner intervient toujours après le traditionnel rituel du pillage, devenu pour cette circonstance précise, un pillage hallal et sacré car profanant des lieux de culte des ‘'mécréants ibadites doublés de kharidjisme''. – Profanations immorales et ignobles des cimetières, avec déterrement d'ossements humains, et destruction de mausolées, où la police encore une fois supervise l'opération en bon instructeur. Ces scènes filmées avaient fait le tour du monde. – Tentatives maintes fois repoussées d'effraction et d'incendie d'instituts coraniques et de Dar El Corâane. Cela se déroule sous le silence assourdissant de leurs imams, dont certains, en imposteurs, se prévalent de titre d'encadreurs attitrés des imams.
– Biens culturels : Monuments historiques : le moçalla cheikh Ammi Saïd, le mausolée cheikh Ammi Moussa, et le haut lieu de la mémoire collective du M'zab : Ba Abderrahmane El Kourti, patrimoine de l'Humanité, classés comme tels par l'Unesco, détruits ou endommagés, ou profanés; et l'établissement public de protection et de promotion de la vallée du M'zab partiellement incendié. La liste des scandales est interminable ! Silence ! On laisse faire ! Il faut entretenir et attiser les violences, toutes les violences ! Il faut les multiplier ! Il faut assurer la sécurité de l'impunité ! L'ordre de l'impunité ! Le M'zab est exclu de la République ! Par ailleurs, et comme par hasard, tous les approvisionnements et les services sont coupés aux seuls Mozabites: interdiction aux mozabites d'accès à l'hôpital, aux stations de carburants, aux multiples services administratifs, aux approvisionnements, et même aux services des agences de téléphonie mobile,….Des ‘'vrais-faux barrages anti mozabites'' sur certains tronçons de la route nationale N° 1 ont été rapportés. C'est un véritable plan élaboré d'asphyxie de toute une population, doublé d'une démarche calomnieuse et machiavélique bien structurée visant l'isolement moral, politique et médiatique de celle-ci.
Exploitation politique des évènements : En effet, les évènements de la vallée du M'zab sont fondamentalement et exclusivement présentés sous l'angle communautaire dans tous les discours officiels et les relais médiatiques du pouvoir. Le pouvoir devrait être au dessus de tout soupçon ! Son image ne devrait trahir aucune suspicion. Outre cette vision centrale et ‘'officielle'', les suppôts du pouvoir de la communauté arabe autochtone, à partir de leur position de sous-traitant dans une logique de division des rôles, ont, quant à eux, principalement et continuellement évoqués et présentés ces affrontements sous l'angle religieux Ibadite – malékite. Cette approche cache mal leur malhonnêteté intellectuelle et leur tartuferie religieuse. Ces suppôts visent à s'attirer et gagner la sympathie et le soutien de ceux attachés à leur rite malékite. Il fallait à tout prix ratisser large. C'était sans compter sur la perspicacité et la hauteur de vue du peuple algérien. En outre, le comportement légendaire de retenue et de rejet par nos aïeux des formes religieuses expansives, ostentatoires ou provocatrices a largement contribué à l'émergence et à l'affermissement de cette grandeur du peuple algérien. Ce comportement se perpétue. Sur un autre registre, une certaine presse et médias audiovisuels se sont même évertués à invoquer des complicités étrangères, impliquant le Maroc, à travers des connivences qui existeraient avec une personnalité locale dirigeante du nouveau ‘'mouvement autonomiste''. Cette presse prend appui sur la position politique de cette personne publique, pour porter atteinte à toute la communauté mozabite. C'est là un amalgame pernicieux qui tend à superposer et identifier à une personne ou groupe politique, toute une communauté dans sa grande diversité, pour l'invectiver et la stigmatiser. Il s'agit d'un vertigineux raccourci pour présenter fallacieusement les multiples institutions ourfia (traditionnelles) mozabites comme étant nécessairement derrière un indirect soutien à ce mouvement autonomiste. A partir de là, ces suppôts pourraient mieux faire endosser la responsabilité des événements à ces structures ourfia qualifiées ‘'d'occultes qui ont enfanté la haine des malékites, des arabes et de l'unité nationale''. Le mensonge caractérisé et la calomnie grossière se conjuguent à la manipulation odieuse ! Le travail de sous-traitance étant finalisé, il ne restera donc au pouvoir qu'à prendre les dispositions qui s'imposeraient.
