Certaines écoles privées font du gardiennage pour des enfants qui ne sont pas scolarisés chez elles. Cela relève-t-il de leurs prérogatives ? Non. Une école privée est d'abord censée dispenser un enseignement de qualité avec un supplément qu'on appelle «activités spécifiques» de 3 à 5 heures en langues ou en informatique ou un autre de leur domaine de prédilection. C'est ce qui, dans le cahier des charges, est dénommé activités optionnelles. C'est pour séduire les parents qui veulent développer certains dons de leurs enfants. Mais la réalité peut être différente d'un établissement à un autre. Cependant, ce qui rend l'école privée intéressante pour les parents, c'est surtout les arrangements possibles pour les enfants en bas âge quand les deux parents travaillent. Ils ont besoin que leurs enfants soient gardés toute la journée. Il y a donc la prise en charge alimentaire à midi, et les enfants peuvent également être gardés jusqu'à une demi-heure voire une heure au-delà de la sortie des écoles. Mais nous parlons d'enfants scolarisés dans le public, mais gardés dans le privé moyennant une rétribution. Est-ce normal ? L'école publique est censée assurer une scolarité et aussi une prise en charge au niveau des cantines, mais elle n'arrive pas à prendre en charge les enfants durant la pause.Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui l'en empêche ? Parce qu'elle est ainsi organisée. Vous avez la prise en charge sur le plan scolaire. Le gardiennage est une prise en charge supplémentaire qui a toujours été demandée mais que nous ne pouvons pas assurer parce que les enseignants ont un volume horaire à assurer pendant la semaine et l'école ne s'est jamais engagée envers les parents pour prendre en charge leurs enfants entre 11h et 13h. Si l'école publique ne peut pas le faire, est-ce à l'école privée de le faire ? Non. Ce n'est pas une de leurs prérogatives. Dans les textes, cela n'est pas prévu. L'enfant est censé rentrer chez lui. Quand les enfants habitent loin, on assure les cantines qui elles-mêmes sont gérées par les communes. Puisque dans les textes elles ne sont pas vouées à cela, est-ce qu'elles ne sont pas dans une situation de pratique illégale ? Non, elles ont un cahier de charges à respecter sur le plan des normes, des horaires et des programmes. Mais comme c'est une prise en charge rémunérée, elles ajoutent des prestations qui intéressent les parents pour avoir un nombre d'élèves suffisants. C'est pour répondre à une demande sociale, mais leur nombre est limité. On parle de l'école privée comme si c'était une panacée. Ce n'est pas vrai. Nous avons 292 établissements sur 22 wilayas pour près de 60 000 élèves sur 8,5 millions d'élèves scolarisés. Elles ne sont donc pas dans une situation d'irrégularité, même si les enfants qu'elles gardent ne sont pas scolarisées chez elles. Là, il y a un vide juridique. Rien ne les oblige et rien ne les en empêche. Généralement, ce sont les enfants qui avaient déjà été pris en charge dans ces écoles dans le cas du préscolaire. Les parents préfèrent continuer à être en relation avec elles même après. Est-ce que le contrôle de ces écoles se fait sur l'aspect pédagogique uniquement, ou alors il peut toucher d'autres aspects comme les tarifs ? Pour ce qui concerne notre ministère, on contrôle ces écoles uniquement sur le programme et la prestation pédagogique. La responsabilité du secteur de l'Education s'arrête là. Mais il y a d'autres secteurs qui sont concernés pour ce qui est des impôts et le ministère du commerce parce que ces écoles ont un registre de commerce. Pour le moment, les tarifs pratiqués sont justifiés par l'offre et la demande, mais c'est aux parents de solliciter plus de concurrence pour les réduire. C'est le marché qui fixe les prix, mais pour séduire les parents il n'y a que la qualité de la prestation pédagogique et la prise en charge en termes de restauration qui fait la différence. Voilà comment elles peuvent continuer d'exister, sinon elles vont péricliter. Parfois, on demande aux parents des fournitures et des affaires scolaires spécifiques, de marques coûteuses, en quantité exagérée, mais ce qui en reste ne leur est pas restitué à la fin de l'année. Vous trouvez ça normal ? C'est une pratique illégale, frauduleuse et immorale. Mais si les parents se laissent faire, on ne peut pas les défendre contre tout et contre tous. C'est à eux d'exiger les prestations pour lesquelles ils payent et de ne pas ajouter d'autres contraintes parce qu'ils sont libres et peuvent rejoindre le public s'ils le veulent. L'Etat assure la scolarité gratuite, un soutien matériel aux nécessiteux, mais les gens qui sont à l'aise financièrement sont libres de choisir le privé. Compte tenu de la pression sur les écoles publiques, est-ce que celles-ci ne sont pas aujourd'hui dans une situation d'intouchables ? Non. Les écoles privées sont contrôlées au même titre que le public sur le plan pédagogique. C'est parce qu'il y a une demande sociale que ces écoles privées existent. Sans cette demande, il n'y aura pas d'offre. Certains parents veulent avoir un plus parce qu'ils sont dans la mesure de payer. Simplement, l'Etat veille à un certain nombre de principes d'équité et en termes de prestations pédagogiques. Quant aux aspects matériels, ce sont les parents qui sont demandeurs de prestations supplémentaires. Car souvent le couple travaille, habite loin ou veut simplement faire bénéficier son enfant d'un enseignement privilégié. Vous êtes donc satisfait de l'apport des écoles privées jusqu'à maintenant ? Nous avons deux types d'écoles privées : celles qui ont gardé un caractère de service public et donnent vraiment satisfaction en termes de respect des normes pédagogiques et le respect des programmes. Nous avons aussi une catégorie qui ne respecte pas les textes et travaille à l'encontre de la réglementation. Dans un premier temps, vu l'expérience relativement récente des écoles privées en Algérie, nous avons préféré avoir une attitude d'accompagnateur et de ne pas recourir aux sanctions tout de suite. Parce qu'il y a un travail de formation et de pédagogie à faire avec ces écoles. On aimerait les accompagner et les aider que de les sanctionner pour le moment. Quelle serait la part des écoles qui ne respectent pas les règles du jeu ? Je dirai qu'il y a autant chez les uns que chez les autres. On a des écoles qui sont par exemple parmi les meilleures en termes de réussite au bac, et nous en avons d'autres qui ont zéro de taux de réussite. Un jour nous prendrons des sanctions contre ces dernières, mais seulement elles avancent qu'elles ont les plus mauvais élèves et c'est pour cela qu'elles ont les mauvais résultats. C'est un argument qui ne tient pas la route parce qu'elles sont censées apporter un plus quel que soit le niveau des élèves. Nous préférons avoir une attitude positive pour le moment. Mais nous irons vers l'évaluation de ces établissements. Nous allons aussi vers la révision du cahier de charges et les textes sur lesquels nous avons travaillé jusqu'à maintenant. Quand cette révision interviendra-t-elle ? On donnera le temps au temps. ça sera peut-être cette année. Ce que je peux vous dire, c'est que nous le ferons en concertation avec ces écoles privées pour tenir compte de leur expérience dans leurs bons comme dans leurs mauvais aspects.