Mardi dernier, pour la énième fois, Lakhdar Brahimi a partagé un thé avec Abdelaziz Bouteflika dans sa résidence, à Zeralda, sur la côte ouest d'Alger. Après des images – sans le son – montrant les deux hommes conversant, l'ancien ministre des Affaires étrangères s'emploie, à la sortie de l'audience, à faire une déclaration aux médias publics dans laquelle on entend les mêmes phrases. «Dans une déclaration à la presse à l'issue de l'audience, M. Brahimi a indiqué que l'entretien qu'il a eu avec le président Bouteflika a porté sur la situation dans la région du Sahel, dans le continent africain, notamment en Libye, ainsi qu'en Syrie, en Irak et en Iran», écrit l'agence APS, qui poursuit : «Je sais personnellement ce qui se passe dans le monde et dans la région en particulier,» a en outre affirmé l'ancien diplomate algérien. Pourtant, selon l'entourage de l'ancien diplomate, la visite a «un caractère strictement amical». Des proches de l'ancien ministre des Affaires étrangères ont affirmé que Brahimi «se sent gêné de refuser une invitation» du chef de l'Etat. «Il ne peut pas non plus refuser une déclaration à la télévision, qui est embarquée sans le consulter», ajoutent nos sources. Ces dernières précisent d'ailleurs que c'est à la demande de la présidence de la République que la télévision et les médias publics assistent à une rencontre qui devrait, en principe, être seulement amicale. D'autres sources diplomatiques indiquent que Abdelaziz Bouteflika «utilise l'aura dont dispose Lakhdar Brahimi auprès de dirigeants occidentaux et des émirs du Golfe. Il en fait donc une sorte d'émissaire». «Il utilise son image. La preuve ? Les deux hommes n'ont jamais été réellement amis du temps où Bouteflika était ministre des Affaires étrangères», témoigne un ancien ministre qui a connu les deux hommes. Ce dernier raconte que «les deux anciens chefs de la diplomatie se sont rapprochés lors de la première maladie de Bouteflika. Ce dernier aurait pensé à Lakhdar Brahimi pour lui succéder au cas où il serait incapable de terminer son mandat». Mais entre-temps, trois mandats se sont écoulés. Et la maladie de Bouteflika l'a rapproché de Brahimi, dont les visites deviennent une occasion pour apparaître à la télévision. D'autres voix – à l'image de l'ancien ambassadeur et ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi – pensent que l'exploitation, par le chef de l'Etat, de ces visites de Lakhdar Brahimi, vient du fait que Abdelaziz Bouteflika «n'a pas d'agenda ni national ni international». «L'Algérie est sous-représentée diplomatiquement au niveau du chef de l'Etat. Bouteflika n'assiste plus aux rencontres internationales. Pour faire semblant, il reçoit des personnalités», dit-il, en donnant l'exemple de l'Assemblée générale des Nations unies à laquelle le chef de l'Etat n'assiste pas. Et elle n'est ni la première ni la dernière.