Apports du M'zab à la Nation: En ciblant ces structures ourfia, ce sont les valeurs sociales et humaines qu'elles portent qu'ils veulent détruire. On vise le M'zab dans sa richesse et ses apports civilisationnels. Des apports qui sont le produit historique d'une expérience originale dans laquelle le M'zab s'est construit dans le sillage d'actions combinées et multiples de recherche de survie à travers la domestication d'un environnement des plus hostiles. Le M'zab voulait assurer son développement et conséquemment le développement de l'Homme, dans une spiritualité renouvelée et enrichie par l'expérience tumultueuse et mouvementée de l'ibadisme d'avant la création des cités du M'zab.
– Le M'zab s'est émancipé sur la base interactive de valeurs : les valeurs de travail, de l'action, de l'effort humain, du compter sur soi; de solidarité soutenue par une organisation sociale appropriée; de recherche continue d'équilibres sociaux et d'atténuation des conflits pouvant surgir par l'anticipation et la mise en place de codes, de règlements, de structures et les moyens de cette politique; favorisant l'intégration sociale et la captation de toutes les énergies (définition des règles de vie commune, de citadinité, des codes de l'urbanisme, de la construction, de la propriété foncière, des eaux et leur équitable partage…); en suscitant aussi l'initiative individuelle et l'accumulation de la richesse tout en lui dressant des obligations et des devoirs; bannissant la richesse ostentatoire source de conflits, et l'indigence passive porteuse de déviations; soutenant la simplicité, l'austérité, la prévoyance, le rejet de l'esprit et du comportement dépensier; et une morale sociale très élevée, basée sur les grandes valeurs appliquées de l'Islam; une morale acceptée et soutenue, car respectant les règles de justice, d'égalité, d'équité, de modestie individuelle et collective, le rejet des titres de noblesse, et de tous les privilèges indus. Outre cette originalité qui, en soi, constitue un apport à la nation, le M'zab a toujours aussi contribué et activement à la culture de la Paix : – Depuis sa création, le M'zab est devenu une terre de repli, de paix et une fin en soi. Et les mozabites s'abstenaient de tout prosélytisme pour leur rite. Ils n'ont pas tenté ‘'d'ibadiser'' les adeptes d'autres rites. Ils vivaient profondément leur propre rite en toute humilité, et pratiquaient la liberté du culte. A l'installation, dans les siècles derniers, des premières tribus arabophones au M'zab, le libre exercice du rite malékite était consacré, et l'édification de lieux de culte malékite s'inscrivait naturellement dans la logique du respect des rites autres qu'ibadite. Il ne faudrait aucunement s'en étonner lorsqu'on sait que les juifs installés au M'zab depuis le quinzième siècle avaient déjà leur synagogue. – Le M'zab n'a jamais été une source de conflits, mais une œuvre recherchant fondamentalement et irrésistiblement la stabilité, la sérénité, la créativité et le laisser cour à son génie créateur dans une sollicitation et un amour sans fin envers Dieu et ses créatures. Dans toutes leurs relations avec les populations de l'ensemble des régions du pays, les mozabites ont toujours recherché à établir des relations de respect et de confiance. Leur repli sur soi est dicté plutôt par ce souci permanent de retenue, pour éviter les comportements expansifs à travers lesquels le reproche de propagation ou simplement de faire connaître l'ibadisme pourrait leur être fatal.
