Des packs complets d'eau minérale, bouteilles de savon liquide, serviettes, rouleaux de papier hygiénique, dentifrice, brosse à dents, serviettes de table… A première vue, on dirait le panier habituel d'une ménagère qui va faire ses courses pour la semaine ou le mois. Il n'en est pourtant rien, car c'est une partie de la liste des affaires réclamées par certaines écoles privées de la capitale à des parents inscrivant leurs enfants en préscolaire. A cela, il faut ajouter une liste de fournitures scolaires dans laquelle sont exigées certaines marques connues pour être onéreuses et en quantité qui laisse parfois les parents perplexes. «On m'a exigé de fournir plusieurs boîtes de couleur, en me précisant la marque Maped, ainsi que deux rames de papier extra fin. Je ne comprends pas pourquoi autant», s'interroge un père de deux enfants, salarié dans le privé, dont l'aîné est inscrit en préscolaire dans une école de la banlieue ouest d'Alger. Du côté des écoles, où on n'est pas très loquace à ce sujet, on justifie cela par le fait qu'à cet âge les enfants font beaucoup de dessins et de coloriages, une bonne marque offre donc l'avantage de la durabilité. Le nombre des exemplaires exigés diffère d'une école à une autre. Certaines écoles exigent une bouteille de savon liquide, quand d'autres en exigent trois. D'autres réclament un tube de dentifrice et une brosse à dents, quand une autre école en demande deux. Un pack entier de papier hygiénique est réclamé dans certaines écoles quand seulement un ou deux rouleaux sont réclamés ailleurs. Mais il n'y a pas que les quantités et les marques qui font réagir. Certains parents d'élève ne comprennent pas la logique même de certains des produits qu'on leur réclame. «On m'a demandé de ramener du savon liquide et du papier hygiénique et je ne trouve pas cela normal», s'indigne une mère dont la fille est inscrite en préscolaire du côté de Kouba. Si les parents s'interrogent et s'indignent parfois, c'est que les frais de scolarité sont déjà considérables. «Je paye plus de 140 000 DA annuellement en frais de scolarité (payable en 4 tranches) plus 5000 DA pour les livres qui sont chers et 4000 DA pour toutes les fournitures scolaires», raconte une parente, secrétaire dans le privé dont l'unique fille est inscrite dans le préscolaire. Il faut donc compter autour de 200 000 DA par année scolaire pour cette mère de famille. D'autres parents payent jusqu'à 500 000 DA en frais de scolarité seulement pour deux enfants. Mais la facture peut vite grimper si le parent sollicite d'autres prestations rémunérées. Cette maman avoue que le mardi après-midi, qui est libre pour les élèves, la garde de sa fille est confiée à son école moyennent un supplément de 2500 DA/ mois, qu'elle ne rechigne pas à payer car «je n'ai pas le choix du fait que je travaille et que je ne peux pas garder ma fille au bureau», justifie-t-elle. Suppléments Car certaines écoles font également du «gardiennage» et pas uniquement pour les enfants qui sont scolarisés chez elles. Une mère de deux filles, dont l'une est inscrite à l'école primaire publique et l'autre en préscolaire dans le privé avoue payer 6500 DA par mois pour faire garder la première dans l'établissement de la seconde pendant ses heures creuses où elle n'a pas cours. A cela, il faut ajouter un supplément de 1000 DA «alors que la fille n'est pas inscrite dans l'établissement privé». Elle explique cependant que la facture comprend le fait «d'aller la chercher, la nourrir et de la garder jusqu'à sa sortie». De quoi faire avaler la pilule à cette maman divorcée qui peine pourtant à joindre les deux bouts. Mais même le fait de récupérer son enfant peut coûter cher, certaines écoles vont jusqu'à facturer le retard des parents 100 DA le quart d'heure, et jusqu'à 500 DA pour d'autres. On explique que c'est pour rémunérer le personnel qui fait des heures supplémentaires pour les garder. Il vaut mieux donc ne pas être en retard. Quand il arrive que l'école organise une sortie pour les élèves, là aussi il faut allonger l'argent. La mère d'une élève raconte avoir payé 1000 DA pour une activité consistant à faire visiter les locaux de la radio à une cinquantaine d'élèves. Le voyage s'est fait en J5 depuis Baba Hassen. «Une telle somme n'est pas justifiée, les enfants n'ayant même pas déjeuné», précise-t-elle. Sécurité Mais pourquoi donc continuer à envoyer ses enfants à l'école privée quand on se plaint de devoir payer le prix fort ? Car même s'ils peuvent s'indigner en voyant leur facture s'allonger, ces parents restent pourtant attachés à l'école privée parfois parce qu'ils n'ont pas le choix, mais souvent parce qu'ils y trouvent un certain nombre de prestations qui les arrangent si le couple travaille (le transport, le gardiennage). Dans certains cas, les deux explications sont avancées avec en prime la certitude que l'enfant est mieux pris en charge du point de vue de l'enseignement. «On se dit souvent que la qualité est meilleure dans le privé et les enfants ont la possibilité de faire certaines activités qu'il n'y a pas dans le public», affirme une maman. Une autre énumère, pour sa part, les nombreux avantages : «La sécurité d'abord, car je ne m'inquiète pas pour ma fille sachant qu'elle reste en classe et qu'elle n'est pas en train de jouer dehors si l'enseignant ne vient pas. La confiance n'a pas de prix. Elle est aussi bien nourrie, la qualité de l'enseignement est satisfaisante, ils apprennent mieux le français et une conseillère les suit régulièrement. Certes, c'est cher, mais je n'ai pas le choix et c'est mieux que de payer une nourrice sans savoir à qui on a réellement affaire.» Quelles que soient les raisons qui les poussent à garder leurs enfants dans les écoles privées en dépit de ce que cela leur coûte, les parents le font souvent d'abord parce qu'ils en ont les moyens, mais pas le temps. «Quand les parents sont occupés, ils sont peu regardants sur l'argent», commente une maman. Reste à savoir jusqu'à quand les moins aisés d'entre eux pourront continuer à privilégier ce choix ? «Ma crainte, c'est de voir les frais de scolarité augmenter chaque année, mais je la garderai là-bas quand même», anticipe une autre parente. Du moins jusqu'à ce qu'elle achève le cycle primaire