La COP21 s'est clôturée dans une ambiance de joie. Les organisateurs de la conférence ont fini les uns dans les bras des autres faisant penser à une véritable réussite du sommet. Dans quelle mesure cet événement tranche-t-il avec les COP précédentes ? La communauté internationale est parvenue à un accord universel et a évité un deuxième échec comme celui de Copenhague en 2009. C'est un accord universel, consensuel et diplomatique par excellence qui marque un tournant historique en jetant les jalons d'une transition économique et sociale vers un monde sobre en carbone et résilient aux changements climatiques dans l'ère dite anthropocène où la surexploitation humaine anthropique a causé le désastre climatique. Visiblement, l'accord contient un cadre juridiquement contraignant pour la communication des rapports, la transparence et la révision de l'implémentation des mesures permettant de lutter contre le changement climatique, mais pas forcément contraignant pour les moyens de mise en oeuvre (financement, renforcement des capacités et transfert de technologie) ; wait and see !. Quelles sont les avancées enregistrées par rapport au protocole de Kyoto ? En attendant la signature de l'accord en avril 2016 et sa ratification par au moins 55 pays et sa mise en oeuvre à partir de 2020, l'accord de Paris est différent de celui du protocole de Kyoto. Ce dernier, adopté en 1997, n'était juridiquement contraignant que pour les pays de l'annexe 1, c'est-à-dire pour les pays développés. Dans sa deuxième période d'engagement qui comprend la période 2013-2020, seuls 38 pays développés y participent et se sont engagés à réduire leurs émissions de 18% au moins par rapport aux niveaux de 1990, selon l'amendement de Doha. Le protocole de Kyoto ne s'applique actuellement qu'à environ 14% des émissions mondiales puisque les Etats‑Unis ne l'ont jamais ratifié, que le Canada s'est L'Algérie est victime du réchauffement climatiqueretiré avant la fin de la première période d'engagement, et que la Russie, le Japon et la Nouvelle‑Zélande ne participent pas à la deuxième période d'engagement. D'où la nécessité d'un accord pour la période post-2020. L'accord de Paris, par contre, s'applique aux 195 membres de la Convention et sa mise en oeuvre impliquerait, en principe, des engagements de réduction des gaz à effet de serre aussi bien pour les pays développés que pour les pays en développement, et ce, afin d'atteindre les objectifs à long terme visant à contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels. L'Algérie fait partie des 195 pays participants à la conférence. Quel a été son rôle ? L'Algérie a plaidé pour un accord juste, équitable, solidaire, équilibré et différencié, qui permettra de freiner le réchauffement climatique, mais qui tienne compte également du droit des pays du Sud au développement économique et social et de leurs vulnérabilités face aux changements climatiques. Force est de préciser que l'Algérie a coprésidé, en la personne d'Ahmed Djoghlaf, le groupe de travail international chargé de préparer l'avant-projet d'accord. Quelle est sa position dans ce grand échiquier planétaire, elle qui fait partie aussi bien des blocs africain, arabe, méditerranéen et des pays du Sud ? Peut-on classer l'Algérie parmi les pays émergents, en développement ? En ma qualité d'expert et ayant suivi ce dossier surtout sur le volet scientifique et technique, j'ai pu constater que l'Algérie, qui est un pays en voie de développement, a été leader de longue date dans la question des changements climatiques. L'Algérie, tout en défendant ses propres intérêts stratégiques, s'est associée au Groupe des 77 et la Chine (le plus grand bloc avec 134 pays dans ses rangs), au Groupe africain, au Groupe arabe, ainsi qu'au groupe des pays en développement avec des vues similaires, Linked-minded-developing countries (LMDC). Pour l'Algérie, les pays développés doivent tenir leurs engagements dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et toute négociation dans le cadre d'un nouvel accord climatique doit être menée dans cet esprit. L'élément de la responsabilité commune mais différenciée doit être le coeur de tout le processus. La négociation d'un nouveau régime climatique ne devrait pas traiter uniquement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais de tous les éléments de la décision 1CP17 (Protocole de Kyoto), qui doivent être abordés de manière équilibrée et intégrée, dont notamment l'adaptation aux changements climatiques qui demeure la préoccupation principale pour une grande partie des pays en développement, mais aussi des moyens de mise en oeuvre (financement, développement et transfert de technologie et le renforcement des capacités). En ce qui concerne l'atténuation, il est crucial de rappeler les principes de la Convention et de la responsabilité historique des pays développés qui doivent être les leaders en respectant leurs engagements sur ce point-là. La contribution des pays en développement à l'effort international doit être déterminée au niveau national en tenant compte des circonstances et des capacités nationales en adéquation avec le principe des responsabilités communes mais différenciées. Afin de renforcer les capacités des pays pour faire face aux effets adverses des changements climatiques dont leurs impacts sur les pays en développement sont évidents, l'Algérie a toujours mis l'accent sur l'importance de renforcer le travail sur l'adaptation. Il y a un besoin pressant d'augmenter les capacités d'adaptation, ainsi que la primauté d'assurer la production agricole, la sécurité alimentaire et le développement durable dans les pays en développement. Dans quelle mesure l'Algérie est-elle concernée par la problématique du réchauffement climatique ? Est-elle victime ou coupable ? L'Algérie est bien évidemment victime du réchauffement climatique. Non seulement elle n'est pas historiquement responsable des émissions cumulées des gaz à effet de serre, sa contribution actuelle ne représente qu'à hauteur de 0.41%, selon le dernier rapport paru le 7 décembre 2015. Par contre, l'Algérie qui est un pays semi-aride à aride, est très vulnérable aux effets multiformes des changements climatiques : sécheresse, désertification et recrudescence d'événements climatiques extrêmes (canicules et inondations). Sa sécurité alimentaire se voit ainsi menacée à cause du dérèglement climatique. Existe-t-il une conscience nationale des risques liés au réchauffement ? Si oui, y a-t-il des mesures prises pour la réduction des émissions de GES ? Où en est-on des énergies propres et renouvelables ? La conscience est là, et je dirais qu'elle est ancienne. L'exemple le plus édifiant est le barrage vert dont le programme a été lancé en 1970 pour freiner l'avancement du désert et pour constituer un véritable puits de carbone sur une longueur de 1200 km et une profondeur d'une moyenne de 20 km.