Comme gage à la Paix, le prosélytisme pour leur rite, comme mentionné ci-dessus, a été proscrit. La Paix devient une fin en soi, et s'érige en Culture : La culture de la Paix. Les mozabites, à aucun moment de leur histoire n'auront été la source d'une quelconque fitna au peuple algérien: ni politique, ni religieuse, ni culturelle, ni,…
– Dans ce sillage d'enracinement de la Paix, Ghardaïa a toujours été une ville ouverte et rejetait l'autarcie. Les mozabites voulaient l'imposer comme carrefour des échanges commerciaux où l'éthique et les préceptes de moralité dûment codifiés et strictement observés à travers une organisation appropriée, constituaient le fondement de la loyauté entre les intervenants. C'était là la richesse de Ghardaïa. Lors de l'afflux des tribus arabophones pour s'installer au M'zab, des terrains avaient été mis à leur disposition par les mozabites pour leur faciliter leur implantation. Ils leur assuraient les conditions de vie paisible, discutaient les grands principes de leur intégration dans la vie de la cité, leur réservaient des segments d'activité pour leur assurer les conditions idoines de l'accumulation de la richesse et donc leur émancipation économique et sociale, et définissaient avec eux, et dans la transparence, l'organisation des droits et devoirs réciproques et les fondements du vivre-ensemble. A l'ouverture d'esprit, s'adjoignent les valeurs de citadinité, d'intégration, de règles nouvelles de vie en société et donc de bonne coexistence. Dans la multitude d'autres apports à la nation, nous pourrons citer : – Les aïeux des mozabites ont créé le premier Etat musulman indépendant d'Algérie, (les Rostémides), donnant à ce grand pays la stature d'un Etat qui empruntait l'Islam libérateur venu de l'orient du prophète, et l'incrustait aux aspirations et ressorts sociologiques des Imazighens qui l'ont en retour enrichi, et élevaient par la même la contribution propre de notre pays à la grande culture musulmane à travers le monde. – L'apport indéniable des mozabites avant et après l'indépendance de l'Algérie à la défense de l'Islam et de la langue arabe, et la sauvegarde de la langue mozabite. L'islam défendu est l'islam de valeurs et de moralité profondément assimilées, ressenties et vécues à travers des comportements individuels et sociaux où seules la sincérité dans la foi et sa traduction sur le terrain de la vie, au quotidien, en sont ses repaires. C'est là toute la plénitude de cet islam qui force le respect car il est tout proche de la voie divine que tout musulman recherche. C'est l'Islam humble, attractif, non démonstratif, serein, et loin de tout positionnement social, politique ou autre. C'est l'exemplarité du comportement duquel elle découle, et non le discours enflammé ou la promulgation de stéréotypes, qui constitue le véritable enjeu de l'Islam. C'est aussi cette sérénité dans la défense et la prise en charge de la langue arabe qui fait du mozabite un excellent manieur de cette languetout en adulant sa langue maternelle n'tmazight. Leurs apports dans cette langue arabe sont forts nombreux et de qualité. Leur approche vis-à-vis de ces deux langues n'exclut pas l'une ou l'autre. Et toutes les deux ont évolué dans le sillage du développement de la langue française et des autres langues vivantes. Des relations de complémentarité qui traduisent des choix fondamentaux qui combinent la prise en charge dynamique de l'Islam, de l'Identité Amazigh, de l'arabité, et des grandes valeurs humaines. La langue tamazigh est perçue et vécue par le mozabite comme une composante essentielle de sa personnalité et de son histoire, un référent incontournable. Elle constitue une richesse jalousement sauvegardée dans un environnement qui devenait de plus en plus hostile, teinté d'arrogance affichée, qui la contraignait dans un espace de repli strictement réduit. Langue maternelle de ressourcement, le tamazigh est la première langue parlée; puis l'arabe est rapidement appris à travers l'influence de l'environnement extérieur. D'où cette différenciation dans une complémentarité bien assumée qui constitue la synthèse d'une approche équilibrée et respectueuse des droits à la promotion de chacune des deux langues. Une approche qui dépasse les antagonismes réducteurs imposés par les tenants des exclusions. – L'attachement sans fin des mozabites au M'zab n'a jamais été exclusif de leur enracinement profond dans leur Algérie à travers les siècles, durant lesquels leur disponibilité totale pour la servir est indiscutable. Dès