La lutte contre la violence à l'égard des femmes constitue désormais le cheval de bataille du ministère délégué auprès du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière chargé de la Famille et de la Condition féminine. C'est du moins le message que Nouara Djaâfar, première responsable de ce département, a voulu faire passer hier lors de la rencontre avec la presse autour du projet de lutte contre les violences familiales initiée en collaboration avec les trois agences des Nations unies, à savoir UNIFEM, UNFPA et l'UNICEF. L'objectif de ce projet, a-t-elle expliqué, est l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre les violences familiales dont celles fondées sur le genre, avec la collaboration des partenaires ministériels concernés, les corps constitués et la société civile. L'installation de la commission nationale intersectorielle et multidisciplinaire sur la stratégie de lutte contre les violences à l'égard des femmes est prévue pour jeudi à l'hôtel El Aurassi (Alger). Quatorze ministères seront représentés dans cette commission. Le haut conseil islamique est aussi impliqué. Le projet en question, initié depuis janvier 2006, consiste, en fait, à rendre lisible la question femme, a souligné Nouara Djaâfar, dans les différents domaines, que ce soit au niveau politique, culturel ou économique. « Notre objectif est d'assurer la visibilité de la participation de la femme dans la vie socio-économique. Comme il est aussi question de faire un plaidoyer pour un meilleur accès des femmes aux ressources », a-t-elle précisé. Elaborer une stratégie pour l'intégration de la femme dans les institutions politiques est également un des objectifs de ce projet. Il vise aussi la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation de la stratégie de lutte contre les violences à l'égard des femmes et la construction de ponts ou traits d'union entre la société civile, les institutions politiques et les corps constitués, a-t-elle encore ajouté. Pour Mme Imène Hayef, coordinatrice nationale du projet, « il est nécessaire d'améliorer les instruments de prise en charge de lutte contre les femmes et enfants », précisant qu'une enquête nationale sur la prévalence de la violence à l'égard des femmes sera réalisée, début juillet, dans le cadre de ce projet et ciblera un échantillon de 2000 femmes. Cette enquête est la première du genre en Algérie et dans le monde arabe. Pour Mme Imène Hayef, « il faut impliquer l'Etat dans la prise en charge réelle et effective du phénomène de la violence à l'égard des femmes », tout en plaidant pour un fonds spécial au profit des femmes victimes de violence. Cette première enquête nationale de prévalence qui sera réalisé par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC - Oran) abordera la question de la violence à l'égard des femmes au sein de la famille. Cette enquête conduite dans les structures de santé, de police, de justice et des centres d'écoute a permis d'élucider et d'étudier quelques aspects du problème des violences faites aux femmes. Les résultats de cette enquête ont révélé que le domicile est le lieu privilégié de toutes les violences. « Plus de 50% des agressions déclarées sont survenues à domicile, lieu où les femmes majoritairement au foyer, censé être un lieu de sécurité, sont donc le plus exposées aux violences », est-il relevé. La violence conjugale est la plus importante des cas enregistrés dans cette étude où la moitié des violences (49,5%) déclarées par les femmes mariées ou ayant été mariées ont été commises par le mari. A l'issue des résultats dramatiques de ce fléau qui constitue aujourd'hui un véritable problème de santé publique, le ministère chargé de la Famille et de la Condition féminine a décidé de mettre en œuvre toutes les recommandations adoptées qui portent, entre autres, sur la prévention et la formation des intervenants sur le terrain. Une campagne de sensibilisation a été organisée le 25 décembre 2005 à l'occasion de la Journée mondiale contre la violence. Le but de cette campagne est de contribuer non seulement à une meilleure prise en charge des victimes de violences, mais également tenter d'opérer un changement sur la représentation de la violence, plus particulièrement de la violence envers les femmes dans la société. Ces violences, notamment intrafamiliales, traduisent un mal de vie qu'il faudra prendre en compte, notamment au sein de la famille et sur les enfants, a souligné la ministre. C'est pourquoi, a-t-elle ajouté, il faut le soutien essentiel des médias. Le projet plaide aussi pour la constitution d'une base de données statistiques nationale sur le phénomène. A ce propos, Mme Grangaud, économiste et experte auprès du ministère de la Santé, chargée d'élaborer un rapport sur l'état des lieux des données sur les violences à l'égard des femmes, a indiqué que « les données chiffrées existent, mais elles sont non traitées et donc non consultables immédiatement ».