Nul n'aurait trouvé à redire si Abdessalem Bouchouareb avait joué la légalité et confié à l'IGF ou à la justice ses «preuves» sur les «malversations» qu'aurait commises Issad Rebrab dans certains actes de gestion de son groupe industriel. Dans le respect de la présomption d'innocence, le ministre de l'Industrie aurait dû laisser les institutions de contrôle travailler et se prononcer par elles-mêmes sur ce qu'il reproche au patron de Cevital. Il ne l'a pas fait et a choisi l'étalage sur la place publique de toutes sortes d'accusations graves, de surcroît en présence d'un ministre d'un pays étranger. En choisissant ce procédé illégal et dangereux, Abdessalem Bouchouareb a rendu d'emblée suspecte sa démarche. Le patron de Cevital a fini par le contrer dans le fond et sur la forme, défiant le ministre à un face-à-face à la télé. Ce sera argument contre argument, loin de tout anathème, celui prononcé par Abdessalem Bouchouareb vite repris en boucle des heures durant par une télé privée arrimée au pouvoir et par le JT de la télé publique. Il a fait de Rebrab un mouton de l'Aïd sans possibilité de se défendre. Manifestement, le ministre a cherché à salir publiquement le patron de Cevital, car ne tolérant pas qu'il l'interpelle régulièrement sur les blocages de ses projets d'investissement, et au demeurant Issad Rebrab est dans le collimateur des autorités depuis qu'il s'est gardé de soutenir publiquement les mandats de Bouteflika. Ce qui aggrave l'attitude de Abdessalem Bouchouareb, au-delà des questions d'éthique, c'est qu'il cherche à détruire le premier investisseur privé, premier employeur, premier contribuable après Sonatrach, courtisé par nombre de capitales étrangères et déjà présent dans plusieurs Etats étrangers. Cela relève du crime économique, car l'Algérie risque d'être amputée du plus grand de ses pourvoyeurs privés en biens, devises et emplois. On ne cessera jamais de rappeler que le pays est à un tournant historique et qu'il a cruellement besoin d'investisseurs capables de répondre aux défis posés par la grave crise économique induite par la chute de ses revenus pétroliers et gaziers. On pensait que le discours politique dans le pays allait dans le sens de la réhabilitation du rôle des entreprises et des capitaines d'industrie. Ce lynchage démontre qu'il n'en est rien. A moins que la Présidence ou le Premier ministère ne viennent à s'en démarquer. Dans le cas contraire, si Abdessalem Bouchouareb persiste dans l'impunité la plus totale dans sa démarche destructrice du groupe Rebrab, ce sera le signe que tout a été planifié d'en haut et que le ministre de l'Industrie n'a été qu'un exécutant zélé. Les dégâts seront lourds autant pour Rebrab que pour tous les investisseurs privés du pays exposés aux caprices et aux errements des ministres. Le signal sera désastreux pour l'étranger. Il l'est déjà avec cette affaire Rebrab. Tous comprendront encore une fois que l'Algérie n'est pas faite pour la création de richesses, qu'elle est vouée à être une terre de règlements de comptes politiques. Et que dire de ces millions de jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi ? Ne voyant rien venir en matière d'emplois, ils auront la rue pour dire leur mot. Que leur dira Abdessalem Bouchouareb ?