le début des premières tentatives d'intervention étrangère à partir du seizième (16ème) siècle jusqu'à la colonisation française et depuis jusqu'à l'indépendance, leurs combats avec leurs frères algériens n'ont cessé sous différentes facettes, parfois sanglants et meurtriers, parfois sourds et silencieux, mais toujours résistants : De l'attaque de la garnison espagnole, sous le commandement de Hugo de Moncada, installée sur les hauteurs d'Alger, face à la Casbah, venue en vain occuper Alger, défaits ce commandant et les quelques groupes restants se sont enfouis. C'était en 1518. Au débarquement français que ce soit à Staouéli, puis après la capitulation du Dey, à partir de la colline de Sidi Bennour surplombant Alger, puis dans les alentours de la Mitidja, avec l'émir Abdelkader, et sur les remparts de Constantine en 1837,…Ils étaient de toutes ces grandes batailles. Leur rôle a été non négligeable, parfois déterminant. Leur résistance sourde est multiforme : de la difficile négociation de la Convention de 1853 entre la France et le M'zab, à l'annexion du M'zab par une France conquérante, au refus catégorique de la conscription militaire obligatoire, en recourant de 1912 à 1947, outre aux requêtes, rapports, démarches, pétitions, multiples délégations en France comme auprès du Gouverneur Général à Alger, plusieurs recours auprès du Conseil d'Etat, aux grandioses manifestations de masse à Ghardaïa particulièrement en 1919, puis en 1925 devant le Gouverneur Général en visite à Ghardaïa, émaillées d'enlèvements et d'emprisonnements, arrachant à chaque fois quelques acquis et des assouplissements jusqu'à son abrogation en 1947. Ensuite, et dans le creuset de la grande lutte de libération, la participation des mozabites avait revêtu toutes les formes que le génie de tout le peuple algérien avait imaginé à travers ses héros, ses moudjahidines, fidaiyines, moussabilines, réseaux de soutien et autres, aussi humbles et anonymes soient-ils. En outre, dans ce Sahara vaste et nouvellement riche, le ‘'NON'' ferme et constant du M'zab et des autres grandes contrées sahariennes a définitivement signé l'arrêt de mort du maintien du rattachement du Sahara à la France, de la République Saharienne, et la confirmation de l'intégrité du territoire algérien, Sahara compris. Aussi, l'apport original et la touche propre, spécifique et caractéristique que le M‘zab voulait, en outre, présenter à l'Algérie combattante sont parvenus des profondeurs des tressaillements de la Vallée du M'zab, déclamant, en écho aux actions héroïques des résistants des djebels, dans la solennité la plus absolue, les vers retentissants d'un Kassamen fort et sublime du poète mozabite d'envergure : Moufdi Zakaria. Le M'zab venait de faire généreusement don au peuple algérien de l'un des Symboles de tout Etat indépendant : l'Hymne National. C'est pour le M'zab, un témoignage es-qualité de son identification à cet être (l'Algérie) qui est le sien. En l'adoptant dès sa création comme hymne national et hymne de la Révolution, les maquisards anonymes et leurs leaders, le peule debout, ont signé pour le M'zab historique, le M'zab résistant, son attestation de symbole de la Révolution et de la lutte libératrice. – Sur le plan culturel, les Mozabites ont pu offrir à l'Algérie une consécration universelle à travers le classement historique de la vallée du M'zab patrimoine de l'Humanité. C'est une fierté de l'Algérie de se voir inscrire sur le mémorable tableau référentiel des merveilles de ce Monde. L'architecture du M'zab est une référence mondiale. Le M'zab ‘'une leçon d'architecture''; une source d'inspiration et de ressourcement pour Le Corbusier et autres sommités du monde architecturel. Aussi dans ce chapitre, nous devons ne pas omettre la place du minaret dans la symbolique religieuse de l'architecture musulmane, pour mentionner spécifiquement l'originalité du minaret du M'zab. Il se distingue de tous les autres minarets d'Algérie et de tout le Maghreb, outre la centralité de son emplacement, par sa forme architecturale exclusive qui lui donne son caractère propre et unique à l'Algérie. Dans son élan effilé, debout, imposant et droit, puis légèrement courbé au sommet, dans une originalité au bout de laquelle se dressent quatre petits témoins angulaires qui s'élancent puis pénètrent le bleu horizon vers l'infinité des cieux, le minaret du M'zab marie magistralement l'emblématique utilité, l'imposant caractère de l'édifice et l'énigmatique beauté de la simplicité ensorcelante.
