Le vent de colère et de réprobation suscité au sein de l'opinion musulmane par la liste des pays dont les citoyens seront soumis à des mesures spécifiques de contrôle dans les aéroports occidentaux, établie par les Etats-Unis d'Amérique, commence visiblement à mettre dans l'embarras l'Administration Obama. Les réactions les plus véhémentes ont émané de l'Arabie Saoudite et de l'Algérie, des pays souvent présentés comme des partenaires sûrs des Etats-Unis, mais que les responsables américains n'ont toutefois pas hésité à mettre sur leur « liste noire ». Pour exprimer son rejet total de cette mesure « injustifiée » et « discriminatoire », le gouvernement algérien est allé, le 11 janvier, jusqu'à convoquer l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger. Ce qui est, faut-il le dire, une première dans l'histoire des relations entre Alger et Washington. Pas plus loin qu'hier, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a tenu à réitérer, au terme de ses discussions avec la sous-secrétaire d'Etat adjointe américaine chargée du Maghreb et du Proche-Orient, Janet Sanderson, le « refus de l'Algérie de voir les méthodes, utilisées par certains pays pour assurer leur sécurité, correspondre à une politique de deux poids, deux mesures ». Devant cette montée au créneau, les responsables du département d'Etat américain ont décidé sans plus attendre de faire la tournée des capitales des « pays black listés » pour tenter de rassurer et de justifier les mesures décidées par Barack Obama. Maladroites et pas du tout convaincantes, les explications souvent fournies par les « envoyés spéciaux » de Washington donnent l'impression que les « nouvelles » mesures prises pour, dit-on, sécuriser les aéroports occidentaux apparaissent non seulement incongrues mais correspondent davantage à un souci de rassurer une opinion publique américaine choquée de découvrir que le système de sécurité mis en place au lendemain des événements sanglants du 11 septembre 2001 pour contrer des attaques terroristes éventuelles n'a presque aucune efficacité. Monde musulman : Obama joue avec le feu. C'est là, en tout cas, un point de vue défendu par un employé de l'ambassade américaine à Alger qui ajoute par ailleurs que les diplomates américains en poste à l'étranger ont été les premiers à avoir été surpris par l'annonce de l'établissement d'une liste de pays à « risque ». Bien entendu, il n'est pas exclu de penser aussi qu'en élaborant leur liste, les gourous de la Maison-Blanche et les spécialistes américains du renseignement ont voulu régler des comptes avec certains pays tels que Cuba. Quoiqu'il en soit, les autorités américaines ne s'attendaient vraiment pas à ce que « leurs mesures » soient décriées autant. Il apparaît même qu'Obama en cherchant à gagner des points dans les sondages après l'attentat manqué du vol 523 Amsterdam-Detroit, en montrant notamment aux Américains qu'il est capable de les protéger, risque maintenant de perdre la cote auprès des pays musulmans auprès desquels il avait commencé à avoir de l'estime avec son « plan antiterroriste ». L'empressement de Janet Sanderson à présenter les « excuses » du gouvernement américain concernant les désagréments causés aux voyageurs des pays qui, à l'avenir, seront surveillés étroitement, à rassurer les responsables algériens quant aux intentions de Washington et, surtout, à assurer que leur très controversée liste des « pays à risque », qui n'a rien de définitif, montre aussi le caractère tout aussi arbitraire qu'infondé de l'initiative américaine. Dans le cas contraire, il aurait été peu probable que les responsables américains aient pris la peine de se justifier ou même de laisser entendre qu'ils reverront leur décision. Cela n'est d'ailleurs pas de leurs habitudes. C'est pourquoi, probablement, M. Medelci apparaît assez optimiste de voir, à court terme, l'Algérie retirée de la « black liste américaine ». A la question, justement, de savoir si l'Algérie a reçu des garanties pour être supprimée de cette liste, le ministre a répondu ceci : « La véritable garantie c'est la qualité des relations entre l'Algérie et les Etats-Unis. Cette garantie est fondée sur la confiance et c'est fort de cette confiance que je suis persuadé que nous finirons par trouver des solutions plus conformes qui soient acceptables sur le plan de la communauté internationale pour lutter ensemble et de manière plus efficace contre le fléau du terrorisme qui nous concerne tous. »