Les résultats préliminaires de l'enquête menée par le Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) sur l'emploi et les femmes montrent une « évolution » sociale assez remarquable. Lors d'une journée d'étude organisée hier à l'hôtel El Aurassi par le ministère délégué auprès du chef du gouvernement chargé de la Famille et de la Condition féminine, la directrice du Crasc, Benghabrit Rémaoun, a déclaré : « Les résultats chiffrés de cette enquête ont montré que les femmes mariées ou célibataires tiennent à leur emploi et ne veulent pas le quitter quelles que soient les conditions. » Mme Rémaoun a noté que le niveau d'instruction des femmes est un facteur qui a de « fortes incidences sur l'évolution de la situation de la femme dans la sphère socioéconomique ». Elle a trouvé que l'écrasante majorité des femmes travailleuses accorde une importance capitale à la famille et aux enfants. Elle a alerté néanmoins sur certains facteurs qui apparaissent pour la première fois dans ce genre d'enquêtes et qui constituent des entraves au travail des femmes. Il s'agit des pressions morales et du harcèlement sexuel, « des phénomènes même réduits du point de vue du nombre des cas, mais qui ont tendance à se généraliser ». Pour Mme Rémaoun, le diplôme est devenu la clé du travail pour les femmes, alors que pour les hommes il est facultatif. L'enquête a montré que la plupart des femmes travailleuses ont un niveau scolaire de loin plus important que celui des hommes. Lors de son intervention, Youcef Bazizi, statisticien de l'Office national des statistiques (ONS), a révélé que durant la période comprise entre 1996 et 2004, l'emploi féminin s'est multiplié de 2,2%, alors que celui des hommes a connu une hausse de 1,5% seulement. Le nombre de femmes travailleuses est passé de 625 000 en 1996 à 1,4 million en 2004. Les femmes mariées représentent 50% des travailleuses, les célibataires 35%, les divorcées 14% et les veuves 5%. Le statisticien a remarqué une évolution importante dans les mœurs puisque 18% des femmes qui travaillent habitent seules, c'est-à-dire loin du milieu familial. Les conjoints des femmes mariées sont à 42% des universitaires, à 35% issus du cycle secondaire et à 27% du primaire. 49% des mères des femmes travailleuses sont analphabètes et 25% ont un niveau primaire. Youcef Bazizi a également remarqué que 71% des femmes travaillent dans le secteur public, 21% chez le privé et 7% exercent dans le marché informel. A propos de l'accès au travail, l'enquête a révélé que 70% des femmes ont été recrutées après avoir introduit une demande d'emploi et 26% à travers leurs connaissances. Elles sont 61% à avoir préféré une hiérarchie mixte à une hiérarchie féminine ou masculine, 54% ont estimé qu'il y a une discrimination dans la promotion contre 45% qui pensent qu'il y a plutôt une égalité. Mieux, 60% des femmes interrogées préfèrent travailler dans la sphère publique. Les problèmes majeurs qui entravent l'emploi des femmes sont, selon l'enquête, le salaire insuffisant, le manque de moyens de transport, les horaires de travail, le harcèlement sexuel, la discrimination, le harcèlement et l'absence de crèches pour les enfants. Un classement assez intéressant qui démontre que les enfants ne constituent plus un obstacle pour le travail des femmes. Mieux, les statistiques de cette recherche ont montré que les femmes travailleuses recourent de moins en moins à leur famille pour la garde de leurs enfants. Des problèmes majeurs qui persistent Ces résultats rejoignent ceux auxquels est arrivée Imène Merabet, sociologue et chercheur au Crasc. Son enquête a montré que 65% des femmes interrogées ont déclaré qu'elles continueront à travailler après le mariage, contre 15% qui ont affirmé plutôt rester à la maison si leur mari est aisé. Pour la sociologue, le niveau d'instruction est très déterminant dans ce choix. Plus les femmes sont instruites, plus elles tiennent à leur travail. Ainsi, 54% des femmes dont les mères ne sont pas instruites accordent peu d'importance au travail. 84% des femmes qui travaillent font seules toutes les tâches ménagères alors que 18% ont affirmé que leur mari les aide. La sociologue a relevé un élément « paradoxal » dans son enquête. Elle a déclaré que malgré le fait que de nombreuses femmes ont jugé le travail comme étant une liberté, 32% ont souhaité travailler à domicile. « Il faut donc ouvrir des pistes de recherche sur le genre et essayer de comprendre pourquoi sommes-nous devant ce paradoxe », a-t-elle indiqué. Le sondage qu'elle a réalisé a montré que 45% des femmes qui travaillent font le ménage seules, 23% font appel à une autre personne et 25% se reposent une heure par jour. Une révélation intéressante est celle liée à la politique. Elles sont 13% dans la sphère politique, mais 1% seulement sont militantes de parti. A signaler que ces travaux ont été ouverts par Mme Nouara Saâdia Djaâfar, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, en présence de dizaines de cadres, universitaires et militantes des droits de femmes. La ministre a noté dans une longue déclaration que « les acquis de la femme citoyenne et tout ce qui a été réalisé en sa faveur (...) sont une source de fierté et d'orgueil, mais restent en dessous de ses véritables capacités et en dessous de notre aspiration commune qui vise l'élargissement de l'implication et de la participation effective des femmes dans différents domaines de la vie ». Elle a réitéré sa détermination à « contribuer à l'adaptation des lois à la réalité à partir de la réalisation d'études et de recherches qui permettront de prévoir l'avenir ». Pour la ministre, le choix du thème de cette journée d'étude est motivé par les résultats des différentes recherches en sciences sociales qui affirment souvent que le développement d'une société se mesure au degré d'implication de ses femmes.