– Sur le plan de l'effort et du sacrifice humain: Dans le néant du désert aride, où les eaux pluviales sont d'une grande rareté, et les sécheresses se relaient de manière cyclique, atteignant souvent jusqu'à sept ans d'absence de crue, surgit, dans une incroyable aventure de la création humaine, une oasis artificielle, verdoyante et défiante, mettant au pas les ingratitudes des terres et des cieux dans un élan de courage et d'abnégation qui dépassent l'entendement. Cette oasis, témoin vivant du génie humain, est l'expression conjuguée du labeur, de la persévérance, de la patience, et de l'endurance, fruit de l'amour n'tmourt. C'est par touches successives, opiniâtrement, plants après plants, lopins après lopins, puits après puits, parcelles après parcelles que les palmeraies du M'zab ont jailli. En outre le système du partage des eaux, rajoute au génie humain et au travail valeur suprême, l'admirable ingéniosité de l'esprit imaginatif et l'équité du partage du don de Dieu que sont les pluies pourtant rares.
– Même aux temps modernes, le sens du sacrifice garde toujours son intensité. En effet, et dès l'indépendance, le M'zab était résolument décidé à s'impliquer dans l'Algérie de la modernité et du progrès. C'est ainsi qu' à partir du plateau rocailleux et défoncé (à ce jour d'ailleurs) d'une colline désertique surplombant la vallée du M'zab et aux termes de sacrifices surhumains où il fallait tout imaginer et tout faire soi-même, du raccordement électrique, au branchement de la conduite d'eau, à l'installation des tours et machines-outils et à la formation du personnel, Ghardaïa a offert à l'Algérie, au moment où personne ne croyait, ni ne s'impliquait hardiment dans l'aventure de l'initiative privée, et ce dès le début des années 1970, l'une des premières dynamiques et prospères zones industrielles de l'Algérie. Ainsi, du petit métier à l'entreprise artisanale historiquement acquise, le M'zab entre désormais dans l'entreprenariat industriel et dans la culture d'entreprise industrielle.
– Atteintes aux Mozabites : C'est tout ce M'zab historique, riche de ses apports, bien trempé dans ses référents culturels et ses repères sociologiques et historiques, résolument tourné, en dépit à la fois de pesanteurs bloquantes et de fausses apparences, vers le progrès, la modernité et le rejet des despotismes, que ses détracteurs veulent faire cesser. C'est un harcèlement moral, humain et civilisationnel d'une grande ampleur. Ses détracteurs instrumentalisent les survivances des frictions et des malentendus liés à des pesanteurs sociologiques, et manipulent le désarroi de la jeunesse arabe autochtone, pour arriver à la déstabilisation historique de la communauté mozabite. Pour bien cacher son rôle d'instigateur-ordonnateur-comploteur, le pouvoir semble pousser ses suppôts de la communauté arabe autochtone à susciter et à porter haut et fort cette entreprise de déstabilisation. Ces suppôts ont en définitive mené leur communauté vers l'impasse et la compromission historique au détriment des intérêts fondamentaux bien compris de sa base populaire. Plusieurs siècles de vie commune entre les deux communautés, ont volé en éclat faisant le bonheur des diviseurs qui règnent sur tout, les ordonnateurs de cette même mission, les tenants du pouvoir. Tout a été tenté, le terrain semble bien préparé pour casser du mozabite en toute quiétude. La jonction historique entre le régime qui recherche le nivellement socio politique généralisé de la société algérienne et les suppôts de la communauté arabe autochtone qui en sont le produit, a bien fonctionné. En effet, l'ensemble des indicateurs suivants, en l'occurrence : – l'impunité qui s'érige en système ; – les agressions physiques au faciès et au costume, au grand jour, devant les services de sécurité ne pouvant intervenir car ‘'n'ayant pas reçu d'ordre'' ; outre le rôle passif du maintien du statut quo que le pouvoir impose aux services de sécurité au détriment d'une approche plus