La salle était archicomble et le débat qui a suivi a été nourri de questions, d'interrogations, de commentaires traduisant l'intérêt, l'empathie et l'émotion du public. A partir de la rédaction d'El Watan, de la confection du journal dans ses différentes étapes depuis la réunion de rédaction, les échanges entre journalistes, le choix de la une, des titres, des caricatures, le montage jusqu'à son impression, Malek Bensmaïl a «filmé le travail et la pensée journalistique» et montré une Algérie qui s'efforce de sortir du carcan d'un régime autoritaire qui étouffe et répond par la force aux manifestations pacifiques de revendication d'un changement démocratique et d'un Etat de droit dont le président en titre, Abdelaziz Bouteflika, brigue un quatrième mandat. El Watan a joué le jeu, a laissé la caméra de Bensmaïl filmer le travail rédactionnel et technique pendant sept semaines, jusqu'à se faire complètement oublier. Malek Bensmaïl a souligné qu'il a «voulu savoir ce qui se passe dans la presse algérienne aujourd'hui. Comment des journalistes peuvent travailler en liberté alors que le président de la République, malade, veut un quatrième mandat, dans un système verrouillé». Et de relever que «dans une Algérie sclérosée, la société bouge. C'est un film sur la critique, l'autocritique, une sorte de métaphore d'une démocratie qui se passe dans une ancienne caserne (la Maison de la presse, ndlr). El Watan essaie d'en sortir par la construction d'un nouveau siège, symbole de son indépendance» dont le projet remonte à 2001 et sur lequel Omar Belhouchet est revenu pour en faire la genèse. «Je n'aurais jamais imaginé, il y a dix ans, qu'un journal puisse titrer ''un Président réélu dans un fauteuil''», relève une jeune spectatrice d'origine algérienne. «J'ai ressenti de la démocratie entre vous, j'ai un sentiment positif, je vois que les gens parlent avec aisance, rigolent. Vous êtes l'espoir de l'Algérie.» «On a envie d'aller voir les journalistes d'El Watan pour participer à leurs discussions», dit une autre personne. «Nous essayons de construire une liberté d'informer, ce n'est pas évident», a répondu le directeur d'El Watan. Et de souligner que cette liberté résulte de la force de conviction, de la détermination, de sacrifices consentis par des journalistes, des militants des droits de l'homme, une société civile qui tente de s'organiser, des jeunes déterminés qui luttent au quotidien pour un Etat de droit et une société démocratique. Et «face au système autoritaire, il a fallu maîtriser toute la chaîne de fabrication du journal, son impression, sa distribution, la publicité qui assure sa pérennité. C'est ce à quoi nous avons consacré nos efforts, notre énergie, avec d'autres journaux, toutes ces dernières années», a ajouté Omar Belhouchet. Alors que Paris est sous le choc des attentats de vendredi, Malek Bensmaïl dédie son film à la mémoire des 120 journalistes algériens assassinés par le terrorisme islamiste durant la décennie noire des années 1990. Contre-pouvoirs est produit par Hikayet films, avec la participation de l'IMA et Magnolias Films. Malek Bensmaïl a réalisé de nombreux documentaires dont La Chine est encore loin ; Guerres secrètes du FLN, Algérie(s) ; Des Vacances malgré tout ; Le Grand Jeu ; Aliénations ; Boudiaf, un espoir assassiné… Applaudis par la critique, ses films ont reçu des prix dans de nombreux festivals à travers le monde.