Il en est des pays comme des poissons : ils pourrissent par la tête. Et le corps suit, évidemment. Diplômée de plusieurs grandes écoles de formation scientifique et membre, en 2009, du Haut-Conseil à l'intégration, Malika Sorel, qui est née en France et a longtemps vécu en Algérie, est un témoin averti de la décomposition de la France (1). Une décomposition dont les élites, qu'elle connaît de l'intérieur et a longtemps pratiquées, sont les premières responsables : avant tout préoccupées de leur enrichissement, de leur plaisir, indifférentes à la condition de leurs concitoyens, cyniques et serviles, elles n'ont d'autre souci que de conserver leurs privilèges et leur statut. Opportunistes, elles s'aveuglent sur l'état réel de leur pays, minimisent ses difficultés lorsqu'elles les découvrent et, selon les pressions contradictoires qu'elles subissent, ne satisfont qu'en paroles les attentes des groupes sociaux. «On ne soupçonne pas l'étendue de l'incompétence, de la désinvolture, mais surtout de l'opportunisme régnant parfois dans les hautes sphères… C'est l'égoïsme qui est le moteur des ambitions et non le courage. Le désintéressement est non seulement peu fréquent, mais peu recommandé… Le cœur reste froid, tragiquement insensible au sort de la France et de son peuple.» Ce qui est d'autant plus tragique que le peuple lui-même, sans espérance, sans énergie, s'abandonne à la passivité et n'a qu'un seul objectif : se faire plaisir, jouir. Cynisme et opportunisme au sommet, individualisme et hédonisme à la base : la France s'est brisée. Disjoints, dispersés, les groupes qui la constituent, loin de chercher à se rassembler, s'accrochent à leur ego et, en guise de perspective politique, ne songent qu'à leur propre avenir. Une droite égoïste (évidemment !), une gauche sectaire, un peuple déboussolé : c'est un tableau sinistre de la France que brosse Malika Sorel-Sutter. Mais un tableau, malheureusement, qui est vrai. Et d'autant plus vrai qu'il est fait sans aucune agressivité. Froidement. Comme un acte de décès. (1) Malika Sorel-Sutter, Décomposition française,Fayard, 2015.