dynamique conforme à la nature des missions d'anticipation et de détection actives des agressions et des comportements suspects; – le laisser-faire et la gestion sécuritaire sélective et catastrophique à travers la terreur et le harcèlement continu et bien entretenu ; – la consécration des limites territoriales et des espaces de déploiement propre à chaque communauté ; – les ‘'interdits de circuler'' de facto qui en découlent, contribuant ainsi à entretenir la fracture intercommunautaire, vivier et source d'alimentation d'autres affrontements ; – les transferts obligés des activités commerciales et les casernements imposés ; et depuis fort longtemps : – les attitudes timorées des autorités et l'absence d'engagement dans la prise en charge des préoccupations immenses des citoyens entretenant le pourrissement et leur colère; – les politiques de replâtrage et ‘'du tout va pour le mieux'' ; – la crainte pour les citoyens des incertitudes des lendemains ; – l'instabilité sociale et économique dont le caractère devient de plus en plus chronique ; – les retombées sociales, psychologiques et économiques de cette crise qui perdure, dont le rétrécissement des champs d'activité économique et commerciale et la morosité angoissante du climat général des affaires ; et surtout l'absence de perspectives pour la paix et la sécurité, accouplée à l'entrave au travail et à la créativité qui sont des éléments fondamentaux de la vie de chaque individu et déterminants dans l'appréciation de son équilibre psycho-socio économique….. L'ensemble de ces indicateurs attestent de la profondeur de la crise qui règne depuis assez longtemps, mais ayant connu le pic fatal durant cette année 2014. Cette profonde crise constitue en fait l'anti chambre à un processus à terme visant à pousser vers l'émigration progressive forcée des mozabites, à la recherche de nouveaux horizons plus cléments, créant ainsi un fatal déséquilibre démographique dans un contexte affaiblissant, de plus en plus hostile et tirant vers le bas, générateur d'un grand enfermement sur soi, puis du découragement, la soumission et la résignation à la fatalité de la négation de soi. Le mozabite ressent douloureusement que les conditions semblent être réunies pour mettre un terme à toutes ses institutions et son modèle de vie et de valeurs. Il constate avec amertume le poids de la calomnie, la diabolisation et la recherche de l'adhésion ou le silence complice de la communauté nationale. Les suppôts du pouvoir de la communauté arabe autochtone agissant dans le sens de cette émigration, croient, dans une naïveté déconcertante, qu'en remplaçant ainsi les mozabites, les cieux les combleront. Ils font miroiter ces mirages à leurs progénitures pour entretenir la flamme de la violence haineuse, et leur faire oublier le désarroi, la détresse, la marginalité et la frustration qui les terrassent. Au lieu d'inciter leur jeunesse à s'approprier un tant soit peu les valeurs à l'origine du bien être mozabite, ces suppôts les ont, au contraire, incité après l'étape de jalouser le mozabite, à l'étape de casser ou s'approprier criminellement ce bien être. C'est dommage pour tout le monde, sauf pour ceux qui ne veulent pas, un jour, payer le prix de leurs actes criminels et politiques ruineuses et désastreuses pour le pays. Ceux-là agissent dans le cadre d'un plan. Un scénario bien stupéfiant, diaboliquement imaginé dans les bureaux des officines obscures d'Alger la blanche, dont l'application a commencé, et son rythme dépendrait de plusieurs facteurs locaux et nationaux et des urgences qui se dressent devant le pouvoir. Mais les résistances héroïques multiformes, autant fermes que mesurées, de la communauté mozabite ont su faire face jusqu'à présent au machiavélisme du pouvoir qui s'est couplé à l'inculture de ses suppôts.
Mais comment et pourquoi cet acharnement du pouvoir à l'encontre spécifiquement de la communauté mozabite appuyé par les suppôts de la communauté arabe autochtone ?
