« Les chemins de l'écriture ? Eh bien, ma fille, je n'en connais que trois qui vont s'entrecroisant et qu'il faut absolument emprunter simultanément. » Ce fut là le prélude d'une réponse à une jeune étudiante, fraîchement diplômée de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'université d'Alger qui m'aborda dans les allées du Salon international du livre, au début du mois de novembre 2009. Le poète, Rainer Maria Rilke, (1875-1926), avait eu l'occasion de répondre à une telle interrogation dans un texte, devenu classique depuis Lettres à un jeune poète. Je te dirais, à mon tour et à mon humble avis, que l'écriture, littéraire principalement, ne serait en fin de compte que le fruit d'une passion arrimée à la pratique continuelle. Et si tu as le moindre penchant pour l'écriture littéraire, eh bien, tu dois, en premier lieu, lire les chefs-d'œuvre des trois langues que tu possèdes : l'arabe, le français et l'anglais. Pour ce qui est de l'arabe, attache-toi à lire le Saint Coran, la Tradition du Prophète et les chefs-d'œuvre de la littérature arabe classique, en vers comme en prose. Tu devras, en même temps, lire les classiques français et anglais, et celui qui a été traduit dans ces deux langues à partir du patrimoine universel. En second lieu, tu dois t'exercer quotidiennement à écrire, c'est-à-dire à étaler un gros cahier dans lequel tu auras à consigner tout ce qui te passe par la tête, sans te montrer hautaine à l'égard de la plus simple ou de la plus naïve des idées. Crois-moi, tu découvriras, dans quelque temps, que ta plume glisse aisément sur le papier, du fait que tu auras emmagasiné, dans ton subconscient, l'essentiel de ce qui touche à la pratique de l'écriture. En troisième lieu, et parallèlement à la lecture et à l'exercice, tu dois établir une espèce de relation diplomatique avec la vie autour de toi, celle-ci étant ton matériau essentiel dans toutes les pratiques de l'expression littéraire. Gares, stations soufies, chemins de traverses, qu'importe l'appellation, l'essentiel pour toi est bien d'enjamber les murs qui pourraient se dresser devant toi sans te sentir obligée d'y rester longtemps, dès lors que le changement doit être une qualité première pour quiconque se met à réfléchir, donc, à produire. C'est tout ce que je puis te prodiguer comme conseil, ma fille, l'écriture étant, par essence, une question intime dépendant de celui qui la pratique. En d'autres termes, elle ne s'apprend pas dans les universités quand bien même les Américains se plaisent à organiser des cours et sessions d'écriture dans leurs plus grandes universités. Ces trois gares, pour les nommer ainsi, sans fausse modestie de ma part, constitueraient le fondement de tout acte créatif en matière littéraire. On y prend le départ vers des destinations inconnues, sinon des écrivains eux-mêmes, et la métamorphose se fait quasi-automatiquement. On pourrait même dire que la lecture est une gare qui n'en est pas une et ainsi de suite pour la pratique de l'écriture et la contemplation de la vie autour de soi. Je n'oserais pas, ma fille, te dire plus, étant donné que je suis toujours à la recherche de mes chemins, de mes gares et de mes stations !