Les actions de protestation se sont multipliées, ces derniers jours, à travers le pays, mettant à nu la dégradation des conditions de vie de larges franges de la population. A l'Est, au Centre, comme à l'Ouest, les citoyens soulèvent les mêmes préoccupations liées à l'emploi, à la couverture sanitaire, à l'enclavement et à l'absence des commodités de base, comme l'eau, le gaz et l'assainissement. Cette année 2010 s'annonce sous le signe de la contestation sociale, et ce ne sont pas les déclarations officielles sur la baisse du taux de chômage ou le relèvement du salaire minimum, sans réel impact sur le pouvoir d'achat, qui mettront la colère ambiante sous l'éteignoir. Les dernières statistiques rendues publiques récemment, annonçant un taux de chômage de 10%, placent pratiquement l'Algérie au même niveau que les pays européens. Or, la réalité est tout autre. Les présidents d'APC dans les communes rurales, interrogés sur l'emploi dans leurs localités, répondent invariablement que le taux de chômage se situe au-delà des 50%. Dans ces conditions, la stabilité sociale est mise en péril, en dépit des chiffres euphoriques sortis de l'administration centrale. Toutes les politiques sociales menées dans l'optique d'aider à l'insertion des jeunes n'ont fait qu'aggraver la précarité. Des diplômés d'universités usent leur patience durant des années au niveau des sièges des administrations chargées de mettre en œuvre les dispositifs gouvernementaux. Trois ou quatre années d'attente pour obtenir un poste sous-payé et non renouvelable. Cette frange de la population, que la formation universitaire n'a pas aidée à intégrer le monde du travail, vit le drame du chômage dans le silence, préférant tourner le regard vers des cieux plus cléments. La colère vient du pays profond, où parfois ce sont des pères de famille qui descendent dans la rue pour protester contre la désertion de tous les services étatiques chargés d'améliorer les conditions de vie des citoyens. Toutes les administrations publiques paraissent en définitive équipées et programmées pour que rien ne bouge. La réalisation d'un petit tronçon d'assainissement ou la réfection d'une route deviennent subitement des projets qui dépassent les compétences et les moyens des collectivités locales. Pourrissement Pour rompre l'inertie des pouvoirs publics, la population a compris que le seul moyen de se faire entendre est de bloquer les routes ou d'occuper les administrations et les assemblées locales. En quelques heures, les autorités locales réagissent et annoncent le lancement des travaux pour le lendemain. Ainsi donc, les moyens sont disponibles, et c'est l'option du pourrissement et du mépris qui a prévalu, en lieu et place de la rigueur et de la compétence. Dans leurs actions de protestation, les citoyens « occupent » indifféremment les sièges de daïra et les assemblées locales, faisant porter une égale responsabilité aux élus et aux responsables de l'administration. Cette dernière a décidé, depuis bien longtemps, de s'installer dans la bureaucratie, reproduisant depuis des décennies les mêmes réflexes tatillons et sclérosants. Il est arrivé que des walis déclarent, impuissants, qu'« un seul fonctionnaire peut bloquer des projets d'envergure de toute la wilaya ». Ces postures d'indignation n'ont malheureusement aucune incidence sur le fonctionnement boiteux des administrations. Les assemblées élues, quant à elles, sont à l'origine de beaucoup de déception au sein de la population. Les programmes de campagne sont oubliés au lendemain de l'installation des exécutifs, et l'on cède à la facilité de la gestion au jour le jour, se déconnectant de la vie quotidienne des administrés. Les élus font alors preuve d'une inertie égale à celle de l'administration. Ils oublient la population qui les a élus, et qui le leur rend bien, puisque, le jour des manifestations, les protestataires réclament exclusivement la venue des autorités administratives.