II- De quoi la haine des Mozabites est-elle le nom ? – Aspects économiques : Le M'zab, à l'instar de toutes les régions d'Algérie a connu et subi après l'indépendance les profonds impacts des différentes politiques et programmes de développement local et nationale. Outre une avancée indéniable (qui pourrait être qualifiée de très insuffisante aussi par rapport aux opportunités existantes et aux énormes gaspillages induits) en matière d'infrastructures économiques et socio culturelles, des distorsions criardes et des processus de gestion populistes, générateurs de comportements rentiers sont apparus. Ils engendrent des positionnements sur le plan politique basés sur le clientélisme, la course aux privilèges du système et au statut social induit. Ils sont soutenus par une politique d'uniformité de la pensée, de rejet de toute voix discordante et critique, de dictature de la pensée unique, de folklorisation des diversités culturelles, et de bannissement des différences sociologiques, culturelles et identitaires, d'exclusion des compétences, et d'institutionnalisation de l'idéologie des violences institutionnelles, politiques, culturelles,… C'étaient les conditions nécessaires pour asseoir l'hégémonie politique du jeune régime. Cela avait engendré aussi son corollaire de frustrations, de mépris, d'exclusions, de contradictions et d'animosités sociales, mais aussi d'arbitraire, d'emprisonnement, d'enlèvement, de confiscation des biens, de répression policière, de torture… Si sur le plan économique la communauté mozabite a pu échapper aux pièges de la rente et du clientélisme politique en s'assurant, aux termes de sacrifices surhumains, une base économique, industrielle et commerciale, qui faisait du M'zab la plaque tournante de tout le Sud, et surtout un sérieux interlocuteur commercial vis-à-vis du Nord, ce qui a engendré une relative accumulation et l'élévation du niveau de vie global; par contre, sur le plan superstructurel elle a vécu profondément les affres de la politique de l'exclusion, de la sous estimation et du mépris. Des tentatives d'étouffement des structures et institutions communautaires ont été menées, outre les pressions continues, et particulièrement l'alimentation récurrente de la crainte de toucher au rite, aux mosquées, aux habous et biens wakf, aux medersas et instituts coraniques, à l'organisation sociale de la communauté mozabite. Cela frise le chantage. L'épée de Damoclès permanente sur la tête de la communauté. En tous cas, le pouvoir politique ne pouvait s'accommoder de cette émancipation économique source de son autonomie ‘'institutionnelle'' par rapport aux référents de base de l'époque : la primauté en tout de l'idéologie du FLN, c'est-à-dire l'inféodation totale au pouvoir et l'effacement de toutes différences. Pour la communauté arabe autochtone par contre, ses élites, sur le plan économique, étaient tournées principalement vers le Grand Sud à travers un éventail d'actions liées au commerce, le transport et à partir des années cinquante les activités entourant l'exploration puis l'exploitation pétrolière par la France. De grandes fortunes ont été accumulées mais sans effets sur la grande masse de leur communauté. La richesse n'est pas considérée sous l'angle de la mise en branle des capacités dynamiques de la communauté. Le processus d'accumulation sociale ne s'est pas opéré faute d'apprentissage historique de la culture d'entreprise. La culture dominante au sein de cette communauté se résume dans ce dicton populaire fort évocateur de l'état d'esprit dominant et structurant de la vie sociale qui dit : القطران والزلط ليه السودان ''''الجرب ليه. Il traduit à ce jour encore la tendance dominante, en dépit de quelques exceptions qui n'ont pas fait d'émules, du recours à l'informel, et l'absence ou l'incapacité d'auto- développement et donc d'accumulation de richesses à l'échelle communautaire. Leur classe moyenne était à un stade d'ascendance inachevée. Les élites de cette communauté n'entrevoyaient pas de perspectives à partir de leurs propres énergies; pourtant l'expérience vivante du sacrifice surhumain de l'homme mozabite pour créer dans ‘'le désert du désert'' une civilisation qui force l'admiration, outre sa rapide entrée en force dans la sphère de la production industrielle, étaient devant elles un modèle qui devrait plutôt inspirer.